Fiche du document numéro 27998

Num
27998
Date
Vendredi 26 mars 2021
Amj
Auteur
Fichier
Taille
37123
Pages
3
Urlorg
Titre
Rwanda : du Kivu à la France, la capacité de nuisance des génocidaires hutus
Sous titre
Formé par des génocidaires en 2000 dans le double but de reconquérir le pouvoir au Rwanda et de terminer l’extermination des Tutsis, le groupe armé des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) demeure actif.
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Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le 22 février dernier, l’ambassadeur italien en RD-Congo Luca Attanasio est assassiné par des hommes armés alors qu’il se trouve à bord d’un convoi du Programme alimentaire mondial (PAM), à 70 km de Goma. Les assaillants s’enfuient. Qui sont-ils ? Un mois après, Rome veut savoir. L’ONU aussi. Pour Kinshasa, les coupables sont les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé fondé en 2000 par des génocidaires hutus rwandais, composé de soldats, de politiques, de cadres administratifs, de miliciens liés à l’extermination des Tutsis en 1994.

Leur objectif ? Reconquérir le Rwanda, « finir le travail », l’éradication des Tutsis qui leur ont échappé il y a vingt-sept ans. Dans le Kivu, où ils se sont réfugiés, les FDLR sèment la désolation. Ils ont « commis des actes de violences graves dirigés contre des femmes et des enfants (…), y compris des meurtres et mutilations, violences sexuelles, enlèvements et déplacements forcés », pointe l’ONU, qui applique des sanctions pour une dizaine de leurs leaders. Tour à tour traqués et soutenus par Kinshasa, au fil des décennies, ils n’ont jamais été démantelés. « Ils s’autofinancent sur le terrain, et pratiquent l’enlèvement, un business lucratif qui a pris de l’ampleur », souligne Thierry Vircoulon, de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Ils se financent aussi sur le trafic des minerais.

« Leur mouvement est devenu congo-rwandais »



Les FDLR, constate Thierry Vircoulon, « ont su nouer des alliances avec les forces locales, se sont insérés économiquement et socialement. Leur mouvement est devenu congo-rwandais ». Combien sont-ils ? Les miliciens de 1994, précise le chercheur, sont âgés. « Alors que les FDLR comptaient environ 6 500 combattants en 2008, les effectifs du groupe en 2020 étaient estimés entre 500 et 1 000 combattants », selon le baromètre des violences dans le Kivu, dans son rapport du 22 février 2021.

Si les FDLR opèrent toujours dans le Kivu, si Kigali les accuse de conduire des raids meurtriers au Rwanda, leurs ramifications s’étendent bien au-delà de cette région des Grands lacs. L’Europe est considérée comme leur principale base arrière. « Surtout, pointe Thierry Vircoulon, l’Allemagne, la Belgique et la France ». Trois pays qui ont longtemps entretenu des liens étroits avec le Rwanda, au temps de Juvénal Habyarimana, l’ancien président, en poste jusqu’en avril 1994. Et trois pays ayant accueilli de nombreux Hutus rwandais après la chute du régime génocidaire, en juillet de la même année.

En France, « ils ne sont pas inquiétés par la justice »



Les FDLR, constate Thierry Vircoulon, « ont su nouer des alliances avec les forces locales, se sont insérés économiquement et socialement. Leur mouvement est devenu congo-rwandais ». Combien sont-ils ? Les miliciens de 1994, précise le chercheur, sont âgés. « Alors que les FDLR comptaient environ 6 500 combattants en 2008, les effectifs du groupe en 2020 étaient estimés entre 500 et 1 000 combattants », selon le baromètre des violences dans le Kivu, dans son rapport du 22 février 2021.

Si les FDLR opèrent toujours dans le Kivu, si Kigali les accuse de conduire des raids meurtriers au Rwanda, leurs ramifications s’étendent bien au-delà de cette région des Grands lacs. L’Europe est considérée comme leur principale base arrière. « Surtout, pointe Thierry Vircoulon, l’Allemagne, la Belgique et la France ». Trois pays qui ont longtemps entretenu des liens étroits avec le Rwanda, au temps de Juvénal Habyarimana, l’ancien président, en poste jusqu’en avril 1994. Et trois pays ayant accueilli de nombreux Hutus rwandais après la chute du régime génocidaire, en juillet de la même année.

En France, « ils ne sont pas inquiétés par la justice »



Alertée par les enquêtes de l’ONU, l’Allemagne a arrêté plusieurs membres des FDLR, comme lgnace Murwanashyaka, leur chef officiel, et son adjoint Straton Musoni, condamnés en 2015 à plusieurs années de prison pour avoir orchestré d’Allemagne les crimes commis au Kivu. Et la France ? « Ils ne sont pas inquiétés par la justice », assure Dafroza Gauthier, cofondatrice avec son époux Alain, du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR).

« On les trouve à Orléans, à Tours, à Toulouse, à Lyon et à Rouen : là où se concentre l’opposition à Paul Kagame », l’actuel président rwandais, ajoute Alain Gauthier. « La France est un refuge et une base arrière des génocidaires depuis les années 1990 », complète Dafroza Gauthier, « en témoigne l’arrestation à Asnières, en juin 2020, de Félicien Kabuga, financier du génocide. »

Leur nombre en France reste un mystère, estime Jeanne Allaire, de l’association des rescapés du génocide des Tutsis, Ibuka : « Mais ils sont actifs. En 2011, lors de la visite de Paul Kagame en France, certains d’entre nous ont été agressés violemment par un commando qui se présentait comme des combattants congolais. »

Tous ne se cachent pas. Parmi eux, Hyacinthe Nsengiyumya Rafiki : « L’ancien ministre des services publics et de l’énergie du gouvernement génocidaire et l’un des fondateurs des FDLR, confie Dafroza Gauthier. Il habite à Créteil depuis le 6 juin 2012. » Ou Aloys Ntiwiragabo, ancien chef du renseignement militaire du gouvernement génocidaire. Longtemps recherché par la justice internationale, il avait disparu entre les années 2000 et juillet 2020 : « Je l’ai retrouvé à la messe à l’église Saint-André de Fleury-les-Aubrais, dans la banlieue d’Orléans », rappelle le journaliste Théo Englebert, « il habite à quelques minutes de l’église, depuis des années et en toute impunité ». Le parquet national antiterroriste a ouvert à son encontre une enquête préliminaire pour « crimes contre l’humanité ».

Au cœur de Paris vit enfin Callixte Mbarushimana, secrétaire exécutif des FDLR, qui figure sur la liste des sanctions de l’ONU. Arrêté à Paris le 3 octobre 2010 sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour « crimes de guerre et crimes contre l’humanité » commis par les FDLR dans le Kivu en 2009, il a été transféré à La Haye le 25 janvier 2011, et libéré fin 2011. « La présidente de la Chambre avait regretté que le procureur ait si mal ficelé son dossier contre lui », se souvient le Britannique Charles Petrie, ancien adjoint du secrétaire général de l’ONU dans les années 2000.

« Une multitude de micro-associations »



« Ils se sont organisés autour d’une multitude de micro-associations derrière lesquelles se retrouvent souvent les réseaux liés à Rafik, Aloys Ntiwiragado ou Agathe Habyarimana, l’épouse du président rwandais au cœur du Hutu Power, qui habite Courcouronnes. L’épouse d’Aloys est la secrétaire d’une de ces associations à Orléans. On sait que ces structures collectent des fonds. Et où va cet argent ? », s’interroge Dafroza Gauthier.

Reste, au côté des membres actifs, leurs sympathisants, susceptibles d’occuper des positions influentes dans la société française. Comme l’abbé Wenceslas Munyeshyaka, prêtre dans l’Eure soupçonné de crime de génocide auprès des Tutsis réfugiés dans son église à Kigali en 1994, qui a obtenu un non-lieu de la justice française en 2019. Mis sur écoute en 2014 dans le cadre de cette affaire – La Croix en a pris connaissance –, il expliquait à l’un de ses interlocuteurs que les FDLR allaient attaquer le Rwanda, et qu’il attendait « ça impatiemment ». Et qu’une fois ses ennuis judiciaires clos, « il allait commencer à travailler sérieusement pour le parti ».
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024