Fiche du document numéro 27229

Num
27229
Date
Jeudi 23 mars 2017
Amj
Auteur
Fichier
Taille
437840
Pages
8
Titre
L’enquête des militaires français sur l’attentat contre l’avion du président Habyarimana le 6 avril 1994 à Kigali
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Mot-clé
Résumé
The truth has still not been clarified on the attack on the Falcon 50 plane of the Rwandan president on April 6, 1994 in Kigali, which caused the death of twelve people, including three French, initiated a coup d'Etat, and served as a pretext to trigger the genocide of the Tutsi by accusing them of having committed it. Elements essential to conduct a scientific investigation have disappeared. These are the aircraft's two recorders, commonly referred to as "the black box", and the debris from the missiles and their launchers. The French soldiers, present for military cooperation, who went to the scene immediately after the crash, made investigation reports and took evidence, including flight parameter recorders (FDR) and conversations in the cockpit (CVR), other parts of the aircraft and debris from the projectiles that caused the aircraft to fall. Such pieces are held in Paris by the former Ministry of Cooperation or by the Ministry of Defense. They were not turned over to the investigating judge, nor requested by him.
Type
Note
Langue
FR
Citation
L’enquête des militaires français sur l’attentat
contre l’avion du président Habyarimana
le 6 avril 1994 à Kigali
Jacques Morel∗
23 mars 2017, v1.4

Résumé
La vérité n’a toujours pas été faite sur l’attentat contre l’avion Falcon 50 du président rwandais, immatriculé 9XR-NN, survenu le 6 avril
1994 à Kigali (Rwanda), qui a causé la mort de douze personnes, dont
trois Français, a initié un coup d’État, et a servi de prétexte à déclencher
le génocide des Tutsi en accusant ceux-ci de l’avoir commis. Des éléments
indispensables pour mener une enquête scientifique ont disparu. Il s’agit
des deux enregistreurs de l’avion, communément appelés « la boîte noire »,
et des débris des missiles et de leurs lanceurs.
Les militaires français, présents au titre de la coopération militaire, qui
se sont rendus sur les lieux, aussitôt après le crash, ont fait des rapports
d’enquête et ont prélevé des pièces à conviction, dont les enregistreurs
des paramètres de vol (FDR) et des conversations dans le cockpit (CVR),
d’autres pièces de l’avion et des débris des projectiles qui ont causé la
chute de l’avion.
De telles pièces se trouvent détenues à Paris par l’ancien ministère
de la Coopération ou par le ministère de la Défense. Elles n’ont pas été
remises au juge en charge de l’enquête, ni demandées par lui.

Hormis la Belgique, qui a mené une enquête sur l’assassinat de dix de ses soldats le lendemain de cet attentat, aucune enquête n’a été faite immédiatement.
Le juge Bruguière s’est vu confié le 27 mars 1998, quatre ans après les faits, une
information judiciaire sur cet attentat, du chef d’assassinat en relation avec une
entreprise terroriste. Le 17 novembre 2006, il a rendu une ordonnance accusant
le Front patriotique rwandais (FPR) d’être l’auteur de cet attentat et a lancé
neuf mandats d’arrêt contre des proches de Paul Kagame. Les juges Trévidic
et Poux, qui lui succèdent en 2007, ordonnent une expertise sur les lieux de
l’attentat. Celle-ci établit que le tir des missiles est parti de l’intérieur ou du
voisinage immédiat du camp de Kanombe tenu par l’armée gouvernementale.
Ce constat rend très fragile l’accusation du juge Bruguière qui ne s’était même
∗ Auteur de La France au cœur du génocide des Tutsi, livre déchargeable à l’adresse http:
//www.francegenocidetutsi.org/FranceCoeurGenocideTutsi-IP.pdf.

1

pas rendu sur les lieux. Le juge Trévidic a été muté en 2015 sans avoir déposé
de conclusions.
Les faits suivants tendent à prouver que des pièces à conviction se trouvent
détenues à Paris par l’ancien ministère de la Coopération ou par le ministère de
la Défense. Il semble, d’après la presse, qu’elles n’ont pas été remises au juge en
charge de l’enquête, ni demandées par lui.

1

L’appareil était équipé de deux enregistreurs
de vol

L’appareil était bien muni de deux enregistreurs de vol, comme tout avion de
transport. La firme Dassault affirma d’abord que l’avion du président rwandais
n’en était pas équipé. 1 Le général Quesnot le répèta à la Mission d’information
parlementaire : « J’avais demandé à la société Dassault si cet avion était équipé
d’une boîte noire ; il n’en était pas équipé. ». 2 Cependant, le général Rannou,
chef du cabinet militaire du ministre de la Défense d’avril 1991 à mai 1994, a
reconnu la présence à bord du Falcon 50 des deux “boîtes noires” habituelles,
dans une lettre en date du 15 juin 1998, adressée à la Mission d’information
parlementaire qui ne l’a pas rendue publique. 3 De plus, la firme Dassault a
reconnu le 19 juin 2001 que l’avion était équipé d’un cockpit voice recorder
(CVR). 4

2

Des militaires français se sont rendus sur le
lieu du crash

François Léotard, ministre de la Défense, affirme lors de son audition à la
Mission d’information parlementaire que les militaires français n’ont pas pu accéder au lieu du crash, l’armée rwandaise ayant bouclé les lieux. 5 Il est contredit
1. Hervé Gattegno, Corine Lesnes, Rwanda : l’énigme de la « boîte noire », Le Monde,
mardi 28 juin 1994, pp. 1, 6 ; Hervé Gattegno, La « boîte noire », le Falcon et le capitaine, Le
Monde, 8 juillet 1994, p. 3 ; Airclaims France, From Vincent Fave/MJF, To Willis Corroon,
Subject Rwandan state - Disaster of 6 April 1994 Falcon 50 9XR-NN, Paris, 1st February
1995. Cf. Rapport Mutsinzi d’enquête sur l’attentat du 6 avril 1994, Annexes, Black Box,
18950-FT-82-00.pdf, p. 6. http://www.francegenocidetutsi.org/18950-FT-82-00.pdf
2. Audition du 19 mai 1998, Mission d’information parlementaire, Enquête sur la
tragédie rwandaise 1990-1994, Tome III, Auditions, Vol. 1, pp. 343–344. http://www.
assemblee-nationale.fr/dossiers/rwanda/auditi02.asp#QUESNOT
3. Jean-Claude Lefort, Note no 19 à Bernard Cazeneuve, 20 octobre 1998.
Cf. La Nuit rwandaise, No 2, pp. 242-243. http://www.francegenocidetutsi.org/
Lefort20oct1998Note19.pdf
4. Stephen Smith, La « boîte noire » du Falcon aurait été transférée, il y a dix ans, au
siège de l’ONU, à New York, Le Monde, 10 mars 2004. http://www.francegenocidetutsi.
org/SmithBoiteNoire10mars2004.pdf
5. Audition du 21 avril 1998, Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [2, Tome III,
Auditions, Vol. 1, p. 98].

par le lieutenant-colonel Grégoire de Saint-Quentin qui déclare qu’il a pu y accéder vers vingt-deux heures. 6 Mais cette mission publie une fiche du ministère de
la Défense qui affirme que cet officier et deux sous-officiers français en poste au
camp de Kanombe se sont rendus sur les lieux du crash de l’avion dans les 15 minutes qui ont suivi. 7 Grégoire de Saint-Quentin, alors commandant, est resté une
grande partie de la nuit pour ramasser les corps des victimes. Il y est retourné le
lendemain matin vers 8 heures. 8 Une photo aux mains de la justice belge montre
le commandant de Saint-Quentin devant un moteur de l’avion abattu, le 7 avril
1994. 9 En plus du commandant Grégoire de Saint-Quentin, quatre sous-officiers
français résidaient au camp Kanombe, en tant que conseillers techniques auprès
du bataillon paras-commando, à moins de 1 000 m du lieu du crash. Ce sont
les adjudants-chefs Jean-Michel Janne, René Bach, José De Pinho et Gérard
Gratade. 10

3

Les Casques bleus se sont vus interdire l’accès
au lieu du crash

Les Casques bleus envoyés après l’attentat par le général Dallaire pour sécuriser le lieu du crash en ont été empêchés par la garde présidentielle et d’autres
militaires. 11

4

Les militaires français ont trouvé la « boîte
noire »

Le commandant Grégoire de Saint-Quentin a confié dans la nuit du 6 au 7
avril à un médecin militaire belge, Massimo Pasuch, « qu’il fallait attendre le
6. Mission d’information parlementaire, Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [2,
Rapport, p. 235]. http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/rwanda/r1271.asp#P3849_
545827
7. Fiche du ministère de la Défense, 7 juillet 1998, No 543/DEF/EMA/ESG. Cf. Mission
d’information parlementaire, Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994, Tome II, Annexes,
pp. 268-269. http://www.francegenocidetutsi.org/FicheMinDef7juillet1998.pdf
8. Mission d’information parlementaire, ibidem
9. Guy
Artiges,
Willem
Hamelinck,
Auditorat
militaire,
Bruxelles,
23
juin
1994,
PV
no 1014.
http://www.francegenocidetutsi.org/
DeSaintQuentinDevantMoteurFalcon7avril1994.pdf
10. Schéma MAM de diffusion de l’alerte et du renseignement, annexe au Compte-rendu
du Colonel CUSSAC et du lieutenant-colonel MAURIN, Paris, 19 avril 1994 (non publiée dans la version définitive des annexes du rapport de la Mission d’information parlementaire) http://www.francegenocidetutsi.org/SchemaDiffusionAlerte.pdf ; République
Rwandaise, Ministère de la Défense nationale, Armée rwandaise, État-major, G1, Kigali le
05 mars 1994. Objet : Situation officiers armée rwandaise arrêtée au 01 mars 1994, p. 9.
http://www.francegenocidetutsi.org/OrganigrammeFAR94.pdf#page=9
11. R. Dallaire, J’ai serré la main du diable - La faillite de l’humanité au Rwanda, Libre
expression, 2003, pp. 289, 293–294 ; United Nations. Office of Internal Oversight Services.
Investigation Division. Report of Investigation Id Case No 0072/04. section 30, pp. 15–16.
http://www.francegenocidetutsi.org/BlackBoxReport.pdf#page=15

jour pour essayer de récupérer la boîte noire. » 12 Lors de son audition devant
la Mission d’information parlementaire, le 20 mai 1998, il a reconnu qu’il l’a
cherchée « mais sans succès. » 13
Plusieurs témoins affirment que les militaires français ont trouvé la « boîte
noire ». Des gardes présidentiels, qui assuraient la protection de la résidence du
président Habyarimana près de laquelle l’avion est tombé, disent que les militaires français l’ont trouvée. Le sergent major Barananiwe Jean-Marie Vianney,
chef de la section de la garde présidentielle qui assurait la protection de la résidence du président Habyarimana, le soir du 6 avril 1994 déclare : « Les Français
sont venus chercher la boîte noire le 07 ou le 08/4/1994 mais je ne me rappelle
plus le jour où ils l’ont trouvée. » 14 Grégoire Zigirumugabe, membre également
de la garde présidentielle, dit que les Français ont trouvé « cet appareil qu’on
appelle Boîte noire le 7 avril ». Aloys Tegera, de la garde présidentielle, Jean
Baptiste Nzayisenga et Léonard Ntibategera, des paras-commando, ont aussi vu
les Français chercher la boîte noire en démontant des pièces sur l’avion. Léonard
Ntibategera a appris qu’ils l’ont trouvée. 15
Madame Agathe Habyarimana, veuve de Juvénal Habyarimana, et ses enfants, interviewés le 21 avril 1994 à Paris, affirment que la « boîte noire » a été
trouvée par les militaires français. 16
Un autre témoin affirme avoir vu l’enregistreur de vol au domicile d’un
conseiller militaire français, quelques heures après l’attentat. 17 Devant témoin à
Kigali, l’attaché militaire de l’ambassade de France, le colonel Bernard Cussac,
aurait affirmé, selon Stephen Smith, qu’on avait « trouvé la boîte noire ». 18
Le général Paul Rwarakabije, alors lieutenant-colonel, officier opérations de
la gendarmerie rwandaise, affirme que Grégoire de Saint Quentin a ramassé des
débris de l’avion et que d’autres pièces trouvées ultérieurement par des militaires
rwandais ont été portées à Paris par le lieutenant-colonel Rwabalinda, qui a
remis tous ces objets au général Huchon, chef de la Mission de coopération
militaire. 19
La rencontre entre Ephrem Rwabalinda et Jean-Pierre Huchon est attestée
par l’ordonnance du juge Bruguière. 20 Le colonel Ephrem Rwabalinda a fait
12. Déposition de Massimo Pasuch, auditorat militaire belge, 9 mai 1994. http://www.
francegenocidetutsi.org/Pasuch9mai1994.pdf
13. Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994, Rapport, p. 235. http://www.
assemblee-nationale.fr/dossiers/rwanda/r1271.asp#P3849_545827
14. Rapport Mutsinzi d’enquête sur l’attentat du 6 avril 1994, p. 53. http://
mutsinzireport.com/wp-content/uploads/2010/01/Rapport_Francais.pdf#page=53
15. Ibidem, pp. 54, 55.
16. Philippe Gaillard et Hamid Barrada, « Rwanda : l’attentat contre l’avion présidentiel :
Le récit en direct de la famille Habyarimana », Jeune Afrique, 28 avril 1994, p. 17. http:
//www.francegenocidetutsi.org/ja19940428Habyarimana.pdf
17. Vincent Hugeux, Rwanda : Pourquoi tant de gêne ?, L’Express, 12 février 1998, p. 76.
18. Stephen Smith, Habyarimana, retour sur un attentat non élucidé, Libération, 29 juillet
1994, pp. 14-15. http://www.francegenocidetutsi.org/SmithLiberation29juillet1994.pdf
19. Colette Braeckman, « Seuls les Français ont pu arriver sur place », Le Soir, 25 avril
2007.
20. J.-L. Bruguière, Ordonnance de soit-communiqué, 17 novembre 2006, p. 36. http://
www.francegenocidetutsi.org/OrdonnanceBruguiere.pdf#page=36

un rapport de ses entretiens avec le général Huchon dans lequel celui-ci conditionne la poursuite de la coopération avec l’armée rwandaise au rétablissement
de l’image du gouvernement rwandais et de son armée que les médias accusent
de diriger les massacres. 21
D’autres sources signalent que la « boîte noire » de l’avion a été trouvée.
La lettre de consignes du ministre des Affaires étrangères du gouvernement intérimaire rwandais aux missions diplomatiques rwandaises, en date du 15 avril
1994, confirme que cette boîte noire a été retrouvée et précise : « Les résultats
de l’analyse de cette boîte noire seront versés dans l’enquête, mais en attendant cette expertise, il serait hasardeux de tirer une conclusion définitive sur les
auteurs de l’attentat qui a coûté la vie au président Habyarimana. » 22
Une note du département d’État des États-Unis estime cette découverte probable :« The blackbox from the airplane has probably been recovered by Rwandan
government officials who controlled the airport when the plane was shot down,
or, according to unconfirmed reports, by French military officials who later secured the airport and removed the body of the french pilot of Habyarimana’s plane
after the crash. » 23

5

La boîte noire a été transportée à Paris

Le 27 juin 1994, le ministre français des transports, Bernard Bosson, révèle au
chef de cabinet du Vice-Premier ministre belge, M. Di Rupo, que « les autorités
françaises sont en possession de la boîte noire de l’appareil présidentiel rwandais
abattu en vol et qu’elles tiennent cette boîte noire à la disposition de l’ICAO » 24
21. Lettre du lieutenant-colonel Ephrem Rwabalinda au ministre de la Défense, au chef
d’état-major de l’armée rwandaise, Gitarama, le 16 mai 1994. Objet : Rapport de visite
fait auprès de la Maison militaire de coopération à Paris. Cette lettre a été ramenée de
Kigali durant l’été 1994 par la journaliste belge Colette Braeckman. Cf. L’Afrique à Biarritz, [1, p. 129]. http://www.francegenocidetutsi.org/RapportRwabalinda16mai1994.pdf
http://www.francegenocidetutsi.org/RwabalindaRapport.pdf
22. Consignes du ministre des Affaires étrangères du gouvernement intérimaire aux représentations diplomatiques rwandaises en date du 15 avril 1994. À l’attention des missions diplomatiques et consulaires du Rwanda (toutes). Objet : Mise au point au sujet
de la tragédie rwandaise. Cf. André Guichaoua, Les crises politiques au Burundi et au
Rwanda, Université des Sciences et Techniques de Lille - Karthala, 1995, pp. 678-681, § 25.
http://www.francegenocidetutsi.org/MinafetGIR15avr1994.pdf
23. Memorandum from Assistant Secretary for Intelligence and Research Toby T. Gati to
Assistant Secretary of State for African Affairs George Moose and Department of State Legal Adviser Conrad Harper, “Rwanda – Geneva Convention Violations”, circa May 18, 1994.
Secret/ORCON (originator controlled). William Ferroggiaro, The U.S. and the Genocide in
Rwanda 1994, Document 15. http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB53/rw051894.
pdf Traduction : La boîte noire de l’avion a probablement été récupérée par les autorités gouvernementales rwandaises qui contrôlaient l’aéroport quand l’avion a été abattu, ou, suivant
des informations non recoupées, par des responsables militaires français qui ont sécurisé plus
tard l’aéroport et ont emporté le corps du pilote français de l’avion d’Habyarimana après le
crash.
24. Télécopie du 27.06.1994 de Frank Durinckx, service de sécurité, Ministère des communications et de l’infrastructure, à l’attention de Monsieur Van Winsen, auditeur militaire
Bruxelles. Cf. Rapport Mutsinzi d’enquête sur l’attentat du 6 avril 1994, p. 49. http://
mutsinzireport.com/wp-content/uploads/2010/01/Rapport_Francais.pdf#page=49 ICAO,

Le comité de contrôle des services de renseignements belges (comité R) précise dans son rapport : « Certains éléments de l’avion présidentiel ont été transportés en France pour analyse. Le comité n’a pas connaissance du résultat des
analyses. » 25

6

Des débris de missiles et des lanceurs ont été
trouvés

En plus de la boîte noire, les militaires français ont cherché les débris des
projectiles qui ont abattu l’avion. En effet, selon le journaliste Stephen Smith,
des militaires français se sont rendus sur les lieux du crash le 10 avril. Un responsable de l’opération a confié au journaliste : « Ce n’est pas tant la fameuse boîte
noire qu’on nous demandait de chercher que la tête d’autoguidage infrarouge du
missile ». 26 Il n’auraient rien trouvé.
Mais une fiche du ministère français de la Défense fait remarquer que des
militaires français ont trouvé des débris de missiles ayant causé la chute de
l’appareil, car elle précise : « Les auteurs de l’attentat ont utilisé des SA 16 de
fabrication soviétique (d’après les débris de missiles retrouvés sur les lieux de
l’attentat). Cette arme est en dotation dans l’armée ougandaise et au FPR ». 27

7

Une enquête sur l’attentat a été faite par les
militaires français

Il y a toute raison de croire qu’une enquête sur cet attentat a été réalisée
par les militaires français. Le commandant De Saint-Quentin a fait un compte
rendu le 6 avril à 21 h 30 sur le crash de l’avion présidentiel au lieutenant-colonel
Maurin qui a été transmis au Centre opérationnel interarmées (COIA). En effet,
le compte rendu du colonel Cussac et du lieutenant-colonel Maurin note : « Le
6 avril à 21 h 30, compte rendu du Cdt St QUENTIN au L/C MAURIN du
crash de l’avion présidentiel à KANOMBE - CR au COIA [Centre opérationnel
interarmées]. » 28
en français OACI : Organisation de l’aviation civile internationale.
25. V. Paulus de Chatelet, Rapport de l’enquête de contrôle sur l’efficacité et la collaboration
des services de renseignements à propos des événements au Ruanda, 5 décembre 1994, p. 6.
http://francegenocidetutsi.org/RapportServicesRenseignement5decembre1994.pdf
26. Stephen Smith, Habyarimana, retour sur un attentat non élucidé, Libération, 29 juillet
1994, pp. 14-15. http://www.francegenocidetutsi.org/SmithLiberation29juillet1994.pdf
27. Fiche en possession du Ministère de la Défense tendant à montrer que le FPR avec la
complicité de l’Ouganda est responsable de l’attentat. Objet : Éléments tendant à montrer que
le FPR avec la complicité du président ougandais MUSEWENI est responsable de l’attentat
contre l’avion des présidents rwandais HABYARIMANA et burundais NTARYAMIRA le 6
avril 1994 à KIGALI. Cf. Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994, Tome II, Annexes,
p. 281. http://www.francegenocidetutsi.org/FicheMinDefFPRresponsableAttentat.pdf
28. Compte-rendu du colonel CUSSAC et lieutenant-colonel MAURIN, Paris, 19 avril
1994, Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994, Tome II, Annexes, p. 350. http://www.
francegenocidetutsi.org/CussacMaurinCR19avril1994.pdf

De plus, le Casque-bleu belge Mathieu Gerlache, qui a été témoin des tirs de
missiles, a été interrogé le 7 avril par deux militaires français, dont le commandant Grégoire de Saint-Quentin. 29 Ceux-ci menaient donc bien une enquête.
Le député Jean-Claude Lefort, vice-président de la Mission d’information
parlementaire, observe que plusieurs Télex ont été envoyés par le commandant
De Saint-Quentin à propos de cet attentat. 30
Une enquête relative à l’attentat a été confiée par le général Quesnot à
l’attaché militaire, le colonel Bernard Cussac, avant son retour à Kigali, le 9
avril. 31 Ce dernier a ajouté devant la Mission d’information parlementaire qu’il
n’avait pas eu le temps de mener à bien cette enquête mais il est probable,
qu’étant rentré en France le 12 avril en compagnie de Grégoire de Saint Quentin,
ils en apportaient des éléments. 32
Jean-Claude Lefort estime qu’une enquête sur l’attentat a été vraisemblablement conduite par la Direction de la protection et de la sécurité de la Défense
(DPSD). 33

8

Les manoeuvres de désinformation

Le 28 juin 1994, l’ex-capitaine Barril exhibe devant les journalistes un objet
métallique qu’il prétend être la boîte noire du Falcon, qu’il serait allé chercher
à Kigali. Il s’avère que ce n’était qu’un instrument électronique de navigation
dit « coupleur d’antennes ». 34
En mars 2004, le journal Le Monde fait croire que c’est l’ONU qui cache la
boîte noire à New York. 35 Effectivement, la MINUAR en avait envoyé une à
New York. Après analyse, elle ne correspond pas à cet avion. 36 Elle se révèle
être celle d’un Concorde d’Air France ! 37
29. Interview de Mathieu Gerlache par l’auteur lors du procès de Bernard Ntuyahaga,
Bruxelles, 11 juin 2007. Courriel de Mathieu Gerlache à l’auteur, 5 mai 2009.
30. Jean-Claude Lefort, Note no 8 à Bernard Cazeneuve, Ivry, 25 août 1998.
Cf. La Nuit rwandaise, No 2, pp. 239-240. http://www.francegenocidetutsi.org/
Lefort25aout1998Note8.pdf
31. Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994, Rapport, p. 236. http://www.
assemblee-nationale.fr/dossiers/rwanda/r1271.asp#P3861_547395
32. Note no 3 de Jean-Claude Lefort à Bernard Cazeneuve, Ivry, 24 août 1998.
Cf. La Nuit rwandaise, No 2, pp. 235-236. http://www.francegenocidetutsi.org/
Lefort24aout1998Note3.pdf
33. Note no 13 de Jean-Claude Lefort à Bernard Cazeneuve, Ivry, 24 août 1998.
Cf. La Nuit rwandaise, No 2, pp. 242-243. http://www.francegenocidetutsi.org/
Lefort31aout1998Note13.pdf
34. Hervé Gattegno, Corine Lesnes, Rwanda : l’énigme de la « boîte noire », Le Monde,
mardi 28 juin 1994, pp. 1, 6 ; Hervé Gattegno, La « boîte noire », le Falcon et le capitaine,
Le Monde, 8 juillet 1994, p. 3.
35. Stephen Smith, La « boîte noire » du Falcon aurait été transférée, il y a dix ans, au
siège de l’ONU, à New York, Le Monde, 10 mars 2004. http://www.francegenocidetutsi.
org/SmithBoiteNoire10mars2004.pdf
36. United Nations. Office of Internal Oversight Services. Investigation Division. Report
of Investigation Id Case NO. 0072/04. Author : Dileep Nair. section 7, pp. 7–8. http:
//www.un.org/Depts/oios/reports/bb_report.pdf http://www.francegenocidetutsi.org/
BlackBoxReport.pdf#page=7
37. Dossier d’instruction du juge Bruguière, cote 6 798. Cf. Patrick de Saint-Exupéry, Le

9

Conclusion

En conclusion, il semble que plusieurs opérations ont été organisées dans les
médias pour détourner l’attention sur des fausses pistes. Il est certain que l’avion
Falcon abattu possédait deux enregistreurs. Le lieu du crash a été interdit d’accès
aux Casques bleus de la MINUAR, ce qui a empêché une enquête internationale.
Ceux qui ont eu accès aux restes de l’avion ont fait disparaître les pièces à
conviction. Ce sont des membres de la garde présidentielle, des membres du
bataillon paras-commando et des militaires français. Il est certain que ceux-ci
ont fait une enquête et ont prélevé des pièces. Celles-ci ont pu être ramenées
à Paris dans les jours qui ont suivi, ou lors de la visite du colonel Ephrem
Rwabalinda ou lors des navettes de l’ex-capitaine Barril.
Il serait temps que la vérité soit faite et que cette enquête des militaires
français et les pièces qu’ils ont prélevées, qui sont en possession de l’ancien
ministère de la Coopération ou du ministère de la Défense, soient transmises au
juge chargé de l’enquête.

Références
[1] Agir Ici et Survie : L’Afrique à Biarritz - Mise en examen de la politique
française. Karthala, janvier 1995. Contre-sommet de Biarritz, 9 novembre
1994.
[2] Paul Quilès : Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994. Assemblée nationale, rapport no 1271, http://www.assemblee-nationale.fr/
dossiers/rwanda.asp, 15 décembre 1998. Mission d’information de la commission de la Défense nationale et des Forces armées et de la commission
des Affaires étrangères, sur les opérations militaires menées par la France,
d’autres pays et l’ONU au Rwanda entre 1990 et 1994.

prétendu mystère de la boîte noire du génocide rwandais, Le Monde, 8 avril 2009.

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