Fiche du document numéro 27227

Num
27227
Date
Mercredi 4 janvier 2012
Amj
Auteur
Fichier
Taille
280666
Pages
3
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Titre
Fission nucléaire et massacres africains
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Résumé
How the French nuclear conglomerate Areva recycles the accomplices of the Tutsi genocide.
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Type
Note
Langue
FR
Declassification
 
Citation
Le principal méfait de l’industrie nucléaire n’est pas celui qu’on croit. Loin devant le danger qui pèse
sur les populations résidant à proximité des centrales électro-nucléaires, le sang des populations africaines
que les soudards français ont fait couler et continuent de verser pour s’assurer le contrôle des régions
recèlant des gisements d’uranium, constitue un tribut que partisans et opposants des applications dites
pacifiques de l’énergie nucléaire feignent d’ignorer.
Qui connaît les circonstances dans lesquelles la France est entrée en possession du Niger, où se trouvent
les principales mines d’uranium d’Areva ? Qui se souvient de cette mission Afrique centrale, cette colonne
infernale des capitaines Voulet et Chanoine, qui mit à feu et à sang le pays Mossi (Burkina Faso actuel),
le Soudan (Mali actuel), le Niger et le Tchad en 1898-1899 ? Qui se souvient de ces 20 femmes tuées à
coup de lance avec leurs nourrissons ce 9 janvier 1899 à Sansané-Haoussa, au bord du fleuve Niger, sur
l’ordre du capitaine Voulet ? 1 Qui se souvient que plus d’un millier d’habitants de Birni N’konni, bourg
de l’actuel Niger, furent passés par les armes le 2 mai 1899 ? 2 C’est grâce à ces massacres que la France
garde le contrôle de cette région encore à l’heure actuelle. Et réciproquement, c’est ce malheureux pays,
le Niger, qui est garant de l’indépendance énergétique de la France, comme le Gabon et le Congo Brazza
le sont pour le pétrole. 3
Ainsi le conglomérat nucléaire français Areva contrôle au Niger les mines d’Arlit et d’Akokan, dans la
région d’Agadez, et devait mettre en exploitation le gisement d’Imouraren. Ce pays était en 2008 un des
plus pauvres de la planète mais le 3e exportateur mondial d’uranium. Le président du Niger, Mahamadou
Issoufou, est d’ailleurs un ancien de la Somaïr, filiale d’Areva. 4
Ces pauvres pays d’Afrique au si riche sous-sol ont droit à la sollicitude du président français, qui en
fait son « pré-carré », car c’est là qu’il extrait l’uranium, ingrédient de base de sa force de dissuasion
nucléaire, « indissociable de notre statut de grande puissance » et de son siège de membre permanent
du « Conseil de sécurité avec un droit de veto auquel je n’entends pas renoncer », comme le déclare le
principal candidat de l’opposition, François Hollande, revendiquant l’héritage de Mitterrand sans aucun
scrupule. 5 Ce siège à l’Onu s’est révélé bien commode pour faire passer incognito quelques massacres et
violer impunément la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Il ne faut pas s’étonner que plusieurs militaires français ou collaborateurs de François Mitterrand, qui
trempèrent avec lui dans le génocide des Tutsi au Rwanda, se sont vus recyclés dans Areva après 1994.
Le PDG d’Areva, Anne Lauvergeon, était secrétaire général adjointe à la présidence de la République,
succèdant à Jacques Attali dans le bureau voisin de François Mitterrand en 1994, alors que celui-ci laisse
massacrer de sang-froid les Tutsi du Rwanda par des tueurs qu’il soutient et arme. Le successeur de
Lauvergeon à la tête d’Areva, Luc Oursel, désigné le 16 juin 2011, est fils d’un colonel des troupes de
marine et gendre d’un amiral. Il a travaillé sur les programmes d’armement auprès de Pierre Joxe, ministre
de la Défense en 1991.
Dominique Pin, conseiller adjoint à la présidence de la République pour les Affaires africaines, promoteur
du Hutu Power avec Marcel Debarge fin février 1993, devient par la suite directeur d’Areva-Niger.
Ce Hutu Power, front commun anti-Tutsi, est un des principaux organisateurs du génocide en 1994. Dominique
Pin est expulsé du Niger le 25 juillet 2007. Niamey le suspectait de soutenir le Mouvement des
Auteur de La France au coeur du génocide des Tutsi, L’Esprit frappeur, 2010.
1. Muriel Mathieu, La mission Afrique centrale, L’Harmattan, pp. 103–104.
2. Ibidem, p. 137.
3. Ainsi que le rappelle ironiquement Boubacar Boris Diop dans sa postface à Murambi, le livre des ossements, Zulma,
2011.
4. Lettre du Continent, no 610, 21 avril 2011, p. 6.
5. François Hollande, Dissuasion nucléaire : je maintiendrai, Le Nouvel Observateur, 20 décembre 2011.
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Nigériens pour la justice (MNJ), formation à majorité touarègue qui, chassée de ses terres traditionnelles
par les compagnies minières, réclamait une part des recettes.
Le général Christian Quesnot, chef d’état-major particulier du président de la République en 1994,
donc chef de la force de dissuasion nucléaire, principal responsable avec François Mitterrand, l’amiral
Lanxade et le général Huchon de l’implication de la France dans le génocide des Tutsi, se voit chargé par
Areva d’un audit sur la sécurité des mines d’Arlit, après l’enlèvement de plusieurs employés d’Areva et
de sous-traitants le 16 septembre 2010. 6
Le clivage à l’intérieur de l’armée française entre les partisans de la force nucléaire de dissuasion, qui
ne veulent plus faire la guerre, et ceux qui, à l’instar de l’infanterie de marine, veulent toujours la faire,
est bien dépassé. Le général Jean-Michel Chéreau, ancien adjoint du colonel Tauzin, commandant du
1er RPIMa, 7 dans l’opération Chimère, qui sauva l’armée du dictateur rwandais Habyarimana en février
1993, se voit chargé en 2011 de la sécurité d’Areva Niger. 8 Sans cette intervention militaire secrète au
Rwanda en 1993, le régime raciste d’Habyarimana, qui projetait de massacrer une partie de sa population,
se serait effondré et le génocide des Tutsi n’aurait pas eu lieu.
L’espion rwandais en Suisse, Fabien Singaye, est chargé par Areva de négocier avec Georges Forrest
l’acquisition de mines d’uranium en République Centrafricaine. 9 Anne Lauvergeon et Fabien Singaye
accompagnent Nicolas Sarkozy dans sa tournée à Kinshasa et à Bangui en 2009. 10 Singaye est le gendre de
Félicien Kabuga, « banquier du génocide », grand pourvoyeur de machettes, président de Radio Télévision
Mille Collines, la « Radio qui tue », et grand ami de la France, toujours recherché par le TPIR. 11 Le juge
Bruguière recourt aux services d’interprète de Singaye pour son enquête truquée qui accuse Paul Kagame
d’être l’auteur de l’attentat contre l’avion d’Habyarimana. Avant le génocide de 1994, Singaye était lié à
l’ex-capitaine Barril. Celui-ci, ancien membre de la cellule anti-terroriste de l’Elysée, était prétendument
chargé de la sécurité du président rwandais Habyarimana. Mais que faisait-il donc à Kigali le jour même
de l’attentat contre celui-ci, le 6 avril 1994 ? Et pourquoi exhibe-t-il devant la presse une fausse boîte
noire le 28 juin 1994, alors que des militaires français l’ont récupérée après le crash ? Pendant le génocide,
Barril fournit des mercenaires et des armes aux tueurs. 12
Le lieutenant-colonel Jean-Jacques Maurin, adjoint de l’attaché de Défense à Kigali et conseiller du
chef d’état-major des Forces armées rwandaises de 1992 à 1994, est nommé conseiller d’Ange Patassé,
président de la République Centrafricaine en octobre 1994. Maurin connaît vraisemblablement les vrais
auteurs de l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion d’Habyarimana. Avec l’ambassadeur Marlaud, il
rencontre le 7 avril le colonel Bagosora, principal ordonnateur des assassinats de personnalités politiques
favorables aux accords de paix. Ils s’entendent avec lui sur les modalités de formation du gouvernement
intérimaire rwandais qui mènera à bien le génocide des Tutsi.
Le colonel Luc Courcelle, frère de Bernard et Nicolas Courcelle, pourvoyeurs de mercenaires pour
sauver le dictateur Mobutu en 1997, est nommé directeur de la sécurité d’Areva en Centrafrique en mars
2009. 13 Le maréchal Mobutu a permis que l’opération Turquoise, par laquelle la France a sauvé les auteurs
du génocide des Tutsi, se fasse à partir du Zaïre.
Le général de corps d’armée Emmanuel Beth, officier parachutiste de la Légion étrangère, est nommé
ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République française au Burkina Faso le 25 août
2010. Le 1er août 1994, il prenait le commandement de la 13e DBLE14 dont il inspecte le détachement
au Rwanda le 6 août. 15 À ce moment-là, protégés par l’armée française, les Interahamwe poursuivent la
6. Otages/Niger : Areva remplace le responsable de sa sécurité interne, AFP, 16 novembre 2010.
7. 1er RPIMa : Régiment parachutiste de l’infanterie de marine. C’est le successeur du 11e choc, l’ancien bras armé du
SDECE devenu DGSE, les services secrets français.
8. http://commando-air-forum.forum2discussion.com/t9257-l-amiral-d-arbonneau-remercie-par-la-p-dg-d-areva-anne-lauvergeon.
9. En raison de la chute d’environ 30 % du prix de l’uranium, suite à la catastrophe de Fukushima, l’exploitation du
gisement de Bakouma en République Centrafricaine est reportée de 1 à 2 ans. Cf. Lettre du Continent n°622 du 3 novembre
2011. Le groupe Areva avait acquis ces droits d’exploitation en rachetant en 2007 le producteur d’uranium, théoriquement
canadien mais surtout implanté dans les paradis fiscaux, UraMin, pour 2,5 milliards $. Ce rachat semble être un fiasco
financier pour Areva.
10. Xavier Monnier, Les irradiants intermédiaires d’Areva en Afrique, Backchich, 15 avril 2009.
11. TPIR : Tribunal pénal international sur le Rwanda.
12. Sylvie Coma, Rwanda : les bonnes affaires du capitaine Barril au temps du génocide, Charlie Hebdo, 9 septembre
2009, pp. 8–9.
13. La lettre du Continent, no 560, 12 mars 2009.
14. 13e DBLE : 13e Demi brigade de la Légion étrangère basée à Djibouti.
15. Képi blanc, octobre 1994, Ruanda. Opération Turquoise.
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chasse aux Tutsi restants dans la zone Turquoise.
L’ancien ministre de la coopération Michel Roussin, qui organisa secrètement le soutien militaire aux
auteurs du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994, est aujourd’hui conseiller du patron d’EDF, Henri
Proglio. Il devait se rendre au Mali les 19 et 20 avril 2011 pour discuter d’une entrée d’EDF dans la
compagnie d’électricité Energie du Mali (EDM). 16
François Mitterrand a pu impliquer les Français à leur insu dans le génocide des Tutsi en utilisant
le mécanisme de prise de décision mis à la disposition du Président de la République pour déclencher la
force de frappe nucléaire. Pour décider de ce massacre de populations, le Président de la République n’a
besoin de consulter aucune instance élue.
C’est à propos du Rwanda que Mitterrand confie cyniquement à son fils Jean-Christophe : « Dans
cette région des Grands Lacs les massacres sont devenus la norme. Dans ce type de conflit ne cherche
pas les bons et les méchants, il n’existe que des tueurs potentiels. » 17 Génocide des Tutsi en 1994, guerres
et massacres au Congo ex-Zaïre, consécutifs à la non-arrestation par la France des auteurs du génocide
des Tutsi, massacres au Congo-Brazza en 1998-1999, déstabilisation du Libéria, de la Sierra-Leone et de
la Côte d’Ivoire par l’intermédiaire de Blaise Compaoré, président du Burkina Faso et assassin de son
prédécesseur, Thomas Sankara, coupable d’impertinence à l’égard du président français, massacre par les
militaires français à Abidjan, le 9 novembre 2004 et renversement sanglant le 11 avril 2011 de Laurent
Gbagbo, mauvais perdant de l’élection présidentielle, guerre en Libye, sont les maillons successifs d’une
réaction en chaîne soigneusement entretenue par la France et jusqu’ici autrement plus mortels que les
neutrons des réacteurs à eau pressurisée français.
16. La lettre du Continent, ibidem, p. 2.
17. Jean-Christophe Mitterrand, Mémoire meurtrie, Plon, 2001, p. 154.
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