Fiche du document numéro 26606

Num
26606
Date
Lundi 25 mai 2020
Amj
Auteur
Taille
0
Pages
0
Urlorg
Sur titre
Le monde en questions
Titre
Félicien Kabuga, un procès attendu [Avec Marcel Kabanda et Jean-François Dupaquier]
Sous titre
Le 16 mai dernier, l’homme d’affaires Félicien Kabuga, aujourd’hui âgé de 84 ans, était arrêté en région parisienne. Recherché depuis plus de 25 ans par la justice internationale, visé par un mandat d’arrêt du TPIR émis en 1997 et celui du Mécanisme pour les tribunaux pénaux international (MPTP), la structure chargée d’achever notamment les travaux du TPIR, il pourrait être extradé aux Pays-Bas pour être jugé à La Haye. Qui est Félicien Kabuga ? Pourquoi était-il recherché par le procureur du TPIR puis celui du Mécanisme international et par Interpol ? Pourquoi les États-Unis d’Amérique avaient-ils promis en 2002 une récompense de 5 millions de dollars pour toute information de nature à faciliter la capture de cet homme ayant échappé à plusieurs tentatives d’arrestation au cours des 25 dernières années ? Quels sont les principaux chefs d’accusation pesant sur lui ? Quel fut son rôle durant le génocide ?
Nom cité
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Source
Type
Émission de radio (son)
Langue
FR
Citation
En plateau :

Marcel Kabanda, historien et ancien Président d’Ibuka France, une association représentant les victimes du génocide des Tutsi perpétré au Rwanda en 1994. Co-auteur, avec Jean-Pierre Chrétien, de Racisme et génocide, Belin, 2016.

Jean-François Dupaquier , journaliste et écrivain, ancien rédacteur en chef de L’Événement du Jeudi et ancien directeur de la rédaction de 60 millions de consommateurs. Auteur de La justice internationale face au drame rwandais, Karthala, 1996.

Marcel Kabanda et Jean-François Dupaquier, qui contribuèrent à l’ouvrage collectif, Rwanda, les médias du génocide, publié sous la direction de Jean-Pierre Chrétien chez Karthala en 1995, furent tous les deux sollicités par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), afin de rendre une expertise sur le rôle des médias dans le génocide (1990 – 1996).

Contexte :

Le 16 mai dernier, l’homme d’affaires Félicien Kabuga, aujourd’hui âgé de 84 ans, était arrêté en région parisienne. Recherché depuis plus de 25 ans par la justice internationale, visé par un mandat d’arrêt du TPIR émis en 1997 et celui du Mécanisme pour les tribunaux pénaux international (MPTP), la structure chargée d’achever notamment les travaux du TPIR, il pourrait être extradé aux Pays-Bas pour être jugé à La Haye.

Qui est Félicien Kabuga ?

Pourquoi était-il recherché par le procureur du TPIR puis celui du Mécanisme international et par Interpol ?

Pourquoi les États-Unis d’Amérique avaient-ils promis en 2002 une récompense de 5 millions de dollars pour toute information de nature à faciliter la capture de cet homme ayant échappé à plusieurs tentatives d’arrestation au cours des 25 dernières années ?

Quels sont les principaux chefs d’accusation pesant sur lui ?

Quel fut son rôle durant le génocide ?

Il importe tout d’abord de respecter la présomption d’innocence à laquelle tout individu mis en cause a droit dans l’attente de son procès.

Désormais arrêté, Félicien Kabuga est présumé innocent tant que la justice internationale ne l’aura pas jugé. D’où l’importance que se tienne son procès et celle du jugement qui sera rendu.

Que sait-on de lui ? Où était-il au Rwanda durant le génocide et qu’y faisait-il ? L’homme présidait la Radio-Télévision libre des mille collines.

Cette radio, qui a émis de juillet 1993 à juillet 1994, diffusait des appels aux meurtres de Tutsi, et était couramment appelée « Radio Machette ». Selon l’acte d’accusation du TPIR, il jouait également un rôle de premier plan dans le Fonds de défense nationale (FDN), ou fonds de défense civil, qui collectait des fonds destinés à financer la logistique et les armes des miliciens Hutu Interahamwe. Les milices Interahamwe, créées en 1992 par le parti du président Habyarimana, jouèrent un rôle de premier plan dans l’exécution du génocide dans les différentes régions du Rwanda. Félicien Kabuga est également accusé d’avoir utilisé sa société d’import-export pour faire entrer, depuis le Kenya au Rwanda, 581 tonnes de machettes durant l’année 1993. Il appartenait par ailleurs au cercle rapproché du président Juvénal Habyarimana.

Quel bilan tirer de l’action du TPIR ? Combien de personnes purent-elles être jugées, combien furent acquittées ?

Après une installation difficile, il convient toutefois de souligner que le TPIR fut le premier tribunal international à rendre des jugements contre des personnes présumées responsables de génocide sur le fondement des conventions de 1948 et 1949. Il est également le premier tribunal international à définir le viol en droit pénal international et le reconnaître comme un moyen de perpétrer le génocide.

Enfin, il rendit une décision historique dans « l’affaire des médias », en étant la première juridiction internationale à déclarer coupables ceux des journalistes et membres des médias comparaissant devant le TPIR, d’avoir diffusé des programmes destinés à inciter le public à commettre des actes de génocide.

Le 22 mai 2020, on apprenait que l’ancien ministre de la défense, Augustin Bizimana, autre fugitif recherché par la justice pénale internationale, était décédé en 2000 à Pointe-Noire au Congo, sans avoir été jugé. Loin d’être un simple fait divers ou de relever de l’acharnement judiciaire face à un homme aujourd’hui âgé et malade, l’arrestation de Félicien Kabuga autorise désormais la tenue de son procès dont l’enjeu est considérable. Il s’agit ni plus ni moins d’établir la vérité s’agissant de ses responsabilités et implications dans le génocide des Tutsi, un besoin vital pour les victimes et pour nous tous. Car, comme le rappelle l’ethnologue malien, Amadou Hampâté Bâ : « Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ».

À l’oreille :

Jean-Marie Sibomana – Ibikomere
La chanson parle des blessures des survivants et de leur amour pour leur pays, de la possibilité du pardon alors que les plaies ne sont pas cicatrisées et le deuil toujours présent ; de la tristesse d’avoir été accueilli au monde par des sifflets au lieu des chants traditionnels célébrant dans la joie l’arrivée au monde de tout nouveau-né.

Cécile Kayirebwa – Iwacu
Le chant de l’exil et des exilés éprouvant la nostalgie du pays, de leurs régions d’origine, de leur « chez nous ».

Suzanne Nyiranyamibwa – Ibuka (Souviens-toi)
Se souvenir, ne pas oublier la terreur de ces jours-là, quand la vie continue et que se profile le retour du « business as usual ».

Pour aller plus loin :

Jean-Pierre Chrétien et Marcel Kabanda, Racisme et génocide, l’idéologie hamitique, Belin, 2016.

Ouvrage collectif sous la direction de Jean-Pierre Chrétien, Rwanda, les médias du génocide, Karthala, 1995 et 2002. Avec les contributions de Marcel Kabanda et Jean-François Dupaquier.

Jean-François Dupaquier, La Justice internationale face au drame rwandais, Ed. Karthala, 1996.

Jean-François Dupaquier, Burundi 1972, au bord des génocides (avec Jean-Pierre Chrétien), Karthala, 2007.

Jean-François Dupaquier, L’agenda du génocide, Ed. Karthala, 2010.

Jean-François Dupaquier, Politiques, militaires et mercenaires français au Rwanda, Ed. Karthala, 2014.

Jean-François Dupaquier, « Rwanda » dans Magazine XXI, printemps 2010, et articles sur le blog Afrikarabia.

ET

Jean Hatzfeld, Récits des marais rwandais, Seuil, 2014. Cet ouvrage regroupe en un volume les trois livres que l’auteur a consacrés au génocide des Tutsi perpétré au Rwanda. Le premier des livres de ce triptyque, Dans le nu de la vie, paru en 2000, s’intéresse aux rescapés tutsi ; le deuxième, Une saison de machettes, paru en 2003, s’intéresse aux tueurs hutu, et le troisième, La stratégie des antilopes, paru en 2007, raconte le vertigineux voisinage, aujourd’hui, des uns et des autres revenus sur leurs collines. Ces trois livres sont issus de nombreux séjours de l’auteur, effectués au cours d’une dizaine d’années, dans une seule et même bourgade, Nyamata, et ses hameaux bordés de marais et de forêts, lieux des massacres.

Radio Cause commune, Le monde en questions, émission n°29: Rwanda, entre commémoration et quête de vérité.
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