Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
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DANS UNE INTERVIEW à paraître aujourd'hui dans l'hebdomadaire Jeune
Afrique, l'ancien ministre rwandais des Affaires étrangères,
Jean-Marie Vianney Ndagijimana, qui se cache depuis le 10 octobre en
France, (après avoir été accusé par le gouvernement de Kigali de
détournements de fonds, ce qu'il dément) accuse le régime rwandais de
graves exactions, de « terreur » à l'égard des ministres hutus issus de
l'opposition intérieure et d'une « politique délibérée de colonisation »
par des Tutsis revenus au pays, du nord et de l'est du Rwanda.
Dans l'interview, le chef de la diplomatie rwandaise retrouvé par
Jeune Afrique explique le fond politique de sa « défection ». Avant de
quitter Kigali pour une mission officielle aux Etats-Unis, il avait,
dit-il, marqué son désaccord sur plusieurs points fondamentaux
réclamant, notamment, l'élargissement du gouvernement, l'intégration
des militaires de l'ancienne armée et de meilleures garanties de
sécurité pour les réfugiés - hutus - rentrant au pays. Selon lui, le
rapport d'enquête de l'Américain Robert Gersony, communiqué par son
auteur à plusieurs membres du gouvernement rwandais et qui fait état
d'environ 30.000 Hutus tués depuis la prise de pouvoir du nouveau
régime, n'a provoqué aucune réaction. Les massacres sont présentés par
le gouvernement comme « le fait d'individus isolés », qui auraient été
sanctionnés. Or, depuis juillet, le nombre des responsables
« soi-disant arrêtés », entre 70 et 80 soldats du FPR, « n'a jamais
varié ».
Jean-Marie Ndagijimana formule de très graves accusations : « Le FPR
mène une politique délibérée de colonisation des terres, à l'est et au
nord. Dans le Mutara, des centaines de milliers de Rwandais venant
d'Ouganda se sont réinstallés. (...) Au sud-est, même phénomène: entre
Kibongo et Butare, tout au long de la frontière avec le Burundi, sur
une profondeur d'environ 50km, les populations indigènes ont fui ou
ont été massacrées. A leur place, on a installé des Tutsis du
Burundi. Des milices ont. même été constituées: un préfet l'a reconnu
dans un discours officiel. Il s'est même félicité de leur bonne
organisation. Si les réfugiés du Zaïre et de Tanzanie rentrent chez
eux, ce problème éclatera au grand jour. Voilà pourquoi le
gouvernement ne fait rien pour accélérer leur retour. »
Toujours selon le chef de la diplomatie rwandaise, « un conflit
grandissant oppose les Tutsis du Rwanda à ceux qui sont rentrés d'exil
en Ouganda et au Burundi. Les premiers sont considérés par les seconds
comme des collaborateurs ! » Mais pourquoi lui-même ou le Premier
ministre, Twagiramungu, des Hutus issus de l'opposition intérieure à
l'ancien régime, ne dénoncent-ils pas la dérive du nouveau régime ? En
raison de la « terreur » du FPR, répond Jean-Marie Ndagijimana, qui
rapporte ce propos du Premier ministre, plusieurs fois tenu en sa
présence : « Mais qui va s'occuper de mes enfants, quand je serai
mort ? » Le FPR lui-même serait d'ailleurs menacé d'éclatement et son
chef, le général Paul Kagamé, en passe d'être débordé par des
radicaux, dont le chef d'état-major de la gendarmerie, le colonel
Kayumba.