Citation
EHESS
Vansina mis sur orbite ethnologique
Author(s): Jean-Pierre Chrétien
Source: Cahiers d'Études Africaines, Vol. 17, Cahier 66/67 (1977), pp. 373-377
Published by: EHESS
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/4391533 .
Accessed: 13/07/2013 07:09
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DEBATS ET CONTROVERSES
a pr6sentiste D court beaucoup plus de risques intellectuels - dont le moindre n'est
pas l'intolerance. Cette recension, 6crite par une ((pr6sentiste ))r6solue, n'en est pas
totalement exempte.
JEAN-PIERRE
CHRETIEN
Vansina mis sur orbite ethnologique
Les debats polemiques in6vitables, voire n6cessaires, dans le developpement
de la reflexion scientifique, attirent d'autant plus l'attention que leur objet est
individualis6 et qu'ils visent les specialistes les plus affirm6s. C'est sans doute ce qui
a conduit Claudine Vidal, inspiree par ses lectures r6centes sur les indianistes am6ricains du siecle dernier, a d6terrer le tomahawk et I s'engager avec entrain sur le
sentier de la guerre contre Jan Vansina.
Faut-il imputer a ce dernier d'avoir traite les Bateke du royaume Tio en termes
de reserve indienne ? Sans doute enseigne-t-il a l'Universit6 du Wisconsin, la vieille
Europe n'ayant pas r6ussi a le retenir. N6anmoins The Tio Kingdom of the Middle
Congo, I880-I892
n'est pas encore un best-seller diffus6 par les multinationales
dans les kiosques franvais, contrairement d'ailleurs a certains ouvrages africanistes qui se sont taill il y a quelques ann6es un grand succes sur la rive gauche de
la Seinel. Vansina finit par voltiger aux c6tes des OVNI dans les conclusions de
Claudine Vidal. Mais la question s6rieuse est la suivante: comment peut-on, aujourd'hui, appliquer l'etiquette d'ethno-histoire Aun chercheur qui affirme depuis plus
de vingt-cinq ans la possibilite et la 16gitimit6 d'une histoire de l'Afrique recourant,
entre autres, aux sources orales, sans a avoir besoin de forger un terme sp6cial tel
que l'ethno-histoire )) ?2 Plutot que d'imaginer que Vansina aurait tout a coup reni6
sa demarche d'historien pour se reposer dans les d6lices de l'ethnographie classique
et pour (( collectionner les papillons )), il faut supposer que les critiques adress6es
a son travail le plus recent posent le probleme de l'6volution actuelle de l'histoire
d'Afrique. On ne trouvera ici que quelques arguments dans un d6bat qui connattra
sans doute d'autres prolongements.
D'abord, il faudrait pouvoir reprendre terme a terme la lecture propos6e par
Claudine Vidal du livre sur les Tio, un volume de plus de 500 pages extr6mement
denses. Trois aspects retiennent l'attention: la proc6dure d'enquete, la dimension
historique, l'articulation des formations sociales.
C. Vidal suggere que l'enquete orale a 6t6, en quelque sorte, fetichisee par Vansina qui, rituellement, aurait fait son (( s6jour indispensable )) sur ' le terrain )) et
qui aurait recherch6 l'informateur-initiateur ideal. La r6alit6 est pr6sent6e de fa9on
moins idyllique par l'auteur. II a fait son metier d'historien, utilisant le maximum
de sources 6crites et orales susceptibles d'6tre collect6es. A vrai dire, Jan Vansina
est d'une exceptionnelle honnetet6 lorsqu'il decrit, dans ses diff6rents ouvrages
(voir aussi l'introduction de La lMgendedu passl, portant sur le Burundi), ses proc6dures d'enquete. II ne dissimule ni ]es conditions mat6rielles, ni le contexte linguistique (degr6 de connaissance de la langue et du recours aux interpretes), ni
les m6thodes de s6lection des temoins du pass6, ni les difficult6s, ni les 6checs, tout
cela avec une grande sobri6t6 de style et sans jamais pr6tendre nager comme un
poisson dans l'eau de la population consideree. Loin de s'extasier sur deux
* Claudine
VIDAL,
a
L'ethnologie
i
l'imparfait:
un cas d'ethno-histoire X,
CEA XVI (I-2), 6I-62, I976, PP. 397-404.
i. Voir notre chronique X N6grologie et africanit6 )), Esprit I I, I974, PP. 727-738.
2. J. VANSINA, (( Recording the Oral History of the Bakuba - I. Methods ),
Journal of African History I (i), I960, PP. 43-53.
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DEBATS ET CONTROVERSES
patriarches (C. V., p. 400), il s'est livr6, dans le village oil il a resid6 six mois, a une
collecte exhaustive de donnees; et s'il classe une partie de ses a informateurs )
par rang d'age (p. 25), c'est pour illustrer son argument sur la fiabilit6 des souvedans une soci6te de culture
nirs portant sur la conjoncture des annees i877-i892
orale. Quant a la multiplication des termes pr6cis donnes en langue vernaculaire,
qui lui est egalement reproch6e, elle r6pond justement au souci de coller de pres a
la culture en question, a l'attention croissante portee par Vansina en particulier, et
par les historiens en general, a l'importance des faits linguistiques. Le terme local
propre, d6fini selon son champ semantique correct, est non seulement une trace
du passe, mais surtout une garantie de fid6lite a la vision du monde concern6e.
Le danger du catalogue existe, certes, mais, a loppos6, l'imp6rialisme lexical qui
consiste a plaquer hativement sur une societe africaine des vocables occidentaux,
ne coincidant qu'approximativement avec les termes qu'ils sont cens6s traduire,
ne serait pas un moindre danger. I1 est d'ailleurs 6tonnant qu'on puisse reprocher
aujourd'hui a un historien de s'interesser aux plantes, a la cuisine, aux loisirs, aux
techniques... Le retour au concret sous toutes ses facettes ne doit pas etre r6serve
a l'histoire de l'Europe!
De meme, l'accusation d'atemporalite nous parait legere. La dimension diachronique ne releve pas d'une option didactique simple pour le recit 6v6nementiel,
politique ou dconomique, ffit-il dialectiquement structur6. La recherche des coh6rences synchroniques dans le cadre du ((tableau )), a un tournant tel que la fin du
xixe siecle pour la soci6te tio, peut 6tre le meilleur moyen de mettre en valeur les
ruptures. Par ailleurs - on nous excusera de citer des classiques -, l'histoire est
sensible, grAce - Fernand Braudel, a l'articulation au sein d'une meme p6riode de
plusieurs rythmes temporels: distinguer entre la longue duree de l'agriculture de
subsistance, la periodisation de l'histoire monarchique et la conjoncture 6conomique
du commerce du Pool ne nous semble pas un indice decisif de pens6e a-historique.
Loin de ((changer ses batteries )) (C. V., p. 403) en derniere partie ou d'ftre embarrasse par l'6mergence de contradictions ou de malaises au sein d'une soci6t6 qu'il
aurait a priori jug6e immuable, Vansina montre de fa,on convaincante ce qui a
change non seulement entre i88o et I892 (le passage formel a la colonisation etant
(l'acheveramen6 a sa juste mesure)', mais surtout a partir des annees I899-I9I8
ment du chemin de fer de Matadi, puis la destitution de fait de l'autorite monarchique) et aussi avant i88o, compte tenu de l'irruption des plantes am6ricaines
depuis le xvIIe siecle, du d6veloppement commercial du Pool depuis le xvIe siecle,
du passage de la traite Ala troque de l'ivoire au milieu du xIxe siecle, de la disparition de la m6tallurgie locale depuis le xvIIIe siecle, de l'alourdissement du travail
agricole feminin cons6cutif a ces mutations techniques et economiques, de l'autonomie prise par les chefs p6riph6riques depuis le xvIIIe siecle et des manifestations
cultuelles correspondantes (essor des amulettes nkobi), etc.
La dynamique historique est non seulement pr6sente dans la partie consacr6e
a la perspective diachronique, mais aussi dans le tableau de la situation vers i88o,
i
petite soci6t6 )) villageoise comme a la
par l'analyse des tensions propres i la
((sociWtdelargie ))politico-commerciale et aux rapports nou6s entre les deux: contradictions entre diff6rentes formes de liens familiaux ou de solidarites extralignageres
et l'individualisme favoris6 par le commerce; entre les valeurs de coh6sion sociale
et celles de reussite personnelle (opposition lisible dans l'obsession de la sorcellerie);
entre l'ouverture sur le march6 mondial et le refus de plusieurs modalites de l'6conomie de marche (salariat, commercialisation de la terre, pret a int&rEt,accumu3. C'est le sens exact de la phrase citee par C. Vidal (p. 402): ((Les degats resterent cependant limites, en raison de la grande autonomie des sous-systemes du
rovaume. )) Mais cette phrase est suivie immediatement de celle-ci (et la coupure
est pour le moins malheureuse): (( Further evolution only came after i898 when
European interference sought to force changes in the patterns of subsistence production and local government. )) (The Tio Kingdom..., p. 435.)
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DEBATS ET CONTROVERSES
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lation mon6taire) ; entre les relations commerciales et les rapports sociaux, notamment sur le plateau; entre les oppositions de classes (riches et pauvres) pr6dominantes sur les bords du fleuve et les cat6gories statutaires de l'interieur; entre
l'autorite sacr6e de la monarchie centr6e sur un espace culturel d6termin6 et le
pouvoir politique de chefs aptes a valoriser leurs contacts avec un espace 6conomique plus vaste.
L' (( authenticit6 ))pr6coloniale mise a jour ici n'est donc pas fixiste: ni l'affirmation de processus d'6volution lente et de tres longue duree (notamment dans les
domaines familial, religieux et agricole), ni la precision document6e du tableau de
la soci6t6 vers I880-I890
ne semblent devoir condamner ce livre A l'enfer de
(( l'ethno-histoire
)) ou de (( l'ethnologie
du primitif
>. Les citations
tir6es de leur
contexte, telles que les utilise C. Vidal, nous semblent trahir la richesse et les
nuances de l'argumentation presentes dans l'ouvrage de J. Vansina.
Enfin, l'articulation entre la formation sociale du plateau et celle du fleuve,
entre l'agriculture de subsistance des a voisinages )) villageois et le commerce de
aport de traite ))du Pool ne releve absolument pas d'une ((axiomatique ))qui opposerait dogmatiquement un univers ethnologis6 et un univers historis6. L'influence
precoce des superstructures politico-commerciales de grande amplitude sur la
soci6t6 locale n'est pas ni6e par l'auteur, on l'a vu, mais il constate l'imbrication
des diff6rentes logiques. Bien plus, la monarchie et le reseau commercial, pris en
charge l'une et I'autre par les autochtones, jouent autant le role d'6cran protecteur
que celui d'incitateur au changement par rapport Ala soci6t6 de base. Celle-ci n'est
pas immobile ni r6duite a la parente, mais son 6conomie g6n6rale n'est pas boulevers6e par le contact ext6rieur, comme elle le sera entre 1899 et I9I8 par l'assaut
de plein fouet de l'imperialisme colonial: on assista alors r6ellement a un 6branlement qui conduira a une sorte de prol6tarisation g6n6ralis6e dans la d6pendance de
Brazzaville. L'existence d'une longue p6riode interm6diaire, caract6ris6e par la
juxtaposition d'un mode de production communautaire et d'6changes plus lointains
articul6s autour d'un port de traite, n'a rien qui puisse surprendre les historiens
de l'Afrique. On y retrouve les grandes lignes du modele de (( mode de production
africain
D esquiss6
il y a quelques
ann6es
par Catherine
Coquery4.
Alors pourquoi avoir choisi ce livre de Jan Vansina pour faire le proces de
)
) ? Quiproquo sur la personne, ou sur le fond du probleme ? I1
l'ethno-histoire
nous semble qu'a travers a l'ethno-histoire x, un vocable us6 avant d'avoir servi
- mais ( une mauvaise herbe qui a foisonn6 en France ).plus que dans le lexique des
specialistes anglo-saxons, comme le notait d6ja Henri Brunschwig6 en I965 -, c'est
l'orientation g6n6rale de l'histoire d'Afrique qui est en jeu. Mais alors il fallait le
dire clairement, car le debat est important et m6rite d'Atre poursuivi avec s6rtnit6.
C. Vidal souleve en effet plus ou moins directement deux questions essentielles:
la possibilit6 d'une histoire non anachronique et la possibilit6 d'une histoire que
nous pourrions appeler non europeomorphe.
La premiere question concerne bien 6videmment l'interpr6tation des sources
orales: il s'agit de la pertinence de l'application au pass6 d'une parole actuelle.
Les pieges en sont connus en principe, mais sont difficiles a ddtecter en pratique.
Combien de r6alites dites a traditionnelles D peuvent s'av6rer d'inspiration coloniale et combien, aussi, de r6alit6s d6cr&t6es c modernes )) peuvent se r6v6ler d'un
enracinement ancien ?6 Faut-il m6connattre pour autant la richesse propre I l'ora4. Cf. par exemple C. COQUERY-VIDROVITCH
et H. MONIOT,L'Afrique noire
de i8oo a nos jours, Paris, 1974, pp. 277-285.
5. H.
2,
BRUNSCHWIG,
I965, pp. 291-300.
c
Un faux probleme: 1'Ethno-histoire )), Annales (ESC)
6. Un exemple amusant: dans une th6se r6cente consacr6e 'a la re'gion d'Uvira
(Zaire oriental) sous le titre From Pre-Capitalism to Imperialism, Stanford, 1974,
Ph. D. thesis, l'auteur, J. M. F. DEPELCHIN - qui insiste dans sa preface sur la
n6cessitA d'une dialectique historique -, affirme le caractere r6cent des palmiers
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DEIBATSET CONTROVERSES
lite ? Faut-il ((relativiser ) jusqu'au discredit l'emploi de ce type de source, au risque
de se priver des informations qu'elle apporte en relation avec la linguistique, la
botanique, l'archeologie, les archives, etc. ? Faut-il, en un mot, la ranger au mus6e
de l'ethno-histoire au moment oii les historiens non africanistes commencent enfin
a en reconnattre la validit6 ? (( On ne voit pas pourquoi l'activite critique ne
pourrait s'exercer sur elle comme sur tout temoignage )),ecrivait dejh Henri Moniot
en I9627. Le mEme auteur, tout en rejetant le confusionnisme du concept d'ethnohistoire, rappelait que meme les soci6tes les plus 6branl6es peuvent conserver des
traces de leur passe lointain et il citait le cas revelateur des communautes noires
d'Amerique. Les vieillards interrog6s par Vansina vivaient en I963-64; c'est-h-dire
dans une societe tres differente de celle de leurs peres, mais ils etaient porteurs
d'une culture qu'ils s'etaient constituee depuis leur jeunesse. Faut-il, en fonction
de l'actualit6, les suspecter d'amnesie, de travestissement ou de deviation id6ologique ? Bien au contraire, comme le propose justement C. Vidal (mais avec
scepticisme), les evolutions r6centes sont mediatisees par cette culture plus ancienne.
La suite releve du discernement de i'historien et le livre sur les Tio nous en offre
plus d'un exemple. Les historiens savent d'ailleurs que les memes difficult6s se
posent avec les sources ecrites. Devrait-on suspecter d'anachronisme systematique
ou de mystification les analyses de J.-P. Vernant et de M. Detienne sur la pens6e
grecque archaique, sous pretexte que les textes qu'ils utilisent ont et6 transcrits
& l'6poque alexandrine, voire m6di6vale, dans un contexte id6ologique et social
entierement different de l'epoque ou ils ont W prof6r6s reellement ? Certes, le
doute systematique s'impose, comme le rappelait recemment Jan Vansina8, mais
c'est une affaire de rigueur scientifique (y compris sur le registre de l'erudition) et
non de p6tition de principe ideologique, h moins de consid6rer toute recherche
historique comme une ali6nation.
La deuxieme question est 6troitement liee au debat methodologique sur les
sources orales: il s'agit de la a sp6cificit6 ))de l'histoire d'Afrique. Serait-on condamn6
a passer de l'europ6ocentrisme, n6gateur de cette histoire, a un europ6omorphisme,
modelant cette mEme histoire dans nos cadres et notre p6riodisation ? Certes, le
combat deja ancien men6 contre la vision ethnologique et le masque d'exotisme qui
l'accompagnait vaut toujours d'Ttre rappel6. Les peuples d'Afrique ne sont pas
d'une autre planete ni d'une nature differente de la n6tre, et le discours de type
6sot6rique ou organiciste tenu souvent h leur propos est mystifiant. Mais l'oeuvre
de Vansina se situe dans une tout autre lignee, celle de l'histoire africaniste. Si on
l'ignore, on risque d'en rester a un diptyque stWrileentre u(ethnologie et histoire )).
L'histoire d'Afrique en tant que telle s'est d6velopp6e a la fin des ann6es 1950
et durant les annCes 6o, en relation avec les ind6pendances et en r6action contre
les ecrits coloniaux. Soucieuse d'illustrer et de (( revaloriser )) le pass6 des peuples
noirs, elle a en general entrepris, a partir d'une relecture des sources 6crites et
d'une ecoute parfois naive des ((traditions 1),de degager des mouvements allant dans
le sens du progres et des lumieres selon le modele des histoires nationales du milieu
du XIxe siecle en Europe: les ttats, les rois, les grands axes commerciaux, les
grands hommes, les cit6s... ont retenu toute I'attention. A cette phase (non termin6e) d'histoire u libErale 9 a succede, depuis les ann6es 70, un courant d'histoire
huile du nord du lac Tanganyika, introduits, selon lui, par les Arabes (p. 37 de
sa these). Confondant sans doute le palmier elaeis avec le cocotier, il reprend ainsi,
inconsciemment, le discours colonial qui attribuait toute activit6 jug6e moderne I
des apports ext6rieurs.
7. H. MONIOT, a Pour une histoire de l'Afrique noire )), Annales (ESC) i, I962,
PP. 46-64.
8. J. VANSINA, (( The Power of Systematic Doubt in Historical Enquiry n,
History in Africa, I974, PP. 109-I27.
9. On trouvera une synthese de cette evolution dans la chronique consacr6e
par J.-L. VELLUT au volume IV de Cambridge History of Africa (a paraitre in
Revue belge de Philologie et d'Histoire).
i
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DEBATS ET CONTROVERSES
radicale )) qui met l'accent sur la rupture d6cisive introduite par l'impact imp6rialiste, aussi bien dans les mentalites que dans les structures politiques ou economiques ou dans les rapports sociaux. Ce courant, inspire autant par les analyses
de a 1'echange in6gal ))que par celles de a 1'ethnocide )),conduit a envisager l'6pisode
colonial non comme une simple transition vers le mode de production capitaliste
mais comme un jeu complexe de transformations, de blocages et de manipulations.
Dans ce cadre, les soci6t6s pr6coloniales se trouverent artificiellement placees en
position de soci6t6s europ6ennes archaiques et leur originalite se trouva gomm6e,
malgre les apparences du discours (( exotique )), notamment de celui de l'administration indirecte. Cette nouvelle approche a suscit6, entre autres, une remise en
cause des traditions orales, en particulier de celles colport6es et transcrites dans le
milieu des aristocraties ((coutumieres ))li6es aux regimes coloniauxlo.
Les critiques de C. Vidal font echo a cette remise en cause, mais elles participent
aussi a notre avis d'un nouveau quiproquo sur la pratique historique en Afrique.
En effet, la prise de conscience de la rupture coloniale peut d6boucher sur un effort
th6orique et methodologique pour apprehender les configurations sociales et les
logiques propres aux anciennes soci6t6s africaines (sans exclure un effort de synthese sur l'ensemble des soci6tes pre-industrielles) et, par consequent, sur une meilleure 6coute des t6moignages oraux. Or, elle semble au contraire amener certains
intellectuels, africanistes ou africains, a rejeter en bloc tout le pass6 pr6colonial,
comme s'il pouvait interroger de fa9on genante les projets modernisateurs, comme
s'il n'6tait que mystification archaisante. La profondeur historique se r6duit alors
a environ un si&cleet on se retrouve dans la situation initiale, celle d'avant l'histoire
a lib6rale )), Asavoir la n6gation de fait d'une histoire ancienne de l'Afrique.
On nous autorisera k voir dans cette attitude la traduction, sur le terrain
africain, de positions qui se trouvent aussi chez nous a l'6gard de notre propre
pass6. A un moment oii en France, comme chez nos voisins europeens, on entreprend de r6duire l'enseignement de l'histoire 3 une sorte de magma g6o-socio6conomico-civique destin6 a illustrer l'6volution lineaire et radieuse qui conduit
l'humanit6 de la houe a la moissonneuse-lieuse et du biface i la centrale nucleaire,
il n'est pas 6tonnant que, pour l'Afrique aussi, le courant bureaucratique dominant
r6ve d'int6grer l'histoire dans les mobilisations contemporaines et d'en gommer
1'effet de distanciation qui en fait l'originalit6 et qui nous permet d'interroger
notre propre present.
io. Cf. notamment les premieres livraisons de la revue History in Africa (num6ros
annuels
de
I974
et
1975),
6dit6e
par
Brandeis
University.
Agalement
D. HENIGE, The Chronology of Oral Tradition, Oxford, I974; et J. VANSINA, ((Once
upon a Time:
PP- 442-468.
Oral Traditions
as History
CLAUDINE
in Africa ), Daedalus,
printemps
I97I,
VIDAL
Quand la mariee est trop belle... ou plaidoyer pour la tradition orale
C'est non en a pr6sentiste )), mais en historienne, que j e critique ]'ouvrage de
J. Vansina. Je ne suis pas sp6cialiste du monde tio, et j'en r6pete l'aveu, mais je
n'ai jamais pens6 que les sp6cialistes d'une r6gion ou d'une pdriode constituaient
un club ferm6. Au contraire, j'aime lire des travaux qui portent sur d'autres sociWtEs
que celles que j'6tudie, et tant pis si je me mele de ce qui ne me regarde pas.
C'est donc en historienne que j'ai lu ce livre, et plus pr6cis6ment c'est en historienne du passe precolonial de l'Afrique noire que je l'ai recens6. Et pour 6tre tout A
fait claire, c'est parce que - comme Vansina - je travaille sur un ancien royaume
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