Cela fait désormais un quart de siècle. Un quart de siècle que Gaëtan Lana et son épouse Huguette attendent des réponses. « On ne sait toujours rien, il n’y a jamais eu d’enquête, ma sœur et mon beau-frère n’ont jamais eu la moindre reconnaissance de l’État français. Et franchement, je doute que l’on sache un jour ce qui s’est passé… »
Gendarmes en mission
Plus que le désespoir, c’est la résignation qui sonne comme jamais dans la voix de Gaëtan. En ce mois d’avril 1994, à la veille du génocide rwandais, sa sœur Gilda et son mari Alain Didot, gendarme de son état, ont été tués dans des circonstances troublantes. On n’a jamais su qui étaient les meurtriers, comment ils ont procédé et, surtout, pourquoi. Même la date des décès demeure incertaine.
Mais Gaëtan et Huguette en sont persuadés : Gilda et Alain, qui étaient originaires du Pays-Haut, ont été tués « le 8 avril. Ce jour-là, Alain était encore vivant : il avait téléphoné le matin à mes beaux-parents, à Piennes. Il n’appelait jamais le matin. Et surtout, sa voix était bizarre », confie Huguette. Les corps de Gilda et Alain seront retrouvés dans le jardin de leur maison, à Kigali, le 12 avril.
Il y a une troisième victime : comme son collègue Alain Didot, Jean-Paul Maïer était un gendarme spécialisé dans les transmissions radio. Ont-ils entendu un message qu’ils n’auraient jamais dû entendre ? Pour rappel ( RL du 11/12/18), l’avion du président du Rwanda, Juvénal Habyarimana (un Hutu), était abattu le 6 avril 1994.
Le rôle obscur de la France
Cet attentat allait être à l’origine du massacre de 800 000 Tutsis par les Hutus. A l’instar des assassins des Didot et du gendarme Maïer, les auteurs de l’attentat n’ont jamais été identifiés. Fin décembre 2018, un non-lieu a été rendu en faveur de neuf personnes qui étaient suspectées d’être les terroristes. Des Tutsis proches de l’actuel président Paul Kagame. « Honnêtement, j’ai suivi ça de loin. Mais au moins il y a eu une instruction sur cet attentat. Sur l’assassinat de ma sœur et de mon beau-frère, il n’y a même pas eu d’enquête », balaie Gaëtan, lassé.
L’habitant de La Malmaison (Mance) en veut toujours à l’État français, dirigé à l’époque par un certain François Mitterrand. « Il planquait tout. » Aussi bien pour les assassinats que pour l’attentat et le génocide qui s’en est suivi, l’ombre du rôle ambigu de la France plane toujours. « C’est pour ça que je mets chaque année le drapeau tricolore : pour signifier l’intervention obscure de la France au Rwanda. »
Accès aux archives
Une position équivoque… qui sera probablement éclaircie avec l’accès aux archives par une commission d’historiens. Comme annoncé la semaine dernière par Emmanuel Macron. « Je n’y crois plus trop, murmure Gaëtan. Il (le Président) n’a même pas assisté aux commémorations. Ça montre bien qu’il y a anguille sous roche. Ça me titille quand même de lui écrire, pour qu’on sache enfin la vérité… »
Laure de Vulpian, ancienne journaliste ayant travaillé sur le génocide rwandais et contactée par nos soins, garde un petit espoir de savoir ce qui s’est passé voilà 25 ans : « L’accès aux archives par ces historiens va peut-être donner quelque chose. Gardons confiance malgré tout… »
G. I.