Citation
Les armes achetées aux Seychelles par le colonel
Bagosora ont elles servi au génocide des Tutsi ?
Jacques Morel
13 juin 2019, v0.3
Résumé
À la fin du mois de juin 1994, le Gouvernement intérimaire rwandais
acquiert 80 tonnes d’armes auprès du gouvernement des Seychelles. Le
paiement de ces armes à l’intermédiaire sud-africain, Ters Ehlers, s’est
fait par la Banque nationale de Paris (BNP). Ces armes, dont des Kalachnikovs, seraient d’origine yougoslave. Débarquées à l’aéroport de Goma
au Zaïre, elles ont été transportées à Gisenyi. Des témoignages faits au
TPIR 1 tendent à prouver que ces Kalachnikovs ont équipé des miliciens
envoyés à Kigali pour participer aux combats sur la colline Mburabuturo
et des soldats ou gendarmes qui ont encadré les Interahamwe dans les dernières opérations d’élimination des Tutsi à Bisesero. Des photos viennent
à l’appui de cette hypothèse. À Bisesero, elles ont servi au génocide. À
Kigali, elles ont servi à combattre le Front patriotique rwandais (FPR)
qui combattait les tueurs. Fin juin à Kigali, les massacres continuaient,
bien qu’à un rythme moindre. Ils se poursuivaient toujours sur les collines
de Bisesero.
1
Description de ces armes
Une attestation de remise d’armes et de munitions du colonel Payet, des
Forces armées seychelloises (S.P.D.F. : Seychelles People’s Defence Forces), au
colonel rwandais Théoneste Bagosora (qui se faisait passer pour un officier des
F.A.Z., Forces armées zaïroises) en date du 16 juin 1994 2 comporte les éléments
présentés dans le tableau 1 page 2.
Le fusil AK 47 en ligne 1 est la Kalachnikov. Sa munition est de calibre
7,62 mm et de longueur 39 mm, voir ligne 2. Il existe de nombreuses variantes
de la Kalachnikov.
Une attestation de remise d’armes et de munitions du colonel Payet des
Forces armées seychelloises au colonel Bagosora (F.A.Z.) en date du 18 juin
1994 a été publiée dans le même rapport. 3 Voir le détail tableau 2 page 2.
1. TPIR : Tribunal Pénal International pour le Rwanda.
2. Rapport de la Commission internationale d’enquête sur la fourniture d’armes aux anciennes forces armées gouvernementales rwandaises, ONU, S/1996/195, 14 mars 1996, Appendice IV, p. 28. http://francegenocidetutsi.org/sg-1996-195.pdf#page=28
3. Ibidem, p. 29.
1
1
2
DESCRIPTION DE CES ARMES
Num.
1
2
3
4
Désignation
AK 47 Rifles
7,62 Ammunition
Hand Grenades
12,7 mm HE Ammunition
Quantité
2,500 units
500,220 pcs
2,560 pcs
33,696 pcs
Table 1 – Livraison d’armes du colonel Payet (S.P.D.F.) au colonel Bagosora
(F.A.Z) le 16 juin 1994. Le fusil d’assaut Kalachnikov AK 47 utilise des balles
de 7.62 mm. HE signifie High explosive. Source : ONU, S/1996/195, p. 28
La rubrique 6 comporte des grenades à fusils. Ce sont des grenades à fragmentation. Cela veut simplement dire qu’elles explosent en se fragmentant,
contrairement aux grenades anti-char qui ont des dispositifs de pénétration des
blindages.
Num.
1
2
3
4
5
6
Désignation
60 mm Mortar
82 mm Mortar
12,7 mm HE Ammunition
37 mm + Fuse
14,5 mm
Fragmentation Rifle Grenades
Quantité
6,000 pcs
624 pcs
4,800 pcs
5,440 pcs
7,600 pcs
5,600 pcs
Table 2 – Livraison d’armes du colonel Payet (S.P.D.F.) au colonel Bagosora
(F.A.Z) le 18 juin 1994. Source : ONU, S/1996/195, p. 29
Le fusil AK 47 peut être transformé en lance-grenade comme on le voit en
figure 1 page 3. Un manchon qui supporte la grenade à ailette se visse au bout
du canon.
1.1
Origine de ces armes
Le « Malo », un cargo chargé d’armes à destination de la Somalie est intercepté par la marine seychelloise le 3 mars 1993. 4 Le navire appartient à un
armateur grec et a chargé dans le port de Bar au Monténegro. 5 Ce cargo a
changé de nom, puisqu’il « s’appelait MV Maria lorsqu’il a quitté un port en
Albanie ». 6 Son capitaine a été condamné pour importation illégale d’armes et
la cargaison de 400 tonnes d’armes et munitions a été saisie. Elle serait constituée d’« armes usagées et d’autres neuves fabriquées en Serbie ». 7 Elle pourrait
4. Malo Captain Convicted, Regar (Seychelles),
//francegenocidetutsi.org/Regar10December1993.png .
5. Jean-François Dupaquier [3, pp. 98-99].
6. Ibidem, p. 98.
7. Ibidem, p. 99.
December
10,
1993.
http:
2
LES ARMES DÉBARQUÉES À GOMA RENTRENT AU RWANDA
3
Figure 1 – Yugoslavian M70AB2 AK 47 assembled by Century International
comporter aussi des armes de fabrication chinoise chargées en Albanie.
2
Les armes débarquées à Goma rentrent au
Rwanda
Interrogé par son avocat devant le TPIR, le colonel Bagosora précise que le
premier chargement en provenance des Seychelles a été transporté à Gisenyi au
plus tard le 19 juin 1994 et le deuxième au plus tard le 21 juin. Les armes ont
été réceptionnées par les « services zaïrois » puis par « les services militaires
rwandais » qui étaient en relation avec eux. 8
Dans son agenda de l’année 1994 saisi par le TPIR, le Premier ministre du
Gouvernement intérimaire rwandais, Jean Kambanda, note à la date du 18 juin :
Samedi 18 juin
9 h visite à Gisenyi
Entretien avec le Cmdt Ops Gisenyi (1ère livraison arrivée, seconde attendue dans les 2 jours). 9
Ce Cmdt Ops Gisenyi, en clair le commandant opérationnel pour la préfecture de Gisenyi, est le colonel Anatole Nsengiyumva. Cette première livraison
correspond à l’avion qui est parti des Seychelles le 17 juin.
Il faut noter que les éléments précurseurs de l’opération Turquoise, avec à
leur tête le colonel Rosier, arrivent à Goma le 20 juin. Ils ont donc pu assister au
8. TPIR, Affaire No ICTR-98-41-T, Procès Militaires I (Bagosora), audience du 10 novembre 2005, p. 19. http://francegenocidetutsi.org/TPIRmilitairesI-10novembre2005.
pdf#page=21
9. Jean Kambanda, Agenda Quo Vadis 1994, TPIR, 18 juin 1994. http://
francegenocidetutsi.org/KambandaAgendaQuoVadis1994.pdf#page=23 .
3
CES ARMES AURAIENT ÉTÉ REMISES À LA DÉFENSE CIVILE
4
débarquement ou au convoyage au Rwanda de la deuxième livraison d’armes. 10
3
Ces armes auraient été remises à la défense
civile
3.1
Des armes d’Afrique du Sud achetées avec des chèques
de voyage
Dans sa déposition du 22 mai 1998 devant les enquêteurs du TPIR, dont
Pierre Duclos (PD), Jean Kambanda (JK) évoque un achat d’armes en Afrique
du Sud :
Nous obtenions l’autorisation du gouvernement zaïrois de nous
faire livrer nos armes chez eux grâce aux montants que j’ignore que
le ministre Bizimana me disait verser directement à un individu qui
m’était inconnu. Joseph Nzirorera, ancien ministre des Travaux publics pendant une dizaine d’années, et Secrétaire national du MRND,
propriétaire de nombreux bâtiments à Kigali dont l’ancien édifice
Unicef, s’est rendu en Afrique du Sud acheter dix mille armes Kalachnikovs KV pour un million de dollars américains. Le gouvernement lui avait confié pour payer cette transaction des chèques de
voyage gérés par la Banque nationale. Ces armes furent livrées à
Goma. 11
Nzirorera était accompagné par Bagosora :
Mais après j’ai eu à réfléchir et à me dire “quoi, Nzirorera lui va
en Afrique du Sud plutôt qu’un autre, pourquoi Bagosora lui va...
on l’envoie et pas quelqu’un d’autre ?”. Qu’est-ce que je découvre ?
C’est que tout simplement eux ils ont des contacts faciles. Comme
nous sommes obligés de passer par le Zaïre, il faut quelqu’un qui
puisse entrer en contact avec le gouvernement zaïrois et obtenir les
autorisations nécessaires et si on en a on l’envoie. 12
On sait que Joseph Nzirorera avait été envoyé en Afrique du Sud pour acheter
des armes et que celles-ci devaient être payées en chèques de voyage. Ceux-ci
ont été refusés par les banques :
PD -Alors c’est ça, l’embargo cause qu’il faut que vous payez en
cash. Il part avec des chèques, vous dites qu’il y a eu des problèmes,
ils ont été refusés ces chèques ou quoi ?
JK -Il y a eu un... comme il y avait embargo sur le... un embargo
financier, il y a un certain nombre de chèques qui ont été refusés donc
10. Rapport du colonel Rosier, chef du détachement COS, NMR 001/TURQUOISE/DET
COS, Goma le 27/07/1994, Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [6, Tome II, Annexes,
p. 398]. http://francegenocidetutsi.org/RosierRapport27juillet1994.pdf
11. Pierre Duclos, Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 77, TPIR, 22 mai 1998,
p. 21. http://francegenocidetutsi.org/Kambanda77Fre.pdf
12. Ibidem, p. 28.
3
CES ARMES AURAIENT ÉTÉ REMISES À LA DÉFENSE CIVILE
5
je crois il y a une des banques américaines qui a fait une opposition
sur l’ensemble des travellers checks qui étaient en possession heu
dont la Banque nationale était en possession.
PD -Alors il y a eu une partie des chèques qui ont pas été négociables ?
JK -Oui. 13
Il a été établi que cet achat d’armes, négocié par Nzirorera et Bagosora
avec le Sud-africain Ters Ehlers, concernait des armes mises en vente par le
gouvernement des Seychelles. Le règlement en chèques de voyage n’ayant pu se
faire en raison de l’arrestation de l’intermédiaire Alfred Kalisa Gakuba, c’est la
BNP qui a effectué la transaction à partir d’un compte de la BNR.
3.2
Ces armes sont destinées à la défense civile
Toujours dans sa déposition du 22 mai 1998, Kambanda précise à Pierre
Duclos (PD) que ces armes ont été livrées à la mi-juin et qu’elles étaient destinées
à la défense civile :
PD -C’est.. dans le paragraphe que vous expliquez le voyage de
Monsieur Nzirorera, heu, en Afrique du Sud, vous précisez ici que
c’était pour acheter des Kalachnikovs, il aurait acheté dix mille Kalachnikovs pendant le voyage là.
JK -Oui. C’est les armes... Je... je ne sais pas si c’est à un chiffre
près ou dix mille mais c’est environ dix mille Kalachnikovs qui ont
été distribuées au niveau de la défense civile. C’est une commande
que je... dont Je me rappelle puisque...
PD -Ça, ça. Ça c’était pour la défense civile ?
JK -Ça c’était pour la défense civile, dont j’ai déjà expliqué comment la répartition s’est faite.
PD -Ok. Puis ça c’est celle qui serait arrivée probablement quand ?
JK -Vers la mi-juin. 14
Nous avons vu dans son agenda que Jean Kambanda est allé voir le colonel
Nsengiyumva à Gisenyi le 18 juin, jour d’arrivée de la première livraison d’amres
en provenance des Seychelles.
3.3
La défense civile, arme principale du génocide
À ce stade du génocide, la « défense civile » regroupe, en plus de l’organisation de la défense civile stricto sensu, organisée par les ministères de l’Intérieur
et de la Défense et localement par les préfets, bourgmestres et conseillers de secteurs, les milices des partis politiques, c’est-à-dire les Interahamwe (MRND), les
Impuzamugambi (CDR) et celles des fractions Power des partis MDR et PSD.
L’objectif de cette « défense civile » est la lutte contre l’ennemi, les infiltrés et
13. Ibidem, pp. 29-30.
14. Ibidem, p. 28.
4
LES TÉMOIGNAGES AU TPIR SUR LE DEVENIR DE CES ARMES 6
les acolytes de l’ennemi, c’est-à-dire les Tutsi. Cette assimilation est faite dans
le texte définissant l’ennemi diffusé par le chef d’état-major des Forces armées
rwandaises (FAR) en septembre 1992. 15 L’organisation de l’auto-défense civile
a été prévue dans un document de début 1994. 16 Elle a été formalisée au cours
du génocide par la circulaire Kambanda du 25 mai 1994. 17 Elle implique la
formation militaire par des policiers ou militaires réservistes de groupes de 20
jeunes par secteurs. Le ministre de l’Intérieur est le président du Comité de
coordination au niveau national.
La défense civile est contrôlée par les militaires, en particulier pour la formation au maniement d’armes 18 et la fourniture d’armes à feu aux miliciens. 19
4
4.1
Les témoignages au TPIR sur le devenir de
ces armes
Le témoin ZF
Au procès Militaires I (Bagosora, Nsengiyumva, Kabiligi, Ntabakuze), le témoin ZF affirme que des miliciens équipés d’armes en provenance des Seychelles
sont allés achever les derniers Tutsi résistants à Bisesero :
D’ethnie hutue, le témoin ZF qui était opérateur radio au camp
militaire de Butotori a affirmé que dans le courant de l’année 1994,
des groupes de miliciens s’étaient rassemblés au « stade de Gisenyi »
où ils avaient par la suite été entraînés. Il a précisé que des armes
venant des Seychelles et qui avaient été acheminées jusqu’au Rwanda
en passant par Goma leur avaient été distribuées à la fin de leur entraînement. Ils avaient ensuite été envoyés en renfort aux assaillants
à bord de bus de l’ONATRACOM. Le témoin ZF a indiqué qu’au
plus fort du génocide, des Tutsis pourchassés par des miliciens hutus
avaient été forcés de se réfugier sur la colline de Bisesero, à Kibuye.
Il a ajouté qu’étant donné que les assaillants civils n’arrivaient pas
à venir à bout de la résistance de ces Tutsis, des renforts militaires
15. Deogratias Nsabimana, A Comdt Sect Ops (Tous). Objet : Diffusion d’information, Armée rwandaise, 21 septembre 1992, no 1437 G2.2.4, Case N° : ICTR-98-41-T
Exhibit N° : P1.3.1 (a) Date admitted : 10/9/2002. http://francegenocidetutsi.org/
DefinitionEnnemi21septembre1992.pdf
16. Organisation de l’Auto-Défense Civile, TPIR, Affaire ICTR-98-41-T, Bagosora et al.
Exh. P 254 A. http://francegenocidetutsi.org/OrgaAutoDefenseCivile.pdf
17. République rwandaise, services du Premier ministre, « Directives du Premier ministre
aux préfets pour l’organisation de l’auto-défense civile. » Kigali, le 25 mai 1994, no 024-02.3.
Signé : Jean Kambanda. http://francegenocidetutsi.org/Kambanda25mai94.pdf
18. Réunion du 19/05/1994 présidée par Maj. Givamvagara, Comd Ops Déf. Civile dans
P.V.K., 19 mai 1994, Case N° : ICTR-98-41-T Exhibit N° : DB 133 Date admitted : 23-9-2004
Tendered by : Defence. http://francegenocidetutsi.org/DefenseCivileKigali19mai1994.
pdf
19. Jean Hélène, En dépit de nombreux témoignages, le chef des milices rwandaises réfute les accusations de génocide, Le Monde, 17 mai 1994. http://francegenocidetutsi.org/
HeleneKajuga17mai1994.pdf
4
LES TÉMOIGNAGES AU TPIR SUR LE DEVENIR DE CES ARMES 7
avaient été demandés au haut commandement de Gisenyi. Le témoin
ZF a affirmé tenir du lieutenant Bizumuremyi que Nsengiyumva lui
avait ordonné d’organiser l’opération dirigée contre les réfugiés et
que c’est suite à cela qu’il avait déployé à Bisesero des renforts arrivés sur les lieux à bord de bus appartenant à l’ONATRACOM. 20
Cet extrait du jugement est un résumé de l’audition de ZF. Mais il n’est pas
très fidèle à l’audition.
D’abord le témoin ZF affirme que des armes en provenance des Seychelles ont
été remises à des miliciens envoyés se battre à Kigali sur la colline Mburabuturo :
Votre Honneur, je me souviens, en 1994 – je ne me souviens pas
très bien du mois –, mais à ce moment-là, il y avait des affrontements
militaires à l’endroit appelé « Mburabutura » – M-B-U-R-A-T...
pardon, M-B-U-R-A-B-U-T-U-R-A. C’est à Kigali.
À cette période-là, il y avait un groupe de miliciens qui s’étaient
regroupés au stade de Gisenyi, et probablement, ils avaient reçu une
formation au même endroit. Je ne sais pas combien de jours ils ont
passé au stade, ce que je sais, c’est que, après un certain moment, il
y avait des armes qui étaient venues, d’après les officiers qui étaient
avec moi au camp, des Seychelles. Et l’avion était venu à Goma.
Les camions militaires sont allés à l’aéroport de Goma, et ils ont
amené des box, amené des malles, et dans des malles, il y avait des
munitions, il y avait des armes, et ces armes avaient été distribuées
à ces miliciens regroupés au stade de Gisenyi, et puis, ils sont partis
pour aller donner un coup de main à Kigali. 21
Ensuite, interrogé sur Bisesero, le témoin ZF déclare que le colonel Nsengiyumva y a envoyé des miliciens dans deux bus de l’ONATRACOM et qu’il a
chargé le lieutenant Bizumuremyi d’organiser ce déplacement. 22 ZF ne parle pas
d’armes en provenance des Seychelles qui auraient équipé les miliciens envoyés
à Bisesero.
4.2
Le témoin DCH
Toujours au même procès Bagosora et al., le témoin DCH dit avoir conduit
en bus des miliciens de Gisenyi vers Kigali en juin 1994 :
Nzungize 23 avait la liste de ces personnes. C’est lui qui faisait
l’appel, et les gens embarquaient à bord de ces véhicules. Et Anatole
20. Le Procureur c. Théoneste Bagosora, Gratien Kabiligi, Aloys Ntabakuze, Anatole Nsengiyumva. Jugement portant condamnation. Affaire no ICTR-98-41-T, 18 décembre 2008, section 1800, pp. 635-636 http://francegenocidetutsi.org/BagosoraJudgment-fr.pdf
21. Le Procureur c. Théoneste Bagosora et al., TPIR, Transcription de l’audience du 28 novembre 2002, pp. 123-125. http://francegenocidetutsi.org/
BagosoraTranscript28novembre2002.pdf
22. Le Procureur c. Théoneste Bagosora et al. Transcription de l’audience,
TPIR,
28
novembre
2002,
pp.
161-164.
http://francegenocidetutsi.org/
BagosoraTranscript28novembre2002.pdf
23. Il s’agit du lieutenant-colonel Alphonse Nzungize, commandant du camp de Bigogwe.
4
LES TÉMOIGNAGES AU TPIR SUR LE DEVENIR DE CES ARMES 8
[Nsengiyumva] distribuait les fusils et les cartouches : on donnait à
chacun 30 cartouches. [...] Ces fusils se trouvaient au stade de Gisenyi, et ils étaient dans une camionnette de marque Mitsubishi ; et
les munitions se trouvaient dans des caisses [...] On prenait 30 cartouches, on donnait à chacune de ces personnes qui devaient monter
à bord des véhicules. [...] C’étaient des kalachnikovs neufs. C’étaient
des kalachnikovs paras, et ils étaient tout neufs. [...] Je ne sais pas
d’où ils étaient venus, et ils avaient transité par Gisenyi, parce que
l’aéroport de Kanombe ne fonctionnait pas ; on utilisait l’aéroport de
Goma. Et ces fusils étaient donc arrivés à Goma, on les avait transportés jusqu’à Gisenyi ; et ils étaient transportés à bord des camions
de Kabuga. [...] C’étaient des kalachnikovs tromblon qu’on pouvait
équiper des roquettes ; ce n’était pas comme les autres kalachnikovs.
[...] Et à cette époque-là, le Gouvernement était installé à Kabaya et
les armes ont été déchargées à l’aéroport, et c’est Karamira Froduald
qui est allé récupérer ces munitions à l’aéroport. 24
Ces kalachnikovs « tromblon » seraient-elles munies d’un manchon qui permet d’y fixer une grenade à fusil, comme en figure 1 page 3 ? Les ailettes dont
sont munies ces grenades à fusil évoqueraient des roquettes pour le témoin.
Lors du contre-interrogatoire par Me Ogetto, l’avocat d’Anatole Nsengiyumva,
le témoin DCH précise que ces armes ont été données à des Interahamwe qu’il
a transportés à Kigali :
Q. Précisons bien les choses sur ce fait, Monsieur le Président...
Monsieur le Témoin : Au stade, lorsque cette distribution d’armes a
eu lieu, est-ce que Nzungize vous a dit de transporter... vous a donné
des militaires à transporter à Kigali ? Répondez par « oui » ou par
« non ».
R. Non.
Q. Est-ce que Nzungize vous a remis des civils, en dehors des
Interahamwe et des Impuzamugambi, à conduire à Kigali ?
R. Je vous ai dit qu’au stade, ces gens qui étaient là étaient des
civils, bien que ce soient des Interahamwe, les Interahamwe n’étaient
pas des militaires, c’étaient des civils. 25
Ce transport de miliciens de Gisenyi vers Kigali correspond à celui décrit
par le témoin ZF et se situe fin juin.
4.3
Richard Mugenzi
Selon Richard Mugenzi, 26 chargé d’écoutes radio sous les ordres du colonel
Anatole Nsengiyumva au camp de Butotori à Gisenyi, les kalachnikovs distri24. Le Procureur c. Théoneste Bagosora et al., TPIR, Transcription de l’audience du 28
juin 2004, p. 43. http://francegenocidetutsi.org/BagosoraTranscript28juin2004.pdf
25. Ibidem, p. 72.
26. L’identité du témoin ZF a été dévoilée par le juge Bruguière qui écrit « Richard MUGENZI, opérateur des F.A.R. affecté à la station d’écoute de GISENYI relatait qu’il avait
retranscrit plusieurs messages du F.P.R. dont en particulier celui en langue swahilie faisant
4
LES TÉMOIGNAGES AU TPIR SUR LE DEVENIR DE CES ARMES 9
buées proviendraient des Seychelles :
Pendant qu’il y avait des combats au Mont Mburabuturo à Kigali, entre le FPR et les FAR, j’ai vu à Gisenyi Félicien Kabuga,
Joseph Nzirorera, Jean-Bosco Barayagwiza au camp avec le colonel Anatole Nsengiyumva. J’ai appris, sans savoir son objet, qu’ils
avaient tenu une réunion à l’Hôtel Méridien.
Pendant la même période, un avion a atterri à Goma et j’ai vu
deux camions remplis de caisses d’armes au camp. Au mess, on disait
que ces armes étaient venues des Seychelles. 27
4.4
Omar Serushago
Toujours lors du procès de Bagosora et Nsengiyumva au TPIR, Omar Serushago, chef milicien à Gisenyi, atteste que Nsengiyumva est allé en juin 1994
chercher des armes à Goma et que des miliciens ainsi armés sont allés à Bisesero :
Serushago a affirmé qu’un jour en juin, il avait vu Nsengiyumva
quitter, dans la nuit, l’aéroport de Goma pour rallier la ville de Gisenyi avec un convoi formé de deux camions de la brasserie locale qui
avaient été réquisitionnés. Il avait dit à Serushago qu’il transportait
des armes et lui avait demandé d’informer les jeunes du MRND et de
la CDR que les munitions étaient à présent disponibles. Serushago
a indiqué que Nsengiyumva l’avait par la suite convoqué au camp
militaire en même temps que d’autres Interahamwe, et leur avait
demandé de prendre un véhicule et d’exhorter les jeunes de Gisenyi
à se joindre à des assaillants qui devaient entreprendre une attaque
sur la préfecture de Kibuye. Serushago a affirmé qu’en compagnie
de Rashid Gahutu, un autre Interahamwe, il avait ensuite sillonné
la ville à bord de la Toyota de ce dernier et demandé aux jeunes
de participer à l’attaque envisagée. À son dire, les milices des partis locaux s’étaient ensuite rassemblées au stade Umuganda où des
armes leur avaient été remises, et suite à quoi ils avaient été envoyés
par bus à Bisesero et à Nyange. Serushago a indiqué avoir envoyé
des Interahamwe placés sous son commandement prêter main forte
aux assaillants qui avaient attaqué Bisesero, tout en faisant observer
qu’il n’avait pas personnellement participé à cette opération. 28
Omar Serushago a plaidé coupable et a été condamné à 15 ans de prison. Il
est décédé en 2013.
état de la réussite de la mission de “l’escadron renforcé” ». Cf. Jean-Louis Bruguière, Délivrance de mandats d’arrêts internationaux - Ordonnance de soit-communiqué, 17 novembre
2006, p. 30. http://francegenocidetutsi.org/OrdonnanceBruguiere.pdf
27. Jean-François Dupaquier [2, p. 304].
28. Le Procureur c. Théoneste Bagosora, Gratien Kabiligi, Aloys Ntabakuze, Anatole Nsengiyumva. Jugement portant condamnation. Affaire no ICTR-98-41-T, 18 décembre 2008, section 1795, p. 634.http://francegenocidetutsi.org/BagosoraJudgment-fr.pdf
4
LES TÉMOIGNAGES AU TPIR SUR LE DEVENIR DE CES ARMES 10
4.5
Le témoin ABQ
ABQ, témoin à charge contre Nsengiyumva, a déclaré qu’il a subi un entraînement militaire avec d’autres jeunes gens et que, armés entre autres de
fusils kalachnikovs provenant d’Afrique du Sud, ils ont été envoyés se battre
à Mburabuturo, mais, apprenant que son bus l’amenait à Bisesero, il s’en est
enfui :
D’ethnie hutue, le témoin ABQ qui était étudiant a affirmé que
vers le milieu ou la fin du mois de juin 1994, il avait entendu transmettre au mégaphone des communiqués indiquant que Nsengiyumva
encourageait les jeunes de la préfecture de Gisenyi à s’enrôler dans
l’armée. Il a dit s’être rendu au stade Umuganda où il avait participé à des examens de sélection. À son dire, à l’issue de ces examens,
entre 100 et 400 personnes avaient été jugées aptes, suite à quoi un
entraînement militaire leur avait été dispensé pendant sept jours au
stade. Le témoin ABQ a affirmé qu’en sa qualité de nouvelle recrue,
il avait appris à marcher au pas et à manier des armes à feu telles
que les fusils kalachnikovs et R-4. Il a précisé que les militaires qui
avaient assuré l’instruction des nouvelles recrues venaient du camp
militaire de Gisenyi et du camp d’entraînement de Bigogwe.
Le témoin ABQ a fait savoir que lors du dernier jour d’entraînement, les nouvelles recrues avaient été informées du fait qu’elles
allaient être déployées vers le lieu de leur mission. Selon lui, Nsengiyumva était venu au stade vers minuit. Le témoin ABQ a précisé
que c’était la première fois qu’il le voyait en ce lieu. À son dire,
l’accusé avait annoncé qu’il avait acheté de l’Afrique du Sud de nouvelles kalachnikovs et des lance-roquettes, et que les recrues seraient
envoyées à Kigali pour se battre à Mburabuturo et à Gisozi. Il avait
ensuite procédé à la présentation de Bagosora qui avait affirmé que
les Inyenzi occupaient ces deux endroits et qu’ils bombardaient la
ville de Kigali.
Selon ABQ, peu après cela, des armes avaient été distribuées
aux recrues qui avaient ensuite été embarquées à bord de quatre bus
de l’ONATRACOM. Le témoin a affirmé avoir constaté qu’arrivés
à un carrefour, à Nyundo, au lieu de prendre la route menant à
Kigali les bus l’ont dépassé et ont au contraire continué en direction
de la préfecture de Kibuye. Le témoin ABQ a indiqué qu’il savait
qu’aucune unité des Inkotanyi n’était engagée dans des combats en
ce lieu. Il a en outre affirmé qu’il avait précédemment entendu dire
dans le cadre d’un communiqué transmis au moyen d’un mégaphone
fixé à un véhicule appartenant à Gahutu, que les Interahamwe étaient
en train de demander des renforts pour combattre les Inyenzi qui se
trouvaient sur la « grande colline » à Bisesero. Le témoin ABQ a
précisé qu’arrivés à un barrage routier érigé dans la commune de
Nyamyumba, située dans la préfecture de Gisenyi, il était descendu
du bus en compagnie de six autres personnes.
4
LES TÉMOIGNAGES AU TPIR SUR LE DEVENIR DE CES ARMES 11
Le témoin ABQ a indiqué qu’alors qu’il se trouvait au Congo,
l’une des personnes qui se trouvait avec lui dans le bus lui avait appris, en juillet 1994, qu’ils avaient été conduits à son bord à la colline
de Bisesero. Il lui avait également dit que les recrues étaient dirigées
par des militaires qui leur avaient ordonné d’obliger les Inyenzi à
descendre de la colline. 29
4.6
Le témoin KJ
Au même procès, le témoin KJ, un gendarme de Kibuye, témoigne qu’il a vu
au mois de juin 1994 à Kibuye un rassemblement d’Interahamwe en provenance
des préfectures de Gisenyi et de Cyangugu. Ils ont été envoyés à Bisesero pour
éliminer les Tutsi qui résistaient encore :
Le témoin KJ qui était un gendarme stationné dans la préfecture de Kibuye a affirmé avoir vu en juin 1994 plusieurs bus de
l’ONATRACOM à la préfecture. Il a indiqué que les bus en question
transportaient entre 300 et 400 Interahamwe armés d’armes traditionnelles et qui chantaient : « Ye, exterminons-les dans les forêts.
Nous allons les vaincre et nous allons remporter cette guerre ». Selon KJ, plusieurs des Interahamwe lui avaient dit qu’ils venaient des
communes de Ramba, de Giciye et de Kayovo, dans la préfecture
de Gisenyi ainsi que de la commune de Bugarama, en préfecture de
Cyangugu. Ils avaient précisé à son intention qu’on les avait envoyés
en renfort pour aider à éliminer les Tutsis qui résistaient encore à
Bisesero. Il a ajouté que les miliciens qui étaient venus de Bugarama
avaient fait savoir que c’était Yussuf Munyakazi, le commandant des
Interahamwe qui les avait envoyés. 30
Il ajoute, qu’en plus, une centaine d’Interahamwe sont venus de Kigali. Il signale la présence du ministre de l’Information, Eliezer Niyitegeka, qui au cours
d’une réunion à Kibuye, a déclaré « que les ministères de la Défense et de
l’Intérieur avaient invité tous ceux qui s’étaient rassemblés en ce lieu afin que
l’œuvre d’extermination des Tutsis qui résistaient encore dans la région de Bisesero puisse se poursuivre ». 31
Ce témoin KJ dit que les miliciens portaient des armes traditionnelles et
non des armes à feu. Mais il précise : « que de manière générale, les attaques
dont la préfecture de Kibuye avaient été le théâtre avaient été perpétrées par les
Interahamwe, encore qu’ils aient été aidés dans cette tâche par les gendarmes
et les militaires ». « Le Ministère de la défense et l’état-major général de la
gendarmerie fournissaient aux assaillants l’appui matériel nécessaire alors que
29. Le Procureur c. Théoneste Bagosora, Gratien Kabiligi, Aloys Ntabakuze, Anatole Nsengiyumva. Jugement portant condamnation. Affaire no ICTR-98-41-T, 18 décembre 2008, section 1796-1799, pp. 634-635.http://francegenocidetutsi.org/BagosoraJudgment-fr.pdf
30. Le Procureur c. Théoneste Bagosora, Gratien Kabiligi, Aloys Ntabakuze, Anatole Nsengiyumva. Jugement portant condamnation. Affaire no ICTR-98-41-T, 18 décembre 2008, section 1801, p. 636.http://francegenocidetutsi.org/BagosoraJudgment-fr.pdf
31. Ibidem, section 1802.
4
LES TÉMOIGNAGES AU TPIR SUR LE DEVENIR DE CES ARMES 12
le commandement de groupes composés de civils, de gendarmes et de militaires
était assuré par le Ministère de l’intérieur ». 32
Il témoigne sous le même sigle KJ au procès d’Eliezer Niyitegeka. Un autre
témoin, GGV, y précise que Niyitegeka a organisé une réunion à la préfecture de
Kibuye vers le 10 juin en vue d’éliminer les Tutsi de Bisesero. Niyitegeka a promis de « fournir un appui matériel sous forme d’armes ». 33 La semaine suivante,
Niyitegeka « a distribué des armes aux représentants des groupes d’assaillants.
Ces armes devaient être utilisées dans des tueries à Bisesero ». 34 Niyitegeka
a dirigé le lendemain une attaque à Kiziba, dans la région de Bisesero. 35 Le
témoin GGV situe cette attaque vers le 18 juin. 36 Il n’est donc pas exclu que
ces armes proviennent des Seychelles.
4.7
Nsengiyumva ne conteste pas l’envoi de miliciens
Le colonel Nsengiyumva reconnaît que des miliciens ayant reçu une formation
militaire au stade Umuganda de Gisenyi ont été envoyés à Kigali fin juin dans
des bus ONATRACOM, mais il affirme qu’ils n’étaient pas armés :
Nsengiyumva s’est inscrit en faux contre le témoignage porté par
ABQ sur l’opération d’entraînement et de recrutement qui aurait eu
lieu au stade Umuganda en précisant que des instructions lui avaient
été données par l’état-major général afin qu’il procède au recrutement de jeunes pour remplacer les militaires qui avaient été blessés à
l’occasion des combats. Il a indiqué que l’opération de recrutement
en question avait été conduite par des autorités locales telles que
le préfet et le bourgmestre. Il a précisé qu’environ deux semaines
après la mort du Président Habyarimana, à peu près 400 recrues
avaient commencé à recevoir au stade Umuganda un entraînement
technique sur le maniement des armes. Il a affirmé qu’il avait luimême supervisé la formation en question et que dans ce cadre, il
s’était rendu sur les lieux à quelques occasions. Selon lui, l’opération
d’entraînement avait pris fin en juin, période durant laquelle l’étatmajor général avait demandé d’envoyer les recrues à Kigali pour y
effectuer une intervention. Nsengiyumva a indiqué qu’il avait informé
les recrues qu’elles allaient être déployées vers le front, à Kigali. Il a
fait savoir que les recrues avaient quitté les lieux à bord de bus de
l’ONATRACOM, sans armes ni uniformes, attendu qu’il n’en disposait pas pour eux. Il a affirmé n’avoir reçu aucune confirmation de
leur arrivée à Kigali tout en faisant observer qu’il avait par hasard
32. Ibidem, section 1803.
33. Le Procureur c. Eliezer Niyitegeka. Jugement portant condamnation, 16 mai 2003,
TPIR, Affaire no ICTR-96-14-T, section 216, p. 58. http://francegenocidetutsi.org/
Niyitegeka-jugement.pdf
34. Ibidem, section 217.
35. Ibidem, section 218.
36. Ibidem, section 208, p. 51.
5
TÉMOIGNAGES À LA COMMISSION MUCYO
13
entendu un communiqué transmis à la radio et indiquant qu’elles
avaient combattu à Mburabuturo. 37
4.8
Conclusion de la Chambre
La Chambre met en doute les affirmations de Serushago qui s’est montré par
ailleurs peu fiable. Elle affirme que le témoignage de ZF est de seconde main.
Si elle ne met pas en doute l’importation d’armes en provenance des Seychelles,
elle estime qu’il n’y a pas de preuves qu’elles ont servi à Bisesero puisque le
gendarme KJ a déclaré que les miliciens venus à Kibuye portaient des armes
traditionnelles. Néammoins la Chambre admet que « dans la deuxième quinzaine
de juin, l’accusé [Nsengiyumva] a effectivement envoyé des miliciens à Bisesero
avec mission de participer aux attaques qui y étaient perpétrées contre des civils
tutsis ». 38
La Chambre de première instance « relève qu’en juin, Nsengiyumva a envoyé
des miliciens dont il avait supervisé l’entraînement à Bisesero avec mission de
participer à une opération visant à tuer des Tutsis qui s’étaient réfugiés en ce
lieu et qui arrivaient à peine à survivre parce qu’ils étaient en proie à la faim ».
Pour ce fait et d’autres, elle le condamne à la prison à vie.
Cependant, la Chambre d’appel estime que l’acte d’accusation ne fait que
relever que Nsengiyumva a reçu l’ordre d’envoyer des troupes pour combattre
l’ennemi à Bisesero et ne lui reproche aucune conduite criminelle. Sur l’argument que l’accusé ne peut être condamné que sur des charges figurant dans
l’acte d’accusation, elle annulle la condamnation de Nsengiyumva concernant
Bisesero. 39 Le raisonnement est vicieux car la Chambre d’appel ne conteste pas
que Nsengiyumva a envoyé des troupes, miliciens ou soldats, à Bisesero pour y
massacrer les Tutsi restants.
5
5.1
Témoignages à la commission Mucyo
Jean-Paul Nturanyenabo
Jean-Paul Nturanyenabo est un ancien sergent des FAR. Il a reçu une formation commando de chasse donnée par les Français à Bigogwe puis des cours
d’artillerie donnés par les Français sur des armes d’appui dont les canons de 105.
Il a été condamné à 12 ans de prison pour génocide par la justice rwandaise. Il
déclare le 11 décembre 2006 devant la commission Mucyo :
37. Le Procureur c. Théoneste Bagosora, Gratien Kabiligi, Aloys Ntabakuze, Anatole Nsengiyumva. Jugement portant condamnation. Affaire no ICTR-98-41-T, 18 décembre 2008, section 1805, pp. 637-638. http://francegenocidetutsi.org/BagosoraJudgment-fr.pdf
38. Le Procureur c. Théoneste Bagosora, Gratien Kabiligi, Aloys Ntabakuze, Anatole Nsengiyumva. Jugement portant condamnation. Affaire no ICTR-98-41-T, 18 décembre 2008, section 1819, pp. 642.http://francegenocidetutsi.org/BagosoraJudgment-fr.pdf
39. Theodor Meron, Théoneste Bagosora, Anatole Nsengiyumva c.le Procureur : Arrêt d’appel, TPIR, 14 décembre 2011. http://francegenocidetutsi.org/
BagosoraNsengiyumvaArretAppel.pdf
5
TÉMOIGNAGES À LA COMMISSION MUCYO
14
Fin juin 1994, le commandant du secteur opérationnel de Ruhengeri le Colonel Marcel Bivugabagabo s’est rendu à Gisenyi accueillir
les militaires français de Turquoise. J’étais parti avec lui en tant
que chef de l’équipe de protection. Une partie des militaires français avec leur armement sont allés s’installer au stade de Gisenyi, le
reste (leurs commandants) sont allés loger à l’hôtel Méridien. Deux
jours après, des jeunes miliciens qui étaient en formation militaire
au stade Umuganda de Gisenyi ont été réquisitionnés pour aller décharger des armes et des munitions à Goma. Arrivés à Gisenyi, ces
armes et munitions ont été distribuées les unes au camp Gisenyi, les
autres au stade Umuganda et au siège du parti MRND au bord du
lac kivu. Ce sont ces armes qui, pour une partie, ont participé à la
dernière bataille de Mburabuturo à Kigali. D’autres ont été utilisées
dans les dernières attaques de Bisesero et d’autres enfin sont allées
grossir le nombre d’armes déjà existant aux mains des Interahamwe
dans les différentes communes aux alentours de Gisenyi. 40
Notons que ce témoignage figure dans le rapport Mucyo lui-même, mais il
est ajouté : « Ils (les Français) sont arrivés à Gisenyi vers 16 h et sont allés
au stade Umuganda. C’était au mois de mai ». C’est en contradiction avec ce
passage en annexes qui précise fin juin 1994. C’est cette version qui est la plus
vraisemblable, la présence des Français à Gisenyi étant attestée le 25 juin. 41
La distribution des armes au stade Umuganda de Gisenyi, leur destination
pour les combats de la colline Mburabuturo et Bisesero font penser aux armes en
provenance des Seychelles. Relevons que Marcel Bivugabagabo réside en France.
5.2
Jean-Damascène Uzabakiriho, milicien Turihose
Jean-Damascène Uzabakiriho a été formé avant le génocide au camp Mukamira en présence de militaires français. Membre des Turihose (« Nous sommes
partout »), il a été intégré dans l’armée au cours du génocide. Auditionné le
25 janvier 2007, il fait état de plusieurs livraisons d’armes arrivées par avion à
Goma :
Fin avril 1994, vers le 29 avril, les Français sont venus avec Bizumuremyi, nous ont pris pour aller décharger des armes à l’aéroport de
Goma. Nous sommes partis protégés par eux, le s/lieutenant Théophile et le s/lieutenant Bizumuremyi. Lorsque nous sommes arrivés à
l’aéroport de Goma, nous avons déchargé de l’avion les armes contenues dans des longues caisses à pancartes de houe et nous les avons
chargées dans les camions de Kabuga. Après le déchargement, nous
les avons amenées au camp militaire de Gisenyi. Ils ont commencé à
40. Jean de Dieu Mucyo, Annexes au rapport de la Commission nationale indépendante
sur le rôle de l’État français dans le génocide, Mucyo, 15 novembre 2007, p. 131. http:
//francegenocidetutsi.org/AnnexesRapportMucyo071115.pdf
41. Barthélemy Bossongo, Les troupes françaises consolident leurs positions à Gisenyi où est réfugié le gouvernement intérimaire rwandais, AFP, 25 Juin 1994. http://
francegenocidetutsi.org/TroupesFrancaisesGisenyiAFP25juin1994.pdf
5
TÉMOIGNAGES À LA COMMISSION MUCYO
15
nous les distribuer disant que nous sommes presque militaires et nous
avons reçu des uniformes, des Kalachnikov. Certaines ont été données aux chefs du parti politique MRND et aux civils qui venaient
de recevoir des formations militaires au stade Umuganda, d’autres
aux Interahamwe locaux de la préfecture. Jean-Paul Nturanyenabo
était aussi présent. Le Major Nubaha a aussi reçu des armes et les a
distribuées à Kibilira [commune Kibilira dans la préfecture de Gisenyi]. Des militaires français étaient présents pendant la distribution
de ces armes. C’était des Karachnikov Para qui lancent des grenades.
Au mois de mai, nous avons encore déchargé des armes vers des camions de civils et les avons amenées au camp Gisenyi. Certaines ont
été distribuées à la préfecture, que ce soit les fusils Kalachnikov, les
munitions, les uniformes militaires, ainsi que les bottes françaises
que l’on appelait Rugaci. 42
Une de ces livraisons d’armes à Goma provenait-elle des Seychelles ? Il est
question du mois de mai et pas de juin. Mais il faut tenir compte que ces gens-là
ne tenaient pas leur journal par écrit comme le Premier ministre Kambanda.
Il dit aussi qu’il a fait partie des miliciens de Gisenyi qui sont allés combattre
à Bisesero :
À cette époque, ces armes étaient aussi distribuées aux Interahamwe qui allaient combattre à Kigali, Gitarama et Bisesero, car au
mois de juin les tueries se sont accentuées. À cette période, Édouard
Karemera a demandé à ce que lui soient envoyé des renforts à Kibuye
et on a choisi parmi les Interahamwe qui étaient au camp militaire
de Gisenyi. Nous avons alors reçu de nouveaux uniformes, même les
Interahamwe ont reçu des tenues militaires, puis nous sommes partis avec des gendarmes combattre à Bisesero. Nous étions dans 3
bus et deux camions militaires. Les autres sont partis en taxi. Nous
étions très nombreux, et quand nous sommes arrivés à Kibuye, nous
sommes entrés dans le camp de gendarmerie situé sur la route vers
Cyangugu, près de l’église.
J’ai vu également au mois de juin des militaires français parmi
ceux qui nous ont accueillis et donné l’ordre aux militaires de nous
déployer, certains en ville, d’autres à Bisesero. Nous assurions le
contrôle de la ville pour éviter qu’il puisse y avoir de fuite des Tutsi
qui passeraient par l’eau. Nous allions au stade Agatwaro, à l’hôpital,
et les Français séjournaient à Nyamishaba et nous avons continué à
opérer à Bétanie pour vérifier s’il n’y avait pas des Tutsi cachés dans
la petite forêt d’eucalyptus. Ceux qui étaient partis à Bisesero ont
ramené au camp militaire les cadavres des militaires tués dont celui
de Nkunzurwanda. Les Français sont venus voir, déplorant que nos
42. Jean de Dieu Mucyo, Annexes au rapport de la Commission nationale indépendante
sur le rôle de l’État français dans le génocide, Mucyo, 15 novembre 2007, p. 54. http://
francegenocidetutsi.org/AnnexesRapportMucyo071115.pdf
5
TÉMOIGNAGES À LA COMMISSION MUCYO
16
frères aient été tués à Bisesero mais ils estimaient que les tueries de
Bisesero étaient une juste revanche sur l’ennemi. 43
Le témoin donne des détails assez précis sur Kibuye. Il est vrai que les Tutsi
de Bisesero ont tué un « lieutenant » originaire de Gisenyi qui les attaquait. 44
5.3
Orosse Nisengwe, Interahamwe
Orosse Nisengwe est un ancien Interahamwe. Il a avoué être coupable de
génocide. Il déclare à la commission Mucyo :
Le Lt Colonel Anatole Nsengiyumva, le Préfet Charles Zirimwabagabo, le Lt Habimana alias Chuk Norris et le Sgt Célestin nous
ont dit de ne pas nous décourager, que nous allions amener les armes
fournies par les militaires français. Ils nous ont fait monter dans des
bus et camions militaires. Arrivés à l’Aéroport de Goma, nous y
avons trouvé 3 avions, appartenant aux militaires Français, remplis
de caisses sur lesquelles étaient dessinées des houes alors que au fond,
il y avait des armes et des grenades. [...] Alors, les armes ont été distribuées au camp Gisenyi, au stade Umuganda, dans la commune
Kayove et dans plusieurs autres communes. 45
On ne voit pas de rapport direct dans ce témoignage avec les armes provenant
des Seychelles.
5.4
Emmanuel Nshogozabahizi, Interahamwe
Il déclare le 12 décembre 2006 :
Ce dont j’accuse les militaires français c’est qu’ils ont pris part à
la formation des Interahamwe qui ont commis des crimes au Rwanda.
Je dis cela parce que je suis parmi ceux qui ont reçu cette formation.
Je les accuse aussi d’avoir distribué des armes dans le pays, lesquelles
armes ont été utilisées pendant le génocide. Je suis parmi ceux qui
sont partis les décharger à Goma. C’est en 1994 au mois de mai.
C’est ces même armes que nous avons amenées à Kigali combattre à
Mburabuturo. [...] Nous avons traversé la frontière vers 3 h et demi
du matin, le bus dans lequel j’étais s’est dirigé vers l’hôtel Méridien
de Gisenyi. Les camions sont partis au camp militaire de Gisenyi. Il y
avait des Interahamwe qui suivaient une formation militaire au stade
Umuganda, c’est ceux-là qui ont reçu ces armes. Celles qui étaient
au Méridien, qui étaient peu nombreuses, ont été distribuées aux
personnes venues de Nyamyumba et d’une petite partie de Kayove.
43. Ibidem, p. 54-55.
44. Rakiya Omaar, Rwanda - Résistance au génocide - Bisesero, avril-juin 1994, African
Rights, 3 avril 1998, p. 40. http://francegenocidetutsi.org/ResistanceAuGenocide.pdf
45. République du Rwanda, Commission nationale indépendante chargée de rassembler les
preuves montrant l’implication de l’État français dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994
(dite commission Mucyo), Rapport, 15 novembre 2007, p. 167. http://francegenocidetutsi.
org/RapportMucyo15novembre2007.pdf
6
UTILISATION DE CES ARMES À MBURABUTURO ?
17
Des armes débarquées à Goma et confiées à des miliciens de Gisenyi pour
aller combattre à Mburabuturo, cela invite à penser qu’il s’agit des armes en
provenance des Seychelles.
Ces témoignages accusent les militaires français. On peut les mettre en doute.
Mais un fait est indiscutable. Les Français ont été témoins de l’arrivée de ces
armes à Goma et de leur distribution au Rwanda, car ils sont allés à Gisenyi
dès le 24 juin. Ceci a été fait en violation de l’embargo et en connaissance du
fait que l’armée rwandaise commettait un génocide.
6
Utilisation de ces armes à Mburabuturo ?
Les témoins ZF, DCH, ABQ, Emmanuel Nshogozabahizi et Jean-Paul Nturanyenabo affirment tous que des armes débarquées à l’aéroport de Goma ont
équipé des miliciens envoyés au mois de juin 1994 se battre à la colline Mburabuturo à Kigali.
Le témoin HN confirme que le général Kabiligi, G3 FAR, a rédigé « un message dans lequel il donnait instruction d’envoyer les Interahamwe qui contrôlaient les barrages routiers à Mburabuturo prêter main forte à l’armée dans les
combats qui l’opposaient au FPR ». 46
Il est très probable que les armes qui équipaient ces miliciens proviennent
des Seychelles.
7
Utilisation de ces armes à Bisesero ?
Le 2 juin 1994, Clément Kayishema, préfet de Kibuye, demande des renforts
militaires au ministre de l’Intérieur, ainsi que des fusils et des munitions, en
raison d’une « attaque du FPR sur Kibuye ». 47
Le 12 juin suivant, Clément Kayishema adresse au ministère de la Défense
la lettre suivante :
Subsidairement à mon télégramme du 9/6/94 adressé au ministre
Mininter et dont copie vous a été réservée,
Pour la sécurité du secteur Bisesero Commune Gishyita, la population de la région est déterminée à faire le ratissage dans le cadre
de la défense civile.
J’ai l’honneur de vous demander de donner un ordre formel au
Commandant Groupement Kibuye pour assurer l’encadrement de
cette action.
46. Le Procureur c. Théoneste Bagosora, Gratien Kabiligi, Aloys Ntabakuze, Anatole Nsengiyumva. Jugement portant condamnation. Affaire no ICTR-98-41-T, 18 décembre 2008, section 483, p. 170. http://francegenocidetutsi.org/BagosoraJudgment-fr.pdf
47. Dr Kayishema Clément, Préfet de Kibuye au Ministre MININTER Kigali, 2 juin
1994, No 003/04.09.01, Situation de sécurité dans la préfecture de Kibuye pour la semaine du 29.5.1994 au 2.6.1994. Cf. TPIR, Procès Kayishema, Exh. 340, K0040772 http:
//francegenocidetutsi.org/SecurityReportKibuyeJune1994.pdf
7
UTILISATION DE CES ARMES À BISESERO ?
18
La durée de l’opération est de quatre jours du 15/06/94 au
18/06/94. Pour mener cette opération, il nous faut des munitions :
- grenades à fusils au moins 30
- grandes [grenades] à main au moins 50
- cartouches pour R4
- 4 cassettes pour machine gun.
Très haute considération
Préfet de Préfecture Kibuye
Dr KAYISHEMA Clément 48
Nous observons que ce ratissage se fait « dans le cadre de la défense civile ».
Le Gouvernement intérimaire, réuni à Muramba (Gisenyi), décide le 17 juin
d’une opération de ratissage dans le secteur de Bisesero. Pauline Nyiramasuhuko, milistre de la Famille, note dans son agenda :
Situation sur terrain (militaire, défense civile, déplacés de guerre,
politique et diplomatique)
Manque d’armement
Problème des Inyenzi dans la région de Bisesero secteur Bisesero,
commune Gishyita
Rwamatamu et major Jabo empêchent une action concertée pour
en venir à bout [...] 49
Karongi : pas gardé
Usine à thé de Gisovu n’a que 2 gendarmes. Les réservistes devraient garder ces deux endroits : 20 personnes
Kuwisumo Projet GTZ Abasesero, ce sont des anciens éclaireurs
guerriers féodaux. 50 Chez le FPR Polisi Denis... 51 Rwigara sont de
la région et Bisesero a été choisi par Biseruka (Stanislas) 52 car connu
par lui comme coin stratégique. Gisenyi sera attaqué depuis Bisesero
et Kabuhanga < Gisenyi >. Il faut une opération musclée. Gisenyi
n’a qu’un seul bataillon, le 42e bataillon. (...) 53
Suite à ce Conseil des ministres du 17 juin, le ministre de l’Intérieur, Édouard
Karemera, demande par une lettre en date du 18 juin au commandant du secteur
opérationnel de Gisenyi, le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, « d’appuyer
48. Clément Kayishema, Télégramme au ministre de la Défense, 12 juin 1994. Trouvé à
la préfecture de Kibuye par Alain Ribaux, enquêteur du TPIR, présenté comme pièce à
conviction no 296 dans l’affaire Clément Kayishema - Obed Ruzindana à la séance du 16
février 1998. http://francegenocidetutsi.org/KayishemaToMinisterOfDefence12June1994.
pdf Cf. Ubutabera no 31, 2 mars 1998 ; Jugement de Kayishema au TPIR, V. Conclusions
factuelles, section 428.
49. Le major Jabo, commandant du groupement de gendarmerie de Kibuye aurait été réticent ou opposé aux massacres.
50. Les Tutsi de la région de Bisesero sont appelés les Abasesero. Ce sont des éleveurs, très
solidaires entre eux, qui ont su se défendre contre les pogroms anti-Tutsi depuis 1959.
51. Denis Polisi est vice-président adjoint du Front patriotique rwandais.
52. Le commandant Stanislas Biseruka est arrêté en 1980. Il est libéré de la prison de
Ruhengeri par le FPR en janvier 1991 et s’enfuit avec lui.
53. André Guichaoua [4, pp. 416-417]. http://francegenocidetutsi.org/Annexe_76.pdf#
page=85
7
UTILISATION DE CES ARMES À BISESERO ?
19
le groupement de la gendarmerie à Kibuye pour mener, avec l’appui de la population, l’opération de ratissage dans le secteur Bisesero de la commune Gishiyita
qui est devenu un sanctuaire du FPR ». 54
Édouard Karemera note dans son cahier :
Réunion du Conseil des Ministres du 17.06.1994
Décisions prises :
1°) Le gvt décide qu’une intervention musclée soit faite à BISESERO au besoin avec l’appui de GISENYI et ce, au plus tard le
20/06/1994.
2°) Pour la protection des infrastructures économiques dans la
zone de la Crête, le gouvernement décide qu’il y a lieu d’écrire
aux responsables de ces unités (Électrogaz - Usine à thé Gisovu Karongi-antenne - Projet Crête Zaïre-Nil) ; Il faut recruter des gendarmes [rayé] réservistes à payer sur le budget du gvt au besoin et le
gvt va disponibliser les armes sur la commande faite dans le cadre
de l’autodéfense civile. 55
Karemera affirme qu’une partie des armes commandées dans le cadre de
l’autodéfense civile est destinée au secteur Bisesero. Considérant ce qu’a noté et
dit le Premier ministre Jean Kambanda, 56 il y a lieu de penser qu’il s’agit des
armes en provenance des Seychelles.
Karemera passe lui-même à Kibuye les 20 et 23 juin. Il reste à Kibuye jusqu’au 25 pour y accueillir le cardinal Etchegaray. 57
Le colonel Anatole Nsengiyumva reconnaît avoir reçu cette lettre de Karemera mais affirme qu’il n’a pas envoyé de militaires à Bisesero. Il confirme qu’il
y a des éléments du FPR à Bisesero :
Nsengiyumva a nié avoir participé à une réunion tenue en juin
1994 à l’hôtel Méridien en vue de mobiliser des fonds destinés à financer une attaque à Bisesero. Il a toutefois reconnu que le 19 juin,
il avait reçu du Ministre Édouard Karemera un télégramme lui enjoignant d’envoyer des troupes à Bisesero pour aider la gendarmerie
et la population à « ... mener une opération de ratissage à Bisesero
où il y avait des éléments du FPR ». Nsengiyumva a soutenu qu’il
n’avait jamais envoyé de militaires à Bisesero pour la bonne raison
qu’il recevait ses ordres du chef d’état-major et non d’un ministre du
Gouvernement. Il a ajouté que Bisesero ne faisait pas partie de son
secteur opérationnel et qu’il ne disposait pas de troupes de réserve.
Il a indiqué qu’un jour ou deux après qu’il eut reçu le télégramme
54. Édouard Karemera, ministre de l’Intérieur, au colonel Nsengiyumva, Gisenyi, 18 juin
1994. Objet : Opération de ratissage à Kibuye. Cf. ICTR-98-41-T, Exh. P.50 (a). http://
francegenocidetutsi.org/KaremeraNsengiyumva18juin1994TPIR.pdf
55. André Guichaoua, Annexe 117 : Le carnet de notes d’Édouard Karemera (traduction
française suivie de l’original), TPIR, 2010, pp. 6, 26. http://francegenocidetutsi.org/
Annexe_117.pdf . Le mot « armes » est souligné dans le texte.
56. Voir section 3.2 page 5.
57. Ibidem, pp. 9-10.
7
UTILISATION DE CES ARMES À BISESERO ?
20
en question, le chef d’état-major était arrivé à Gisenyi et à la suite
d’un entretien qu’il avait eu avec lui, il s’était engagé à résoudre le
problème. 58
Dans une lettre du 20 juin 1994 au préfet de Kibuye, Édouard Karemera, ministre de l’Intérieur, l’informe « qu’en ce qui concerne l’opération de ratissage à
effectuer dans le secteur Bisesero, le Conseil des Ministres du 17/06/1994 a demandé au commandant de secteur Gisenyi d’appuyer le Groupement de la Gendarmerie Kibuye pour mener l’opération au plus tard le 20/06/1994 ». Il précise
que « le Ministre de la Défense, faisant suite à ma lettre du 18 Juin 1994 dont
une copie vous a été réservée a confirmé les mêmes instructions par télégramme
envoyé aux Etats majors de l’Armée et de la Gendarmerie ce 20/06/1994 ». 59
Ce fait balaie l’argument de Nsengiyumva selon lequel il n’avait pas d’ordre à
recevoir du ministre de l’Intérieur.
Le colonel Nsengiyumva n’a sans doute pas manqué d’informer le colonel
Rosier qui le rencontre le 23 juin 60 de la présence du FPR à Bisesero. Les
troupes françaises laisseront faire ce « ratissage » jusqu’au 30 juin.
Lors du sauvetage tardif des survivants par les Français le 30 juin, l’armée
rwandaise continue à distribuer des armes, ainsi que le rapporte Corine Lesnes
dans Le Monde :
A une centaine de mètres du camp de fortune, les militaires [français] montent la garde et observent à travers la lunette de visée de
leurs fusils les silhouettes qui se découpent sur la ligne de crête, ils
n’ont pas quitté les lieux depuis la veille. Les hommes sont armés
de lances, de machettes et de kalachnikovs. « Tiens, signale un soldat. Ils viennent de descendre jusqu’aux sapins ». Sous une pluie
battante, la radio du véhicule donne une information préoccupante :
« Au village en bas, l’armée rwandaise a distribué des munitions ». 61
Il y a fort à penser que ces armes proviennent de la livraison récente à
l’aéroport de Goma.
Dans le cas de Bisesero où l’ennemi était constitué de civils tutsi traqués
depuis presque trois mois, les armes à feu n’équipaient que des soldats des FAR,
des gendarmes ou des policiers. Les miliciens et les paysans étant en général
munis d’armes blanches. Donc si des armes en provenance des Seychelles sont
parvenues à Bisesero, elles équipaient des soldats ou des gendarmes. C’est ce
que montre au demeurant l’analyse de photos.
58. Le Procureur c. Théoneste Bagosora, Gratien Kabiligi, Aloys Ntabakuze, Anatole Nsengiyumva. Jugement portant condamnation. Affaire no ICTR-98-41-T, 18 décembre 2008, section 1804, p. http://francegenocidetutsi.org/BagosoraJudgment-fr.pdf
59. Édouard Karemera, Lettre au Préfet de Kibuye - Objet : Protection des Projets et Infrastructures de Dévelopment, Min. Intérieur Kigali, 20 juin 1994. http://francegenocidetutsi.
org/KaremeraKayishema20juin1994.pdf
60. Jacques Rosier, Fax au général Le Page, 23 juin 1994, 7 h 30.
61. Corine Lesnes, Les soldats français débusquent des morts vivants, Le Monde, 3 juillet
1994, p. 5. http://francegenocidetutsi.org/Lesnes3juillet1994.pdf
8
ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES
8
8.1
21
Analyse de photographies
Benoît Gysembergh
Benoît Gysembergh de Paris Match a couvert le début de l’opération Turquoise avec Michel Peyrard. Il est mort le 3 mai 2013.
Figure 2 – Militaire FAR ou milicien armé d’une Kalachnikov AK 47 M70
Ab 1 ou 2 (type yougoslave) avec une grenade à fusil M60 antipersonnel (type
yougoslave). Benoît Gysembergh (Paris Match)
Le soldat des FAR ou milicien en figure 2 page 21 porte une Kalachnikov
AK 47 de fabrication yougoslave appelée aussi Zastava M70. Il est équipé d’une
grenade à fusil M60 antipersonnel à empennage. 62 À la couleur près, cette grenade ressemble à une grenade M60 présentée en figure 3 page 24. Cet armement
pourrait provenir de la livraison des Seychelles. Nous n’avons ni légende pour
cette photo, ni date, ni lieu. L’homme semblant porter un uniforme kaki et une
cordelette commando à la ceinture serait plutôt un soldat des FAR. Le pont
métallique ressemble au pont de la Rusizi qui sépare les villes de Cyangugu au
Rwanda et de Bukavu au Zaïre. Gysembergh a pris une photo du colonel Didier
Tauzin alias Thibaut au camp de Nyarushishi le 23 juin 1994 publiée dans Paris
Match du 7 juillet. La date de cette photo de l’homme à la Kalachnikov serait
entre les 23 et 25 juin.
L’autre photo de Benoît Gysembergh en figure 4 page 25 est sans hésitation du 30 juin 1994. Elle montre le capitaine du 13e RDP, Olivier Dunant,
discutant avec le conducteur d’un pickup Toyota blanc portant sur son plateau
cinq soldats. Quatre sont en tenue camouflée. Ce sont des soldats des FAR. Le
62. Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Zastava_M70.
8
ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES
22
cinquième porte un manteau de fourrure. On voit mal leur armement, il semble
qu’il y ait deux types d’armes, AK 47 et R4 (Galil fabriqué en Afrique).
8.2
Sam Kiley
Sam Kiley est un reporter britannique du journal The Times. Sa photo en
figure 5 page 26 montre la même scène du 30 juin 1994 à Bisesero mais le
pickup Toyota s’est éloigné et Olivier Dunant n’est plus visible. On distingue
une grenade à fusil à ailette blanche qui se profile sur le parebrise de la Peugot
P4 au fond à droite. C’est une grenade M60. Elle est du même type que celle
de l’homme à la Kalachnikov de Gysembergh figure 2 page 21.
8.3
Thierry Prungnaud
Thierry Prungnaud est un adjudant-chef du GIGN placé, comme le groupe
d’Olivier Dunant, sous les ordres de Marin Gillier des commandos de marine.
Alors que leur chef Marin Gillier les a quittés au bureau communal de Gisovu pour aller voir à Mukungu le prêtre français Jean-Baptiste Mendiondo,
eux sont redescendus à Bisesero et ont rencontré des survivants tutsi qu’ils se
sont mis à protéger comme le montre les deux photos de Gysembergh et Kiley
qui précèdent. Cette photo que nous a remise Thierry Prungnaud en figure 6
page 27 montre deux hommes armés à l’arrière d’un pickup. Ils semblent être en
uniformes militaires. L’un porte une Kalachnikov de type Zastava M70. On distingue à l’extrémité du fusil le manchon cannelé support de grenade. Il tient une
grenade à fusil M60 à ailette blanche. Cette arme pourrait également provenir
de la livraison en provenance des Seychelles. Cette photo serait aussi du 30 juin
1994. Le véhicule est un pickup différent du Toyota blanc vu précédemment.
8.4
José Nicolas
La photo de José Nicolas figure 7 page 28 montre un milicien armé d’une
Kalachnikov à crosse en bois. Elle ressemble à la version chinoise de l’AK 47
dénommé fusil d’assaut Type 56. 63 . Un deuxième chargeur est fixé au premier
par des élastiques. L’arme semble plutôt neuve. La photo est prise le 2 juillet
1994 sur la route de Butare. Notons que le 1er juillet le détachement du 1er
RPIMa s’est installé à Gikongoro et a fait une incursion à Butare qui s’est
terminée dans la nuit du 1 au 2 juillet par un retrait précipité. La photo a pu
être prise aux alentours de Gikongoro.
Une autre photo de José Nicolas figure 8 page 29 montre un contrôle fait
par un milicien armé d’une Kalachnikov du même type. Il la date du 24 juin. À
bien examiner la casquette et le vêtement du milicien, on constate qu’il s’agit
du même personnage. La date de la photo doit être plutôt du 2 juillet, car le
24 juin, la population ne fuyait pas encore. L’arme est donc la même. C’est une
AK 47 de type 56 de fabrication chinoise. Il serait possible – mais non prouvé –
63. Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fusil_Type_56
8
ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES
23
que cette arme provienne aussi de la livraison des Seychelles, car le bateau saisi,
le « Malo », aurait accosté dans un port albanais et l’Albanie avait des armes
d’origine chinoise.
La troisième photo de José Nicolas figure 9 page 30 montre des militaires des
FAR en tenue camouflée courant sur une route goudronnée. Elle est datée du 24
juin. Ils portent une arme à l’épaule qui semblent également être des AK 47 de
type 56 de fabrication chinoise à voir leur crosse en bois. Ces armes paraissent
neuves.
8
ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES
Figure 3 – Grenade à fusil M60 AP type yougoslave
24
8
ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES
Figure 4 – Benoît Gysembergh - Bisesero 30 juin 1994
25
8
ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES
Figure 5 – Sam Kiley - Bisesero 30 juin 1994
26
8
ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES
Figure 6 – Thierry Prungnaud - Bisesero 30 juin 1994
27
8
ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES
28
Figure 7 – Rwanda : Contrôle des pièces d’identité par les milices hutu sur la
route de Butare. Source : José Nicolas 2 juillet 1994
8
ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES
29
Figure 8 – Milices hutus contrôlent [sic] des réfugiés se dirigeant vers la frontière. Source : José Nicolas 24 juin 1994
8
ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES
30
Figure 9 – Rwanda : des militaires hutu des FAR s’entraînent sur une route
près du lac. Source : José Nicolas 24 juin 1994
9
CES ARMES ONT SERVI À LA GUERRE OU AU GÉNOCIDE ?
9
31
Ces armes ont servi à la guerre ou au génocide ?
Un acccord de paix avait été signé entre le FPR et le gouvernement rwandais
en août 1993. Le président Habyarimana avait différé la mise en place des nouvelles institutions jusqu’au sommet régional de Dar-es-Salaam du 6 avril 1994
où il s’engagea à les mettre en place. C’est probablement pour cette raison que
les extrémistes opposés à ces accords ont entrepris de l’assassiner en abattant
son avion à son retour à Kigali. En effet, les non-lieux en faveur des Rwandais
mis en examen demandés par les juges d’instruction chargés en France de l’enquête sur cet attentat excluent définitivement la responsabilité du FPR dans ce
crime. 64
Le génocide contre les Tutsi a été déclenché dans la nuit du 6 au 7 avril
1994. L’offensive du FPR n’a démarré que le soir du 8 avril alors que le général
Dallaire, commandant des Casques bleus présents sur place, refusait d’intervenir contre les massacres et qu’un nouveau gouvernement était mis en place en
violation des accords de paix d’Arusha.
Le bataillon du FPR stationné au CND à Kigali en vertu de ces accords a
été attaqué dès le matin du 7. Il a fait une sortie le 7 à 16 heures pour dégager
les abords et éviter d’être étranglé. La guerre, c’est-à-dire l’attaque du FPR
contre les forces commettant le génocide, est une conséquence du génocide et
non la cause. Le FPR est la seule force à s’être opposée au génocide ainsi qu’il l’a
déclaré dans une lettre du 13 avril 1994 au président du Conseil de sécurité. 65
Cependant, pendant tout le génocide, le Conseil de sécurité des Nations
unies s’est refusé à le reconnaître et n’a voulu voir qu’une guerre. Ce n’est
qu’en novembre 1994, 66 en instituant un tribunal pour juger les coupables de
ce génocide, que le Conseil de sécurité des Nations unies a reconnu qu’il y a eu
un génocide contre les Tutsi et qu’il a commencé le 7 avril 1994.
Dans la région Ouest, celle de Kibuye, Bisesero, Gikongoro, il n’y a pas pu y
avoir de « guerre » puisque le FPR n’y est pas parvenu avant la fin août 1994.
Il n’y a eu que des massacres.
10
Les massacres de Tutsi continuaient-ils fin
juin 1994 ?
En juin 1994, il y avait toujours des massacres, en voici quelques exemples :
64. Nicolas Renucci, Réquisitoire définitif aux fins de non-lieu, TGI Paris, 10 octobre
2018. http://francegenocidetutsi.org/RequisitoireNonLieu10octobre2018.pdf ; JeanMarc Herbaut, Ordonnance de non-lieu, TGI Paris, 21 décembre 2018.
65. Claude Dusaïdi à Colin Keating, New York, 13 avril 1994. Cf. From Annan to BoohBooh/Dallaire, 13 April 1994, TPIR, Case No : ICTR 98-41-T Exhibit No : DNT 107
Date admitted : 13-5-2005 Tendered by : Defence Name of witness : H. Strizek. http:
//francegenocidetutsi.org/DusaidiKeating13avril1994Genocide.pdf
66. ONU, S/RES/955 (1994), 8 novembre 1994. http://francegenocidetutsi.org/94s955.
pdf
11
CONCLUSION
32
- Le 10 juin, massacre de 170 personnes à l’orphelinat du père Blanchard à
Nyamirambo, Kigali. 67
- Le 14 juin, 53 jeunes Tutsi à l’église de la Sainte-Famille sont enlevés et
massacrés par des miliciens qui ont au préalable séquestré et menacé de mort
des Casques bleus. 68
- Le 17 juin, massacre de 70 Tutsi à l’église Sainte-Famille à Kigali en représailles à l’évacuation réussie de réfugiés du centre Saint-Paul par le FPR. 69
- Le 17 juin, assassinat d’André Kameya, rédacteur de Rwanda-Rushya et
membre du Parti libéral. 70
- Le 21 juin, le Premier ministre Jean Kambanda vient en visite à Kigali. 71
L’orphelinat de Damas Gisimba à Nyamirambo est encerclé en son absence par
une centaine d’Interahamwe qui attendent l’ordre de massacrer les enfants et les
adultes tutsi qui s’y cachent. Mais la présence d’un américain, Carl Wilkens, les
en empêche. Apprenant la présence du Premier ministre, Wilkens va le trouver
chez le préfet et obtient l’annulation de l’attaque. 72
- Les 27-30 juin, de grands massacres sont organisés à Bisesero. 73
- le 29 juin, un couple de Tutsi est exécuté à Kibuye sur l’ordre du ministre
de l’Information, Eliezer Niyitegeka.
11
Conclusion
Il est certain que les armes provenant des Seychelles et payées par l’entremise
de la BNP ont servi à la défense civile comme l’attestent le Premier ministre
Jean Kambanda et le ministre de l’Intérieur Édouard Karemera. C’est dans le
cadre de la défense civile que la plupart des massacres de Tutsi ont été exécutés. Ces armes auraient équipé des miliciens envoyés de Gisenyi à Kigali pour
participer aux combats sur la colline Mburabuturo, un des derniers actes de
résistance de l’armée gouvernementale rwandaise qui a déclenché le génocide.
Ces armes auraient aussi équipé des gendarmes ou soldats des FAR envoyés à
Bisesero. Des photos montrent des soldats des FAR équipés de Kalachnikov AK
47 de fabrication yougoslave appelées Zastava M70 dont certaines équipées de
grenades à fusil M60. D’autres les montrent munis de Kalachnikov de type 56
de fabrication chinoise. Ces armes visibles sur des photos pourraient faire partie
des cargaisons venues des Seychelles, sans que cela soit certain.
67. Jean Chatain, Rwanda : massacre à l’orphelinat, L’Humanité, 13 juin 1994.
68. M. Mas [5, p. 418].
69. Jean-Philippe Ceppi, On a fini par prendre Kigali, Libération, 5 juillet 1994.
70. Rwanda : Death, Despair and Defiance [1, pp. 202-203].
71. Agenda Quo Vadis de Jean Kambanda, 20-22 juin. http://francegenocidetutsi.
org/Annexe_111-1.pdf Roméo Dallaire, Evening Sitrep, MINUAR, June 21, 1994. http:
//francegenocidetutsi.org/NSAEBB466-19940621e.pdf
72. « A True Humanitarian » - A tribute to Carl Wilkens, African Rights, 31 décembre
2006, pp. 11-12. http://francegenocidetutsi.org/TributetoCarlWilkens.pdf
73. Vénuste Kayimahe, Jacques Morel, Enquête sur les victimes tuées au Rwanda
durant l’opération Turquoise. Cas de la région de Bisesero , 25 juin 2014. http://
francegenocidetutsi.org/BiseseroEnquete2013Analyse.pdf
RÉFÉRENCES
33
Je remercie Guillaume Ancel et ses amis, ainsi que Jean-François Dupaquier
et José Nicolas pour leur aide.
Références
[1] African Rights : Rwanda : Death, Despair and Defiance. African Rights,
P.O. Box 18368, London EC4A 4JE, 1995. 1re édition, septembre 1994.
[2] Jean-François Dupaquier : L’agenda du génocide. Le témoignage de Richard Mugenzi, ex-espion rwandais. Karthala, septembre 2010.
[3] Jean-François Dupaquier : Les Seychelles, l’envers de la carte postale.
Karthala, avril 2019.
[4] André Guichaoua : Rwanda 1994 - Les politiques du génocide à Butare.
Karthala, 2005.
[5] Monique Mas : Paris-Kigali 1990-1994 ; Lunettes coloniales, politique du
sabre et onction humanitaire pour un génocide en Afrique. L’Harmattan,
1999.
[6] Paul Quilès : Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994. Assemblée nationale, rapport no 1271, http://www.assemblee-nationale.fr/
dossiers/rwanda.asp, 15 décembre 1998. Mission d’information de la commission de la Défense nationale et des Forces armées et de la commission
des Affaires étrangères, sur les opérations militaires menées par la France,
d’autres pays et l’ONU au Rwanda entre 1990 et 1994.