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Nicolas Sarkozy a été entendu par la Cour de justice de la République (CJR) dans le volet de l’affaire dite « de Karachi », a-t-on appris jeudi 1er juin de source proche du dossier. L’ancien chef de l’Etat était interrogé comme témoin sur le financement présumé occulte de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995.
« Il a été entendu début mai pendant plusieurs heures par la commission d’instruction de la CJR », a précisé cette source, confirmant une information du Parisien.
Lundi dernier, Edouard Balladur a été mis en examen pour « complicité d’abus de biens sociaux et recel » par la CJR, saisie depuis juin 2014 pour enquêter sur le rôle joué par l’ancien premier ministre et son ministre de la défense à l’époque, François Léotard.
Témoin assisté
Lorsqu’il était premier ministre (1993-1995), Edouard Balladur avait mis en place un système de commissions pour faciliter la conclusion de contrats d’armement – sous-marins et frégates – avec le Pakistan et l’Arabie saoudite. Ces pots-de-vin, légaux à l’époque, étaient pudiquement appelés « frais commerciaux exceptionnels ».
Rien d’illégal. Mais les juges soupçonnent qu’une partie de l’argent reçu par des intermédiaires soit revenu à Edouard Balladur (ce sont les fameuses « rétrocommissions »), via des sociétés écrans, afin de financer illégalement sa campagne pour l’élection présidentielle de 1995.
L’enquête antiterroriste sur l’attentat de Karachi en 2002 (15 morts, dont 11 Français) avait mis la justice sur la piste de ce financement occulte de la campagne de 1995. Une seconde enquête avait alors été ouverte en 2011 sur ce volet financier, confiée aux juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire. En 2014, ces magistrats s’étaient dessaisis des cas d’Edouard Balladur et de son ministre de la défense de l’époque, François Léotard, au profit de la CJR, seule instance habilitée à juger des délits commis par des membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions.
Ils avaient, par ailleurs, renvoyé devant le tribunal correctionnel six protagonistes, dont Nicolas Bazire, ex-directeur de la campagne, Thierry Gaubert, alors membre du cabinet de Nicolas Sarkozy, et l’intermédiaire Ziad Takieddine. Ce renvoi, validé en appel en janvier après deux années de péripéties judiciaires, fait l’objet d’un pourvoi en cassation et une question prioritaire de constitutionnalité sera examinée en juin, retardant encore l’échéance d’un procès.
Dans cette affaire, le cas de Nicolas Sarkozy reste en suspens. Les juges Van Ruymbeke et Le Loire estiment qu’il revenait à la CJR de l’entendre sous le statut de témoin assisté. Il est reproché à M. Sarkozy, ministre du budget en 1995, d’avoir donné son feu vert à la conclusion des contrats controversés, contre l’avis de sa propre administration. La CJR pourrait donc chercher à recueillir ses explications, voire le mettre en examen.