Fiche du document numéro 24340

Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Num
24340
Date
Vendredi 29 avril 2019
Amj
Auteur
Fichier
Taille
141356
Pages
3
Urlorg
Titre
Rwanda : les décisions du président Macron
Sous titre
Dans le cadre des commémorations du génocide des Tutsis au Rwanda, Serge Dupuis analyse les récentes décisions du président français et revient à cette occasion sur l’instrumentalisation politique du génocide par le régime de Paul Kagame.
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Note
Langue
FR
Citation
La période de commémoration du génocide des Rwandais tutsis organisé et perpétré par un groupe de politiciens et militaires extrémistes hutus au printemps 1994 aura vu le président Macron prendre en la matière deux décisions importantes et pertinentes.

I - Une commission bienvenue



Il a tout d’abord créé une commission d’historiens chargée en particulier d’analyser le rôle et l’engagement de la France durant la période pré-génocidaire et le génocide. Cette commission aura accès à l’ensemble des fonds d’archives français concernant la question. Même si l’on ne peut préjuger des conditions dans lesquelles il sera donné à celle-ci d’accomplir sa tâche, l’on peut pour l’instant prendre acte que le président a manifesté la détermination de l’État, à son plus haut niveau, de faire œuvre de vérité en revenant en profondeur sur un épisode controversé de l’histoire récente de notre pays.

Emmanuel Macron a eu par ailleurs la sagesse de souhaiter tenir à l’écart de la commission les spécialistes français du génocide des Tutsis, dont la création d’un comité scientifique international pourvoira cependant à la participation en cours de mandat. Le président a confié la présidence de la commission à Vincent Duclert, historien spécialiste des génocides et rompu à l’examen des archives de l’État par l’entremise de ses travaux sur l’affaire Dreyfus. Celui-ci s’est par ailleurs entouré de personnalités incontestables.

Il eut certes été préférable que des chercheurs ou historiens familiers du génocide des Tutsis, aussi bien que de l’histoire et du contexte politique et culturel rwandais, siègent au sein de la commission. Toutefois, au regard du champ de mines que constitue en France la question du Rwanda et du rôle que l’État français y joua dans les années 1990, la sérénité des travaux l’exigeait. À cet égard, la frustration exprimée par l’historien Stéphane Audouin-Rouzeau pour ne pas avoir été retenu, de même que le soutien qu’il a reçu en l’occurrence, sont apparus particulièrement déplacés. Imagine-t-on président de cette commission une personne qui, s’exprimant le 8 avril 2019 sur Radio France International, n’hésitait pas à déclarer que ce qui se trouvait dans les archives sur le Rwanda était par avance connu ? La « complicité criminelle » de la France – qu’il qualifiait curieusement de « non-intentionnelle » – est un fait avéré, assurait-il. Et il ajoutait : « On sait l’essentiel : la question, c’est de savoir quel est le degré de gravité de l’implication » de Paris. Aurait-on voulu décrédibiliser dès l’origine la commission que l’on n’aurait pas trouvé meilleur moyen que de lui en confier la présidence.

Il est vrai qu’une récente tribune de Vincent Duclert dans le journal Libération du 14 avril 2019 est à cet égard préoccupante. Elle laisse penser que l’historien entreprend son mandat dans une disposition d’esprit peu éloignée de celle de Stéphane Audouin-Rouzeau. N’y évoque-il pas la nécessité de documenter méthodiquement l’implication de la France, « à un point qui reste à définir exactement », dans le génocide, « à travers son soutien au régime génocidaire » ? Mais au moins Vincent Duclert ne s’est-il pas signalé par le passé par des textes ou des déclarations dénonciatrices extrêmes. Et il sera bien entouré.

II - Des commémorations à Kigali sans le président français



La seconde décision pertinente prise par Emmanuel Macron a consisté à ne pas s’associer aux commémorations du génocide des Tutsis à Kigali, au côté du président rwandais Paul Kagame et du parti unique au pouvoir, le Front patriotique rwandais (FPR).

La place du président d’un pays qui a joué un rôle important au Rwanda à l’époque du génocide aurait pourtant dû être, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la tragédie, auprès des rescapés. Mais il eut fallu que ces commémorations fussent organisées par ces rescapés eux-mêmes. Or, elles sont chaque année mises en œuvre au Rwanda par le FPR, c’est-à-dire par des autorités qui, pour la plupart, au moment du génocide, soit combattaient contre les Forces armées rwandaises (FAR) dans les rangs de ce qui était alors la rébellion FPR, soit se trouvaient en exil à l’étranger.

Ceci pourrait ne pas constituer un problème s’il n’y avait là une imposture. Pour avoir, ainsi qu’elles le prétendent, mis fin au génocide du groupe tutsi, les autorités rwandaises, tutsies elles-mêmes pour la plupart, se sont en effet attribué le statut de victimes, au même titre que les véritables victimes, les Tutsis de l’intérieur. Elles se sont du même coup arrogé le leadership des rescapés. Ceci appelle deux observations. D’une part, ce sont le paysan tutsi, l’homme politique tutsi, l’intellectuel tutsi, le commerçant tutsi assassinés qui furent des victimes. Le FPR ne saurait être placé au rang de celles-ci. D’autre part, l’affirmation selon laquelle la rébellion aurait mis un terme au génocide est inexacte. Durant les trois mois que durèrent les massacres, celle-ci ne cessa de privilégier sa stratégie militaire par rapport au sauvetage des Tutsis. Elle fit de la prise du pouvoir à Kigali sa priorité et choisit de ne pas aller résolument là où les Tutsis étaient le plus nombreux, dans le sud du pays. Elle choisit en outre de mener une guerre lente d’encerclement, afin de maintenir ses pertes à un niveau minimum. Si bien qu’au début du mois de juillet 1994, au moment de la prise de Kigali, qui sonna le glas du génocide, celui-ci était pour une bonne part achevé. Le FPR remporta une victoire militaire sur les forces armées du gouvernement qui organisa le génocide et sa progression mit un terme aux massacres dans les zones dont il prenait le contrôle. Mais il n’est pas conforme aux faits de prétendre qu’il mit fin à un génocide qui, en réalité, put largement s’accomplir.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024