Vingt-quatre ans après les faits, le parquet de Paris a demandé un non-lieu au terme de l’enquête sur l’attentat qui coûta la vie en avril 1994 au président rwandais Juvénal Habyarimana, a-t-on appris samedi 13 octobre de source judiciaire. Cet épisode est considéré comme le déclencheur du génocide des Tutsi au Rwanda, qui fit huit cent mille morts.
Dans son réquisitoire définitif, daté du 10 octobre, le parquet demande l’abandon des poursuites contre les sept protagonistes mis en examen, issus du clan de Paul Kagame, l’actuel président du Rwanda, estimant que l’enquête n’avait pas permis de réunir de « charges suffisantes » contre eux. La décision finale sur leur sort est désormais entre les mains des juges d’instruction.
Pour Philippe Meilhac, avocat de la veuve de l’ex-président, Agathe Habyarimana, « la position du ministère public est inacceptable » :
« Depuis dix ans, le parquet a lâché les juges d’instruction pour des raisons notamment politiques. La preuve en est que ce réquisitoire arrive précisément au moment de la nomination d’une Rwandaise (Louise Mushikiwabo) à la tête de l’organisation de la francophonie. »
Et pour les avocats des sept mis en examen, Bernard Maingain et Léon-Lef Forster, « cette étape tend à clore vingt années d’errements ».
Paul Kagame accuse la France
Le soir du 6 avril 1994, l’avion de M. Habyarimana fut abattu par au moins un missile. Trois jours plus tard, un gouvernement intérimaire, composé d’extrémistes hutu, arrive au pouvoir. Les Tutsi sont immédiatement accusés de l’attentat qui a visé l’avion présidentiel. S’en ensuivent cent jours de massacres et d’atrocités, faisant huit cent mille morts, majoritairement parmi les Tutsi.
La rébellion du Front patriotique rwandais (FPR), que dirigeait Paul Kagame, chassa en juillet 1994 le régime extrémiste hutu et mit fin au génocide. Depuis, M. Kagame — d’abord vice-président et ministre de la défense, entre 1994 et 2003, puis élu chef de l’Etat cette année-là et réélu en 2010 — reproche à la France son implication avant, pendant et après le génocide.
Au Rwanda, une commission d’enquête avait imputé la responsabilité de l’attentat aux extrémistes hutu qui voulaient se débarrasser d’un président, lui-même hutu, jugé trop modéré. Une information judiciaire avait été ouverte en 1998 à Paris à la suite de la plainte des familles de l’équipage, composé de Français.
En 2006, Kigali avait temporairement rompu ses relations avec Paris lorsque, sous l’égide du premier juge saisi, Jean-Louis Bruguière, l’enquête avait privilégié l’hypothèse d’un attentat commis par l’ex-rébellion, dirigée par Paul Kagame. Le président rwandais avait accusé en retour la France d’avoir formé les militaires qui se livrèrent au génocide. Mais Paris a toujours démenti une quelconque implication française dans les massacres.