Citation
Ils se présentent à Schaerbeek ou à Denderleeuw et sont dans une
mouvance jugée « révisionniste » vis-à-vis du génocide rwandais. La
publication des listes électorales suscite un certain émoi au sein de
la communauté rwandaise.
Plusieurs candidats portent en effet des noms qui pèsent lourd dans la
mémoire des victimes : ils sont fils et filles de personnalités de
l’ancien régime tenues pour responsables du génocide de 1994 et qui
ont été depuis lors accueillies en Belgique.
Si la nouvelle génération ne peut évidemment pas porter le fardeau des
crimes de la précédente, deux candidats ont pour particularité d’être
membres d’une association, « Jambo ASBL » que les victimes du génocide
jugent avec sévérité.
Dans ses nombreuses publications, disent-elles, Jambo News place sur
le même pied la critique, - au nom des droits de l’homme - des
agissements du régime de Kigali avec les crimes contre l’humanité
commis voici 25 ans.
La polémique a été relancée par le fait qu’une personnalité comme
Gustave Mbonyumutwa, qui préside Jambo News, s’est retrouvée sur une
liste de Défi dans le village de Saint- Georges, avant d’en être
retiré.
Mbonyumutwa est un nom qui pèse au Rwanda : Shingiro Mbonyumutwa fut
un acteur clé du parti MDR, et participa à son aile extrémiste, celle
du « hutu power ».
Site de télévision en ligne
Une autre candidate, Laure Uwase, qui figure sur les listes du CD&V à
Denderleeuw, porte elle aussi une ascendance difficile: son père
Anastase Nkundakazera fut condamné par les tribunaux rwandais «
gaçaça » pour participation au génocide et sa mère, en Belgique, est
très active sur le site de télévision en ligne « Ikondera infos »,
très populaire au sein de la diaspora rwandaise et jugée
révisionniste.
Quant à Mugabe Nizeyimana, qui figure sur les listes conjointes du CDH
et du CD&V à Schaerbeek, il est le trésorier de Jambo ASBL, une
association que le député Alain Destexhe considère comme « hypocrite »
: « Ses membres s’avancent masqués, ils évoquent sans cesse des actes
commis par le régime actuel à Kigali (NDLR : le massacre de Hutus à
Kibeho en 1995 ou des crimes commis durant les guerres du Congo) avec
le génocide lui-même ce qui revient à minimiser ce dernier. »
Pour de nombreux Tutsis survivants du génocide et résidant en
Belgique, Jambo représente une « association révisionniste ».
Régissant à une émission déjà consacrée à ce sujet par la RTBF, Mugabe
Nyiezimana dénonce des propos « qui portent atteinte à son honneur » et
il tient à rappeler, en tant qu’humaniste et en tant que Belge
originaire du Rwanda « sa reconnaissance sans réserves de l’existence
et de la réalité du génocide de 1994. (…) Ceci est un fait établi
historiquement et judiciairement et qui a été perpétré par des
militaires, des gendarmes, des civils et des responsables de partis
politiques, des Interhahamwe et des membres d’autres milices de même
que des citoyens ordinaires... »
M. Nyiezimana souligne que sa position est aussi celle de Jambo ASBL,
« une association défendant les droits de l’homme, la paix et la
justice dans la région des Grands lacs » et qu’il n’aurait « jamais
rejoint cette ASBL si cette dernière niait le génocide perpétré contre
les Tutsis, ce qui aurait été incompatible avec mes valeurs et
convictions ».
Les questions de Destexhe
Alain Destexhe, pour sa part, se demande si le CD&V et le CDH
d’aujourd’hui ont bien tiré la leçon des erreurs du passé, où l’on vit
l’Internationale démocrate chrétienne alors dirigée par André Louis
prendre fait et cause pour le régime Habyarimana, alors même que se
préparait le génocide qui allait emporter un million de Tutsis.
COLETTE BRAECKMAN