Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Citation
Face A de la cassette 13.
PD -Bonjour Monsieur Kambanda.
JK -Bonjour.
PD -Nous sommes le 26 septembre 1997, à 9 heures 56 du matin. Monsieur Kambanda, comme
chaque matin, depuis le début de l’interrogatoire, je dois vous lire les directives que j'ai à vous faire
avant de procéder à l'enregistrement. Je dois vous informer que cet interrogatoire est présentement
enregistré, que nous sommes dans une salle d’interrogatoire à Dodoma [phonétique]. Il est, comme
je viens de le dire, 9 heures 56, le 26 septembre 1997. Les personnes présentes dans la salle sont
priées, s’il vous plaît de décliner leur identité.
JK -Jean Kambanda.
MD -Marcel Desaulniers, enquêteur au Tribunal.
PD -Pierre Duclos. A la fin de cet interrogatoire on scellera les cassettes dans une enveloppe,
puis on signera tous à l’en-dos de l'enveloppe comme on a fait toutes les fois, puis aussitôt que
possible on vous donnera une copie, à vous ou à votre représentant, de ces enregistrements-là. Je dois
maintenant vous lire l’avis des droits au suspect. Qui se lit comme suit : Avis des droits au suspect.
Avant de répondre à nos questions vous devez comprendre vos droits. En vertu des articles 42 et 43
du règlement de preuve et de procédure du Tribunal pénal international pour le Rwanda, nous devons
vous informer que notre entretien est présentement enregistré et que vous avez les droits suivants.
Je m'excuse Marcel t’aurais-tu une copie qu’il va pouvoir signer lorsque j’aurai fini de la lire ?
Premièrement, vous avez le droit d’être assisté d’un avocat de votre choix ou d’obtenir les services
d’un avocat sans frais, si vous n'avez pas les moyens financiers de payer les services d’un avocat.
Vous avez le droit d’être assisté d’un interprète sans frais, si vous ne pouvez pas comprendre la
langue utilisée lors de l’entrevue. Vous avez le droit de garder le silence si vous le souhaitez. Toute
déclaration que vous ferez sera enregistrée et pourra servir de preuve contre vous. Si vous décidez
de répondre à nos questions sans la présence d’un avocat, vous pouvez arrêter l’entrevue en tout
temps, et requérir les services d’un avocat. Dans la partie renonciation aux droits, j’ai lu ou on m'a
lu, dans ce cas-ci, c’est j’ai lu, heu, on m'a lu c’est à dire, dans une langue que je comprends,
l'énoncé de mes droits. Je comprend l’étendue de mes droits. Je comprend également que ce que je
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dis est présentement enregistré. Je comprend et je parle la langue utilisée lors du présent
interrogatoire, soi directement, soi par l'intermédiaire de l'interprète qui m'a été assigné. lei, c’est
directement. Je suis prêt à répondre à vos questions et à faire une déclaration. J ’affirme en toute
connaissance de cause que je ne désire pas d'avocat à ce moment. Aucune promesse ni menace ne
m'a été faite, et aucune pression n’a été exercée sur moi. Est-ce que c’est bien ça ?
JK -Oui.
PD _Sj vous consentez, vous, comme à l’habitude, vous faites la signature du suspect, la date,
l'heure et le nom du suspect. Marcel je te demanderai de signer du côté signature du témoin s’il vous
plaît. Pendant que t’es à signer ça Marcel, je vais montrer à Monsieur Kambanda les scellés qu’on
a complétés hier après la fin de l’enregistrement. C’est bien le, le ruban numéro 12 qui porte votre
signature, les scellés, qui ont été faits à 17 heures 48, hier soir après les enregistrements. Vous vous
souvenez de ça ?
JK -Oui.
PD -Bon, il y aussi celui que je vais mettre sous clef, il y aussi le ruban numéro 11. Qui est à 16
heures 49. Même procédure. Ici, vous avez la grande enveloppe contenant les 5 rubans, copies B,
de la journée qu’on a tous signés à l’en-dos, à 17 heures 52.
JK -Oui.
PD -Vous avez l'intention de nous entretenir de quoi aujourd’hui Monsieur Kambanda ?
JK -De la mise en place du gouvernement intérimaire.
PD -Parfait. Votre texte est préparé, pouvez-vous nous en faire la lecture s’il vous plaît ?
JK _Le 8 avril 1994, à 14 heures, Monsieur Karemera, accompagné de militaires, me retrouve
chez moi et me dit que je dois les accompagner à l’école supérieure militaire, pour y participer à une
réunion. Je suis conduit dans la grande salle de cette école. J’y retrouve des officiers militaires d’un
côté qui s’identifient comme le comité militaire de crise, et de l’autre côté les représentants des partis
MRND, MDR, PL, PDC, PSD. Tous réunis, ne formant qu’un bloc. Ce sont ces mêmes partis
politiques qui avaient signés les accords pour le gouvernement de coalition, le 7 avril 1992. Du côté
militaire le Général Ndindiliyimana a ouvert l’assemblée pour laisser la parole au président du
comité militaire de crise, le Colonel Bagosora. Celui-ci expliqua qu’après avoir vérifié le décès du
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président Habyarimana, ils avaient émis un communiqué invitant la population au calme. Bagosora
expliqua qu’il voulait palier rapidement au vide institutionnel causé par la mort du président et du
premier ministre, que si nous avions été amenés devant eux c'était que nous avions été pressentis
par les autorités de nos partis pour entrer dans le gouvernement qui allait être formé. Après nous
avoir entretenu, Bagosora céda la parole au président du MRND afin qu’il nous explique les
démarches suivies pour arriver à nommer un nouveau président de la république. Il était clair pour
moi qu’en tant de guerre le pouvoir était assumé plus, beaucoup plus par les militaires que par les
politiciens. Je savais qu'avant de nous réunir le comité militaire composé, entre autres, du
Lieutenant-colonel Bizimungu, du Lieutenant-colonel Sebayire [phonétique], et d’autres
membres dont j’ai la liste quelque part, s’était réuni avec les responsables des partis politiques et
qu'ils s'étaient divisées les responsabilités. Mais je ne peux préciser exactement quand ils ont tenu
cette réunion. Du côté des représentants des partis politiques, le MRND était représenté par son
président, Mathieu Ngirumpatse, son premier vice-président Edouard Karemera, son secrétaire
nationale, Joseph Nzirorera [phonétique]. Le MDR était représenté par son deuxième vice-
président, Froduald Karamera [phonétique], son secrétaire exécutif Dona Murego [phonétiquel.
Le PSD, dont tout l'exécutif avait été éliminé était représenté par Ndumbutse François
[phonétique], et Nsengiyumva Rafiki Hyacinthe [phonétique]. Le PL était représenté par Mugenzi
Justin, le président. Et la secrétaire exécutive Namabyariro Agnès [phonétique]. Le PDC, lui, était
représenté par Ruhumuriza Gaspard [phonétique]. C'était pour moi la première fois que je
rencontrai le colonel Bagosora dans un tel cadre. Mathieu Ngirumpatse s’adressa à nous en
expliquant que certains d’entre eux voulaient l'application de l’accord d’Arusha, d’autres non, car
ils le disaient violé dans son article 1, donc ils devaient appliquer la constitution de 1991 qui prévoit
qu’en cas d’absence du président de la république, il sera remplacé pour soixante jours par le
président du CND, conseil national de développement, qui fait office d’assemblée nationale. Ils
appliqueront cette disposition en nommant le Docteur Sindikubwabo Théodore comme président
de la république. II demanda aux partis de présenter leurs candidats. Karamera me présenta le
deuxième, et j’acceptai. Toutes les personnes proposées furent acceptées d'emblée. Je ne connaissais
pas certains d’entre eux. La première réunion de ce gouvernement fut tenue le 8 avril 94 vers 20
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DS
heures, alors que nous ne serons officialisés dans nos fonctions que le 9 avril 94. Cette réunion tenue
avec les militaires visait à palier aux problèmes essentiels dont trois spécifiquement. Le premier,
assurer l'administration du pays, le deuxième, renouer les contacts avec le FPR pour mettre en place
le gouvernement à base élargie, troisièmement, s’occuper des personnes déplacées. Notre nomination
sera diffusée le soir-même à la radio. Les militaires nous interdiront de nous rendre à nos domiciles,
et nous amèneront à l’hôtel des Diplomates pour raisons de sécurité. Le 9 avril 1994, ma famille loge
toujours à la gendarmerie tandis que moi je suis à l’hôtel des Diplomates. Vers 10 heures, nous
tenons l’assemblée d’assermentation du gouvernement. Le président de la république et ancien
président du CND, Docteur Sindikubwabo Théodore, assisté de la première vice-présidente
Mirabizehimana Immaculée [phonétique] et du secrétaire-député Munyamundo Cyprien
[phonétique], sont présentés comme étant le bureau du CND. Ils étaient accompagnés par une dame,
Jeanne Ndaziboneye [phonétique] qui était chargée du protocole du gouvernement. Dans l’après-
midi, je tiens ma première réunion comme premier ministre. Il fut établi un calendrier de travail et
une convocation des préfets pour le 11 avril 1994. Dimanche, je tiendrai une conférence de presse.
Je suis toujours seul à l’hôtel et je désire avoir de la compagnie. J’envoie chercher un de mes amis,
Marc Twagiramukiza [phonétique], qui me servira de garde du corps, de secrétaire, de chauffeur
etc. et me suivra partout. J'étais armé d’un pistolet Beretta 9 mm depuis que j'étais directeur à
l’union des banques populaires du Rwanda. Le 10 avril 1994, tel que prévu, je tiens une conférence
de presse dans la salle, j’explique mes connaissances au sujet du comité de crise. Là je dois rectifier
c’est pas le 10 avril c’est le 11 avril. De nouveau, donc je, le 11 avril 94, tel que prévu je tiens une
conférence de presse dans la salle, j’explique mes connaissances au sujet du comité de crise, du
nouveau gouvernement et de notre projet de réunir les préfets le lendemain. Le colonel Rusatira,
membre du comité de crise, en tant que commandant de l’école supérieure militaire est venu me
rencontrer. Il tenait à m’aviser qu’il était à ma disposition. Si j’avais des doutes concernant certains
militaires, je pouvais me référer à lui. Il se disait un supporter de mon parti, moi je ne le connaissais
pas de visage. Dans la soirée j'ai demandé au major-gendarme Cyprien Teraho [phonétique] de
récupérer ma famille et ma voiture afin de les ramener à l'hôtel. Ma famille cohabitera avec moi dans
la chambre qui m'avait été donnée à compter de cette soirée. Le 11 avril 94, nous avons tenu la
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réunion avec les préfets à l’hôtel des Diplomates à Kigali. Tous y étaient sauf celui de Ruhengeri qui
avait été assassiné à Remera. Mais je ne le savais pas. Et ceux de Cyangugu et de Butare. Je
reprendrai avec eux mon communiqué de presse et nous ferons un tour de table concernant la
situation prévalant dans chacune des préfectures. C’est ainsi que chacun des préfets on fut [sic] le
rapport suivant concernant sa préfecture respective.
PD -Ça c'est, je pense que là on... on est rendu à un petit peu plus loin que la mise en place du
gouvernement là, je pense qu’on est rendu à des actions du gouvernement hein ? Si je comprends
bien.
MD -Mais ça finit là je pense hein, après ça on va parler...
JK -Ça finit là.
MD -Après ça on va parler des réunions ? On en parle un peu plus tard, un peu plus loin des
réunions.
PD -On va revenir à ça ?
JK -Oui.
PD -Ok, c’est juste, c'est comme la première démarche, dans les premières démarches, c’est pour
décrire les premières démarches ?
TK -Oui, oui.
PD -OK. On va continuer.
JK -C'est ainsi que chacun des préfets me fit le rapport suivant concernant sa préfecture
respective, Kibungo : massacres, Gitarama : incursion des habitants de Kigali dans leurs communes,
Gikongoro : déjà des troubles, Kigali-ville : catastrophique, Gisenyi : pas très alarmant, Kibuye :
début des massacres près du lac, le gouvernement analysera ces informations et verra comment
émettre des, dans les prochains jours, des directives pour rétablir la sécurité selon les informations
qu’il a reçu. C’est ce que nous avons dit aux préfets en terminant la réunion. Voilà donc en ce qui
concerne les, la mise en place du gouvernement et ses premières actions à Kigali.
PD -Ok. Marcel as-tu des observations, des points que t’aimerais te faire spécifier ?
MD -Bon, le 8 avril Monsieur Karemera, accompagné de militaires, me retrouve chez moi et me
dit que je dois les accompagner à l’école supérieure militaire, pour y participer à une réunion. Est-ce
que vous vous attendiez à cette visite de Karemera ?
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JK -Non.
MD -Vous vous attendiez pas à ça du tout ?
JK -Non pas du tout.
MD -Personne vous avait informé que vous aviez été pressenti là pour exercer un poste dans le
gouvernement ?
JK -Personne.
MD -Ça a été une surprise pour vous ?
JK -Une surprise.
MD -Comment ça c’est passé ça quand il est allé vous chercher ? Comment ça c’est passé, vous
étiez, vous étiez chez vous ?
JK -Non, comme j'avais passé la nuit à la gendarmerie, comme je l’ai indiqué, j'ai demandé au
major Rungeraberura [phonétique], qui m’avait hébergé à la gendarmerie de me reconduire chez
moi, pour me changer. Je suis revenu chez moi.
MD -C'est lui qui, c'était lui qui vous accompagnait ?
JK -Oui.
MD -Ouil vous a fait accompagné par des gendarmes ?
JK -Il m’accompagné lui-même.
MD -Lui-même.
JK -Lui-même. Je suis revenu chez moi, et quand je suis arrivé chez moi, mes gardes du corps
m'ont avisé qu’ils voyaient un véhicule militaire qui se dirigeait vers mon logement. Donc il se
dirigeait.
MD -Donc vos gardes du Corps, est-ce qu’ils vous, est-ce qu’ils vous ont accompagné à la
gendarmerie, est-ce qu’ils étaient avec vous ?
JK -Non, eux ils sont restés à la maison.
MD -Eux ils sont restés à la maison.
JK -Eux ils sont restés à la maison. Je suis parti à la gendarmerie avec le major
Rugaberageshome [phonétique], et ses propres gardes du corps.
MD -Et votre famille.
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JK -Et ma famille. Mais mes gardes du corps sont restés à la maison. Ils m'ont avisé qu'il y avait
un véhicule militaire qui venait chez moi, alors j’ai eu peur, ils m'ont dit que, ils vont, ils vont
m'avertir, qu'ils vont vérifier qui c'était. Et qu’ils vont m'avertir. Je crois qu’on avait pris des
précautions, qu’en cas de danger je pouvais me, m'enfuir à travers la, la grille de ma maison, à
travers l’enclos de ma maison.
MD -Est-ce que vous avez fait ça ? Est-ce que vous...
JK -Non, on n’a pas été obligé de le faire puisque quand le véhicule est arrivé, moi je, moi je
m'étais positionné à l’intérieur de la maison pour pouvoir observer, et j'ai vu que c'était Karamera
qui sortait.
MD -Mais est-ce que, à ce moment-là, est-ce que, le, la personne qui vous a accompagné, est-ce
qu’il vous avait laissé, est-ce que.
JK -]] m'avait laissé là-bas.
MD -I] vous avait laissé là-bas.
JK -I] m'avait laissé là-bas parce que il était retourné.
MD -Il était retourné
JK -I m'avait dit que il reviendrait me prendre, il m’avait donné un temps qu’il reviendrait me,
me reprendre.
MD -Ok.
JK -Alors..
MD -Alors vous avez reconnu la personne …
JK -J’ai reconnu Karamera.
MD -Karamera.
JK -Et comme je, c’est une personne que je connaissais, que Je savais que je n’avais pas à le
craindre, je suis sorti. Quand j’ai su que c'était Karamera, et en même temps les gendarmes m'ont
avisé que c'était Karamera qui souhaitait me voir.
MD -OKk. Et que, comment le contact s’est fait ?
JK -Donc il m’a dit que eux ils venaient me chercher pour que je devienne premier ministre,
qu’ils sont en réunion à l’école supérieure militaire.
MD -Vous étiez surpris ? Est-ce que ça vous a surpris vraiment ?
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JK -Ça m'a surpris parce que je ne savais pas depuis, depuis le début je ne savais pas ce qui se
passait, je ne pouvais pas savoir exactement qui réunissait quoi, où ils étaient réunis.
MD -Mais à ce moment-là, à ce moment-là vous saviez que, bon, vous aviez su que le président
était décédé, vous saviez qu’Agathe était décédée.
JK -Oui.
MD -Vous saviez que le gouvernement devait se faire, qu’on devait faire, former un
gouvernement là d'urgence, de crise.
JK -Ça je ne le savais pas.
MD -Vous ne le saviez pas.
JK -Non.
MD -Mais vous le saviez qu’il y avait plus de gouvernement ?
JK -Je savais qu'il y avait plus de gouvernement mais je ne savais pas, je ne savais pas ce qui
allait se passer. Comme tout le monde, je me disais “qu'est-ce qui va se passer après ?”.
MD -O, alors, Karamera vous a, vous a dit que vous étiez pressenti ?
JK -Oui.
MD -Pour quel poste ?
JK -Pour être premier ministre.
MD -Pour être premier ministre.
JK -Oui.
MD -Etiez-vous prêt là tout de suite là à, à partir et puis avec lui comme ça ?
JK -Je n’avais pas d’autre choix, et il m’a dit qu’on m’attendait. J’ai, je suis directement parti
PES
avec lui. J’ai même pas eu besoin de me changer, je suis parti directement avec lui.
PD -C'est une fonction de toute façon à laquelle, je sais pas si on peut dire rêvée là, mais à
laquelle vous aviez déjà discuté avec le, l’autre Monsieur là, l’ancien premier ministre, c’est une
fonction qu’il vous avait déjà dit, quand il vous avait déjà dit, “ben, c’est, tu seras mon candidat”,
dans le temps là que le parti est divisé, “Twagiramungu va aller sur un côté, mais toi tu vas être
mon candidat, puis il faut se brûler pour le pays, puis...”, c’est des choses auxquelles vous aviez déjà
discuté, c’était pas, c'était pas disons une nouvelle, une nouvelle totale que votre parti pouvait vous
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KO
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pressentir pour être premier ministre.
JK -Non.
MD -On connaissait votre intérêt pour ce poste.
JK -Je n’ai pas dit mon intérêt.
MD -Ok.
JK -C'’est peut-être l’intérêt du parti, mais mon intérêt, j’ai expli... je me suis exprimé là-dessus,
j'ai dit que j'ai refusé ce poste, et qu'on m'a donné des arguments qui ont fait que j'ai changé d’avis.
MD -Oui. Oui d’accord.
PD -Parce que, on avait, vous aviez déjà su que le, l’autorité suprême du pays à ce moment-là,
Monsieur Habyarimana, le président, aurait aimé vous avoir comme premier ministre.
JK -Oui.
PD -Ça ça remonte déjà à quelque temps.
JK -Oui, à 92.
PD -En 93 après ça, qu’on doit aller avec...
JK -92.
PD -Oui en 92, avec Monsieur Habyarimana, mais l’événement 93, c’est en 93 si je ne me
trompe pas avec, parce que le nom m’échappe, le nom du Monsieur-là, qui a été, de votre parti, qui
a été premier ministre, puis qui refusait de céder son siège-là ?
MD -Celui qui vous a demandé de, de...
JK -Docteur Nsengiyaremye Dismas.
PD -Oui, c’est en quelle année ça ?
JK -C’est en 93. |
PD -C’est en 93. Donc en avril 94 c'était pas une nouvelle, c'était pas une nouvelle pour vous
que quelqu'un de votre parti vienne vous voir, vous dise “ben, c’est ça”.
JK -La surprise c'était la période dans laquelle on m’annonçait ça.
PD -Ok. La façon qu’on vous l’a annoncé, est-ce que vous avez encore en mémoire la façon
qu’on vous a annoncé, la façon dont Monsieur Karamera vous a dit exactement comment, comment
il Pa... ?
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JK -C'est pourquoi j'ai... c’est un chapitre sur lequel je reviendrai quand je parlerai de moi-
même, de mon témoignage.
PD -Ok. Vous aimez mieux revenir à ça, la façon …
JK -Oui.
PD -..qu'il vous a été annoncé.
JK -Oui.
PD -Ok.
MD -Mais, on peut imaginer qu’il vous a expliqué quand même la procédure, qu'est-ce qui se
passait, de quelle façon que ça se passait ?
JK -Il ne m’a pas expliqué.
MD -En cours de route. Vous n’avez pas discuté en...
JK -J’ai pas discuté, il m’a dit que on m'’attendait et que tout est réglé. Que je, je n’ai pas à avoir
peur.
PD -Est-ce qu’il aurait pu vous dire...
MD -Que vous n’aviez pas à avoir peur.
PD -Est-ce qu’il aurait pu vous dire qu’ “ils vous attendaient à l’école supérieure militaire, que
j'étais nommé premier ministre et que je ne devais pas avoir peur, que tout était arrangé” ?
JK -Oui, ça il me l’a dit. ‘
PD -C’est une citation que je prends de votre déclaration à la page 393.
JK -Oui.
PD -C'est pour ça.
MD -Qu'’est ce qu’il voulait dire quand 1l disait que tout avait été arrangé ?
JK -Pour être nommé premier ministre, on ne l’est pas comme ça. De toute façon c’est pas lui
qui devait me nommer...
MD -Ça avait été arrangé à la réunion, alors avez vous supposé que c’était la réunion [inaudible].
JK -Puisqu'il me disait qu’ils avaient tenu, il m’a dit que ils sont en réunions à l’école supérieure
militaire, c’est à dire que, ils ont certainement discuté sur ma candidature, qu’ils l’ont acceptée, et
c’est pour cela que lui il vient me chercher.
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{ à7972
PD -Ok. Lorsque vous dites “qu’ils l'ont”, “qu’ils l'ont”, c’est qui ce “qu’ils l’ont” ?
JK -Ceux qui ont tenu cette réunion.
PD -C'était qui ?
JK -Parce que à ce moment-là je ne le sais pas. Est-ce que vous me posez la question ?
PD -Je vous pose la question non pas à ce moment-là, mais aujourd’hui, aujourd’hui avec les
informations que vous Savez...
TK -Je l’ai dit dans.
PD -Vous les avez nommés ?
JK -Je les ai nommé, j’ai dit que j'ai trouvé les membres...
PD -Des partis politiques.
JK -Des partis politiques et le comité, ce qu’ils appelaient le comité militaire de crise.
PD -Qui étaient les gens présents qui ont pris la décision.
JK -De venir me chercher.
PD -De venir vous chercher. Bon, ok. YŸ-a-t-il autre chose Marcel que t’aimerais.. ?
MD -Ok, vous, alors, vous êtes, vous vous êtes présenté, vous avez rencontré, on vous a présenté
au comité, vous avez été présenté en arrivant, en arrivant... ?
JK -J’ai, j'ai expliqué la procédure comment ça s’est fait. J’ai dit que quand je suis arrivé, il y
a eu d’abord le général Ndindiliyimana qui a pris la parole, en tant que...
MD -Mais vous est-ce que on vous a présenté quand vous êtes entré dans la salle ? Est-ce qu’on
vous à présenté ?
JK -J’ai expliqué quand on m'a présenté, et comment on m’a présenté. J’ai dit que, j’ai pas
directement été présenté. J'ai pris un siège, Je me suis assis, puis il y a le général Ndindiliyimana qui
a pris la parole.
MD -Qui a pris la parole.
JK -Qui a passé la parole au colonel Bagosora, qui à son tour a passé la parole au ministre de,
au président du MRND pour expliquer les procédures qu’ils ont suivies. Moi j’ai été présenté quand
on à demandé aux partis MRND, au parti MRND de présenter son président et après au parti MDR
de présenter son candidat comme premier ministre, et c’est Monsieur Karamera qui m’a présenté à
l'assemblée.
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CPE
PD -Et vous avez accepté à ce moment-là ?
JK -Oui, j'ai accepté.
PD -Vous étiez placé devant une situation de fait à ce moment-là ?
JK -C’était déjà décidé, je n’avais pas...
PD -C’était déjà décidé, vous avez...
JK -C'était déjà décidé, c’est. il y a pas eu de discussion, ou c’était Juste pour me présenter,
pour dire voila c’est notre premier ministre.
MD -On a fait, on a mentionné à ce moment là que l’article 1, que les accords d’Arusha, que
l’article 1 avait déjà été violé. Ou était dans l’expression que vous dites ici... c'était, qu'est ce que
c'était l’article 1 ?
JK -C’était, je n’ai pas en mémoire tous les accords d’Arusha, mais on m'a expliqué que l’article
1 stipulait que il était mis fin, la guerre était mis, il était mis fin à la guerre entre le FPR et le
gouvernement rwandais. Que c’était l’article 1. Et que...
MD -Qu'on mettait fin à la guerre entre le...
JK -Le FPR et le gouvernement rwandais. Que c’était ça l’article I.
MD -Ok. Là on disait que cet article-là était déjà violé.
JK -Oui.
MD -Qu'’elle n’était pas...
JK -Ça veut dire que il y avait une guerre entre le FPR et le gouvernement rwandais et que donc
cet article était violé. |
MD -Bon, alors si je vais un peu plus loin, dans cette réunion vous faites, vous parlez de trois,
trois problèmes spécifiques, réunion tenue vous en parliez aux problèmes spécifiques [sic], dont un
assurer l'administration du pays, le deuxième, renouer les contacts avec le FPR. Comment pouvait-
on renouer les contacts avec le FPR si, au départ, on disait que c’est que, ça n’existait plus, que
c'était ni plus ni moins la guerre avec le FPR ?
JK -Mais comme ils avaient fait avant. Puisque de toute façon, pour qu’il y ait signature des
accords de paix d’Arusha, c'était suite à la guerre. Donc c'était, essayer de renouer, de renégocier
cet accord de paix.
MD -Mais l'accord, la, l’accord d’Arusha, là, le prévoyait ça puis on a, on a, on a mis ça de côté
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en disant que c'était violé, ça s’appliquait plus, puis pourtant plus tard dans vos, dans vos, dans les
problèmes à régler, les plus urgents c'était d’établir les contacts avec le FPR.
JK -Oui.
MD -Est-ce que c’est pas, est-ce que c’est pas un peu contradictoire ?
JK -Pour moi non. Parce que je trouve que si cet accord avait été rompu, qu’ils considéraient que
cet accord était rompu et qu’ils souhaitaient qu’il y ait de nouveau un accord, notamment de mettre
fin à la guerre entre le FPR et le gouvernement rwandais, c’était plutôt un objectif qui était
effectivement prioritaire.
MD -Mais là-dessus, est-ce qu’il a expliqué de quelle façon que l’article 1 avait été violé, est-ce
qu'il a expliqué de quelle façon que c'était, que l’article 1, comment il considérait que l’article 1 était
violé ?
JK -C'’est de cette manière là que je viens de l’expliquer, que la guerre est maintenant, existe
alors que il était mis fin à cette guerre.
MD -A ce moment-là la guerre était, la guerre était déjà là [inaudible], le FPR était déjà...
TK -Je l’ai dit dans l’autre partie que, pour moi la guerre était déjà, la guerre.
MD - Mais vous vous voyiez que c'était la conséquence, la conséquence là de cette situation là,
ça c'était ça. Alors vous aviez pas, vous aviez pas là, cette partie là, vous aviez pas eu vous, à vous,
à questionner cet, ce fait là ?
TK -Je crois que l’ambiance ou le climat qui régnait ne me permettait pas de poser de questions.
MD -Ouais. Pas, pas, pas, de toute façon pas à ce moment-là. Est-ce qu’il y a des choses à ce
propos là, heu, un peu plus loin... vous parlez de votre ami Marc que vous avez été chercher. C'était,
il faisait quoi Marc lui avant de, avant d’aller avec vous, qu’elles étaient ses fonctions ?
JK -C’était un cadre, il était un cadre d’une ONG, qui s’appelle 2004 [?].
MD -C'était une personne en qui vous aviez entièrement confiance ?
JK -Non, c’est, puisque c’était la seule personne qui était la plus proche de l’endroit où je me
trouvais et que, à qui je pouvais disons faire recours. Peut-être que si ça avait été dans d’autres
conditions, j'aurai pu faire recours à une autre personne. Maïs il fallait que je puisse dessiner sur une
carte ou sur une route indiquer aux gendarmes qui allaient le chercher où elle se trouvait, c’est en
réfléchissant c’est sur cette personne-là que je suis tombée.
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MD -Mais c’est une personne à qui vous avez confié ensuite, quand même...
JK -Oui. Oui c’est une personne que je connaissais, c’est une personne que, en qui j'avais
confiance.
MD -Ok. f[inaudible]
PD -As-tu autre chose ?
MD -Non, je crois pas, pas pour l'instant.
PD -Est-ce que vous êtes, est-ce que vous allez nous entretenir plus tard ou est-ce que vous avez
l'intention de nous entretenir maintenant sur les réunions qu’il y aurait eu précédant la mise en place
de votre gouvernement ? Ça c'était, c'était, à ce stade-ci de votre déclaration, vous aimeriez nous
entretenir de ça, ou si vous avez l’intention de nous entretenir plus tard des réunions qu’il aurait pu
y avoir le 6, 7, 8 avril ?
JK -Non j'ai pas prévu de, d’y revenir. Si vous pouvez poser des questions je suis prêt à y
répondre.
PD -On avait discuté ensemble, précédemment, de réunions auxquelles auraient été, auraient
participé certains militaires, certaines personnes dans les réunions, c’est ça je me demande si vous
avez fait, un chapitre pour ça ?
JK -Je n’ai pas fait un chapitre sur ça.
PD -Vous avez pas fait de chapitre. Faudrait voir à... à ce que vous incluiez ça je sais pas où dans
votre déclaration, mais ce sont des documents qui existent, que vous avez signés, faudrait à ce
moment-là voir à prévoir un chapitre dans lequel vous pourriez nous informer de, des choses que
vous nous avez dites concernant ça, que vous avez toujours en votre possession.
JK -J'ai vérifié, je n’ai pas vu où j'ai développé un chapitre spécial sur ces, j’ai peut-être fait
référence de temps en temps à ces réunions, mais je n’ai pas développé dans ce que j’ai déclaré des
chapitres sur ces réunions.
PD -Les déclarations d’avant ?
JK -Non.
PD -Vous avez pas parlé naturellement des réunions qui avaient pu se tenir à telle époque, telle
époque, telle époque ? Vous vous souvenez de ça, on procédait avec un, avec des papiers là ? On
disait, à telle date il y aurait eu une réunion, est-ce que vous êtes au courant de cette réunion ? Si on
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#. 47977
prend, heu, par exemple la page 399 ?
JK -Donc les questions que vous m'avez posées par écrit je les ai regroupées ensemble. Mais
je, j'ai...
PD -Alors on va y revenir.
JK -Sur ces questions-là que vous m'avez posées. À part.
PD -Ok. Ce sont, après ça, ce sont des questions auxquelles vous avez l’intention de revenir,
c’est ça que je voulais vous demander, parce qu’on prend, à ce moment-là, ce qu’on avait fait, c'est
qu’on avait.
TK -Vous m'avez passé une liste de 8 questions, auxquelles j’ai répondu, et j’ai mis ça à part,
parce que je ne pouvais, Je sentais que Je ne pouvais pas les rentrer dans ma, dans ce que j'avais dit,
parce que c'était juste des réponses à des questions précises que vous aviez posées.
PD -Ah, ok, c’est bien. Dans le même, dans le même genre d’interrogations que j'ai, êtes vous
capable à cette heure-ci [?] de spécifier quel fut le rôle des gens comme Karamera, des gens comme
Bagosora, pour ne citer que ceux-là dans le, dans l’avènement, la mise en place de votre
gouvernement ? Ce sont des choses que vous avez l’intention de nous entretenir plus tard ou si ce
sont des choses que vous aimeriez nous entretenir maintenant ?
JK -J’ai, je, je, je ne comprends pas bien la question que vous voulez poser là-dessus, donc il
faudrait peut-être que vous m'aidiez.
PD -Quel fut le rôle de Monsieur Karamera concernant la mise en place de votre gouvernement?
JK -Je crois que j'ai, il a dû jouer un rôle comme responsable du parti qui a présenté le premier
ministre, en tant que vice-président de ce parti. Je présume que ma candidature n’a pas, n’est pas
venue par quelqu'un d’autre que par lui-même. Donc si j’ai été premier ministre j’ai dû être proposé
par mon parti politique qui était représenté en premier lieu par Karamera.
PD -Ok. Je vois sur le ruban qu’il y a 30 minutes d’écoulées, est-ce que j'ai manqué la tonalité
ou ..?
MD -Non, il n’y a pas eu de tonalité.
PD -I y a pas eu de tonalité. Parce que là j’ai l’impression qu’il se passe quelque chose hein ?
MD -Le ruban continue à tourner, mais il y a pas eu de tonalité.
PD -Ça fonctionne très bien.
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Fin de la face A de la cassette 13.
L£:
ACT
O
.]
CO
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16
Face B de la cassette 13.
PD -Bon, je sais pas ce qui s’est produit avec l’enregistrement. On a juste tourné les rubans de
côté. Le. on n’a pas entendu de tonalité.
MD -Non.
PD -On a entendu la tonalité du début, il est 10 heures 27. Il vient de tourner 10 heures 28. Oui,
quel fut leur rôle à ces gens-là ? Le rôle de Karamera, exactement, quel fut son rôle ? Comment at-il
fait pour mettre en place votre gouvernement ? Quelle a été son influence dans la mise en place de
votre gouvernement ? Quels pouvoirs pouvait-il avoir pour mettre en place votre gouvernement ?
JK -Là je ne peux pas aller au-delà de ce que je viens de dire. Lui, le seul pouvoir que je vois
c'est que il a été convoqué comme les autres présidents de partis. Son rôle a dû être celui d’avoir
proposé une personne qui était, qui deviendra premier ministre. Mais c'était en conformité avec
l'entente entre les partis politiques qui existait déjà auparavant.
PD -Convoqué, convoqué par qui ?
JK -Par le comité militaire de crise. Mais là je ne peux pas confirmer puisque c’est juste ce que
j'ai entendu. Parce que le comité militaire de crise, lui, se serait réuni auparavant, et aurait convoqué
les partis politiques. Quand j'utilise ‘aurait’ c’est que je ne suis pas certain de ce qui s’est passé
effectivement, au cours de cette période, avant que moi je ne sois présenté à l’école supérieure
militaire.
PD -Le comité militaire de crise, il était dirigé par un homme qu’on pourrait appeler Monsieur
Bagosora ?
JK -Oui.
PD -Donc, cet homme-là, comme responsable des militaires, du comité militaire de crise, aurait.
JK -Oui.
PD -..convoqué les gens des partis politiques.
JK -C'est ça.
PD -Selon ce que vous vous savez pourquoi les aurait-ils convoqués ?
JK -I] les aurait convoqué pour justement mettre en place un gouvernement.
PD -Il était pas capable de faire ça seul ?
JK -Ça je ne peux pas répondre pour lui, bon, je, je présume que si il a dû le faire c’est qu’il a
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eu certainement des raisons. Les informations non vérifiées que moi j’ai reçues c’est que il aurait
tenté dans un premier temps de prendre le pouvoir lui même avec les autres militaires et que au sein
de ce groupe de militaires du comité de crise, il y aurait pas eu entente, les gens, il n’y aurait pas eu
accord entre les membres du comité de crise.
PD -Il a rencontré de l’opposition à son projet ?
JK -Oui, à son projet de prendre le pouvoir, mais ça, comme je le dit, ce sont des informations
que j'ai reçues que je ne peux pas dire, ça vient d’untel ou d’untel, c’est juste quand on s’informe,
quand on essaie de savoir un peu plus sur ce qui s’est passé. Et quand il a reçu cette opposition,
l’argument était que, le gouvernement qui serait mis en place par les militaires ne serait pas accepté
par la communauté internationale, et compte-tenu du fait que le pays, dans le pays il existait déjà
trois armées, ça risquait d’aggraver la situation sur le plan sécuritaire. Et on lui a plutôt conseillé de
demander avis à l’ambassadeur de France, et au représentant spécial du secrétaire général des
Nations Unies, Monsieur Boh-Boh. Ce qu’il aurait fait. Et ce sont eux qui lui auront, qui lui auraient
conseillé de mettre en place un gouvernement sur base des accords de paix d’Arusha.
MD -Qui auraient été les dissidents, dans le milieu militaire ?
JK -Pardon ?
MD -Qui auraient été les dissidents parmi les militaires, qui auraient empêché Bagosora d'émettre
certaines options [?] ? ‘
JK -On parle de Ndindiliyimana et de Rusatira.
MD -Rusatira. Ces deux là n’étaient pas d’accord avec.
JK -Oui.
MD -Avec les projets de Bagosora.
JK -Oui.
PD -Ça c’est le même Rusatira qui vous disait que votre comité militaire de crise était infesté d’Interahamwe ?
JK -Oui, oui.
PD -Ok. L’ambassadeur militaire. l’ambassadeur, l'ambassadeur de France vient faire quoi là dedans ?
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he 47991
JK -Là je ne peux pas expliquer, c’est pas à moi d'expliquer qui, que, qu'est-ce qu’il vient faire,
qu'est-ce qu’il ne vient pas faire. Je vous rapporte les faits tels que moi je les ai su.
PD -Moi ce que je vous demande c’est l'interprétation que vous en avez.
JK -Je ne fais aucune interprétation sur cette affaire parce que je me dis si eux ont décidé de faire
ça c’est qu'ils avaient leurs raisons qui les leur ont poussé à... à s’adresser à l’ambassadeur de
France.
PD -C'était quelqu'un de connu ça, l’ambassadeur de France ?
JK -Certainement.
PD -Vous, est-ce que c'était quelqu'un connu de vous ?
JK -Non.
PD -Pas du tout ?
JK -Pas du tout.
PD -C'était pas quelqu'un que vous côtoyiez ?
JK -Non, jamais.
PD -Est-ce que les gens du MDR côtoyaient l'ambassadeur de France ?
JK -J'ignore si il y en avait qui le côtoyaient. Personnellement je ne l’ai jamais côtoyé.
PD -Est-ce que beaucoup de gens du MDR, beaucoup de familles du MDR ont pu quitter le pays
dans cette période de conflit-là, qui est à peu près la même date dans laquelle vous parlez, via
l’entremise de l’ambassade française ?
JK -À ma connaissance non.
PD -Il yen pas beaucoup ?
JK -Non, à ma connaissance non, je n’en connais pas.
PD -Vous n’en connaissez pas du tout ?
JK -Non.
PD -Ok. Donc on peut dire que les, ce qui nous semble présentement c’est que les français
pouvaient être plus près du MRND que du MDR ?
JK -Je, j'irais pas.
PD -Les gens membres du MRND que des gens membres du MDR ?
JK -J’irais pas jusque là, puisque si je n’ai pas connu l’ambassadeur de France, j’ai connu un
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—
CL
Si
NO
CO
ND
autre ambassadeur, je connaissais par exemple l’ambassadeur de Belgique.
PD -Je vous demande pour l’ambassadeur de France, vous savez, soyons, là je suis spécifique,
je vous demande pas les ambassadeurs, je vous demande pour l’ambassadeur de France.
JK -Je ne peux pas dire les gens du MRND étaient proches de l’ambassadeur de France parce
que je n’ai aucun argument, je n’ai aucune raison de le penser.
PD -Ok. C'est parce que lorsque vous avez parlé, à un moment donné, hier, vous avez dit,
concernant la CIA, que c'était peut-être une façon de vous aliéner votre seul allié.
JK -Oui.
PD -Comment voyez-vous l’alliance France, de quelle façon voyez-vous l’alliance France. ?
JK -C'était connu, ils ont envoyé des militaires en 90. Ils étaient là jusque, presque jusque avant
la signature des accords de paix d’Arusha. Donc l’alliance était connue de tout le monde.
PD -Ok. A ce moment-là en 90, le parti, il y avait un parti unique au Rwanda ?
JK -Oui. Dans lequel tout le monde se retrouvait.
PD -C’est ça. Si ils ont envoyé des militaires en 90 au Rwanda, en 94 les gens qui étaient
militaires en 90, rwandais, devaient sûrement avoir, avoir pu développer des liens avec les français?
JK -Ça ce ne serait pas.
PD -Parce qu’ils les côtoyaient depuis plusieurs années.
JK -Ça ne me surprendrait pas du tout.
PD -Est-ce que ça pourrait être une raison qui explique pourquoi les gens qui ont pu, est-ce qu’on
doit dire fuir le Rwanda à ce moment-là, cette journée-là, les gens qui ont pris les vols des avions
français, les rwandais qui ont réussi à... ?
JK -Certainement puisque s’ils ont pu aller jusque là et se faire ouvrir les portes c’est que ils
devaient avoir des relations avec le, cet ambassadeur.
PD -Parce qu’au même moment où vous vous couchez à l’hôtel avec votre famille, il y a
beaucoup de personnes, des vieux ministres, qu’on avait identifiés, lors des discussions, qui eux,
leurs familles n’étaient pas couchées à l’hôtel avec vous.
JK -Non parce que ils n’avaient pas, même auparavant, avant que je ne vienne au, à l’école
supérieure militaire, d’après les informations que j’ai su, eux étaient déjà là-bas, à l’ambassade de
France.
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PD -Ils étaient déjà à l'ambassade de France ?
JK -Oui.
PD -Donc à tout le moins l’ambassadeur de France devait être quelqu'un qui devait être assez
bien informé de la situation puisque il partageait son ambassade avec les... les familles des ministres
puis la famille, les familles des militaires. C’est, ça devait être quelqu'un qui... qui devait être
informé des problèmes, de la situation, c’est peut-être pour ça que des gens ont été lui demander à
lui un avis, je sais pas ?
JK -Moi je ne peux pas aller au-delà des faits, ils ont été là, certainement qu’ils ont discuté avec
lui, certainement qu’ils discutaient avec lui, certainement qu’ils expliquaient de quoi ils fuyaient,
pourquoi ils fuyaient, et pourquoi ils sont venus chez lui. Peut-être que c’est pour ça que ils auraient,
ils seraient, ils auraient jugé utile de le consulter avant la mise en place de ce gouvernement.
PD -Est-ce que le gouvernement français aurait pu faire des pressions pour que votre, précipiter
la mise en place de votre gouvernement ?
JK -C'est ce que certaines personnes disent.
PD -Quel genre de pressions ont-ils faits ?
JK -Ils disaient que ils avaient besoin d’un interlocuteur, pour faire l’évacuation des expatriés
du Rwanda.
PD -Est-ce que vous pouvez m'expliquer pourquoi un gouvernement a besoin de faire, d’avoir
un interlocuteur pour expatrier ses ressortissants ?
TK -Evacuer.
PD -Evacuerses ressortissants. Pardon, il veut pas les expatrier il veut les rapatrier.
JK -Non, mais l'explication que moi j'ai reçu c’est que ils ont besoin d’un accord pour que ils
fassent venir des militaires. Et cet accord doit être signé par un organisme reconnu, et cet organisme
reconnu qu’ils souhaitaient avoir c'était un gouvernement.
PD -Est-ce qu'il y a déjà des militaires français à ce moment-là en sol rwandais ?
JK -Quand ?
PD -Lorsque le gouvernement, vous dites désire, il y a pas de gouvernement, il y a pas de
militaires français ?
JK -Il y a pas de militaires français. À ma connaissance.
T2K7-13 -17 novembre 1997 (20h34) 21
PD -Ok. C'est ça. Est-ce qu'il y aura des, est-ce qu’il y aura des militaires français par la suite
?
JK -Par la suite il y aura des militaires français.
PD -À quelle date ?
JK -Moi je les ai vus, le 12, quand nous, nous déménagions vers Gitarama, j'ai vu des mulitaires
français.
PD -Vous les avez vus dans quelle occasion, à quelle occasion, de quelle façon ?
JK -Quand moi j’ai pris la route de Gitarama, de Kigali vers Gitarama, j'ai vu sur la route, dans
les carrefours, partout, j’ai vu des militaires français.
PD -Ils faisaient quoi là les militaires français ?
JK -Donc, je ne peux pas dire ils faisaient quoi, j’ai vu des militaires français qui circulaient dans
tous les quartiers, on m'a dit qu’ils étaient en train de rechercher les expatriés pour les rassembler
afin de les évacuer.
PD -Les quartiers c’est pas, les quartiers ce n’est pas.
JK -C'est à dire là où j’ai traversé. Les quartiers que j’ai traversés.
PD -Ah ok, quand vous parlez vous des carrefours vous parlez des carrefours à Kigali ?
JK -Oui. Les carrefours à Kigali que moi j’ai traversés.
PD -Est-ce qu'ils vous ont assisté dans votre sortie de la ville ?
JK -Je n’ai pas vu d’assistance particulière. C’est, peut-être que, si le fait d’être dans les
carrefours c’était une assistance, alors ils l’ont fait. Parce qu’ils étaient dans les carrefours. Dans les
différents carrefours que j’ai traversés, j’ai vu qu’il y avait des militaires français.
PD -En grand nombre ?
JK -S uffisamment.
PD -Oui?
JK -Oui.
PD -Est-ce qu’il y avait des militaires rwandais avec eux ?
JK -Oui.
PD -Des militaires des FAR ?
JK -Oui.
T2K7-13 -17 novembre 1997 (20h34) 22
PD -Alors, aux carrefours que vous traversiez, lorsque vous avez dû fuir la ville de Kigali,
chaque carrefour, ce que vous rencontriez c'était des militaires français avec des militaires rwandais
?
JK -Oui.
MD -Ça on parle du 12 ?
JK -Pardon ?
MD -Onest, c’est la journée que vous êtes allés à Gitarama ?
JK -Le 12.
MD -Le 12.
PD -Est-ce la seule occasion où vous avez rencontré des militaires français pendant les conflits?
Est-ce la seule occasion qui vous a été donnée de voir une présence commune des militaires français
et des militaires rwandais ensemble ?
JK -C’est la seule.
PD -C'est la seule ?
JK -Oui.
PD Par la suite, lorsque. on va à Cyangugu, la Turquoise, est-ce que ce sont des militaires
français, la Turquoise aussi ?
JK -Là c’est, c’est une autre opération, c’est la, ce n’est pas...
PD -C’est une autre opération distincte. Vous faites la distinction.
TK -C'est une opération distincte, je fais une nette distinction entre cette opération là et la
Turquoise.
MD -Alors les militaires que vous avez vus le 12 n’étaient pas des militaires de la Turquoise ?
JK -Non. Non c'était des militaires, on m’a dit des paras qui étaient venus de Bangui, en Centre-
Afrique.
PD -Mnn {affirmatif]
JK -D'après une information qu’on m’a donnée.
MD -Abprès, après le, après la mort du président ?
JK -Oui.
PD -Selon l’information que vous avez les paras, comme vous appelez, ont quitté quand ?
T2K7-13 -17 novembre 1997 (20h34) 23
JK -IIs auraient, euh, ils seraient arrivés à Kigali, dans la nuit du 9, du 8 au 9.
MD -Disons, le 12 ils étaient là ?
JK -Le 12 ils étaient là, oui.
MD -Jusqu’à quand ?
JK -Je ne sais pas.
MD -Jamais personne vous a informé que les paras français.
JK -Non, j'ai juste suivi à la radio que les opérations qu’on disait ils sont en train de faire, de
rassembler le, les expatriés et puis que les, ils sont presqu’à la fin de leur mission et qu'ils sont
partis, mais c’est juste par des informations que je recevais de la radio.
PD -Votre Etat major, via votre ministre de la défense, ne jugeaïit, n’a jaj’ai, n’a jamais jugé bon,
pardon, n’a jaj’ai oui, n’a jamais jugé bon de vous informer de ça ?
JK -J'ai pas eu de rapport disons de l’Etat major ou du ministre de la défense pour me dire voilà
il y a, les français sont a tels points sur Kigali. C’est juste des informations de la radio.
PD -Ok. Les familles des ministres du MRND, est-ce qu’il y a des familles d’autres partis
politiques qui sont, qui ont trouvées refuge à l’ambassade de France, qui ont pu fuir aussi ?
JK -Je connais des familles du, de certains membres du PL.
PD -Du PL. Faction ?
JK -Mugenzi.
PD -Mugenzi. Qui ont, qui ont aussi trouvées refuge là ?
IK Oui. |
PD -Beaucoup de familles ?
JK -Je ne peux pas, je ne connais pas toutes les familles, je n’ai pas identifié toutes les familles
aux partis politiques. Je donne celui-là puisque c’est lui, je sais que sa famille est, s’est réfugiée là-
bas.
PD -La famille de Mugenzi ?
JK -Oui.
PD -Ok. Donc c’est pas la famille des membres, c’est Mugenzi, la famille de Mugenzi.
JK -C’est un exemple, puisque lui je sais que ça a été comme ça.
T2K7-13 -17 novembre 1997 (20h34) 24
h_ 47987
ER
PD -Donc, vous savez, si on veut être spécifique, c’est la famille de Mugenzi.
JK -Oui.
PD -Qui s’est retrouvée là. Ok. Il y a d’autres gens que vous connaissez ?
JK -Oui.
PD -Les gens, dans les militaires, est-ce que vous connaissez beaucoup de familles de militaires
qui ont retrouvé refuge là, est-ce que vous connaissiez des familles de militaire qui avaient trouvé
refuge là ?
JK -Non, non.
PD -Non?
JK -Non.
PD -Pourquoi vous connaissez pas de famille de militaire, est-ce que c’est parce qu’il y en avait
pas ou parce que vous vous en connaissez pas ?
JK -Je ne sais pas, peut-être que je n’en connais pas, parce que je n’ai pas établi disons cette
relation-là pour dire combien de militaires ont, ont, sont passés par l'ambassade de France, combien
des gens du MRND sont passés par l’ambassade de France, j’ai juste feuilleté et puis quand j’ai vu
cette liste dans, dans le livre, pour voir quels sont les gens qui étaient au, à cette ambassade-là, et
puis comme je l’ai dit dans une mes déclarations, j'étais surpris effectivement que quand nous
devions déménager sur Gitarama, il ÿ avait que les hommes ou les ministres et puis que leurs
familles n'étaient pas là. Que nous étions très peu nombreux à avoir nos familles avec nous.
PD -Puis vous vous avez pas été informé de la possibilité existante de faire quitter votre famille?
TK -Non.
PD -Vous avez dû ressentir un peu de frustration face à ça ?
JK -Certainement.
PD -Parce que vous saviez que c'était la guerre, puis que, c'était une façon de mettre votre
famille à l’abri.
JK -Exactement, oui, j'ai été frustré. Bon.
MD -On vous l’a jamais offert ?
JK -Non.
PD -Avez vous fait part de votre frustration à certaines personnes ?
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JK _Peut-être dans des discussions privées en leur disant que “pourquoi moi j'étais pas averti
pour...”
PD -Privément [sic] ?
JK -Oui.
PD -C’est jamais venu à l’ordre du jour au niveau des ministres, dire “écoute-donc.. pourquoi
pas tout le gouvernement a pas eu droit au même traitement ?”, vous avez jamais fait.
JK -Non, non, non jamais.
MD -Qui d’autre au gouvernement, a, COMME VOUS, n’a pas été invité ?
JK -Je ne peux pas donner la liste de untel, untel mais ce que j'ai constaté c’est que la plupart
des gens qui étaient nouvellement nommés ministres, n’ont pas eu accès à ce service.
PD -Ok.
MD -Vous avez parlé d’interlocuteur tout à l'heure, que le gouvernement français voulait avoir,
qu’il favorisait la formation du gouvernement pour avoir un interlocuteur pour cette opération, est-ce
que vous avez été consulté effectivement, est-ce que, est-ce qu’on vous a, avez-vous été consulté,
est-ce que vous avez été un interlocuteur pour le gouvernement français pour l'opération qu’il voulait
mettre en branle pour récupérer leurs gens ?
JK -Oui, dans la mesure où le ministre, le nouveau ministre des affaires étrangères a dû signer
un accord pour que les avions français'puissent atterrir à Kigali.
MD -Ças’est fait à quel moment cette signature d'accord ?
JK -Je crois que c’est dans la nuit du 8 au 9.
MD -La nuit du 8 au 9.
JK -Mais j'ai pas, j’ai pas la date exacte, mais ça doit être dans la nuit du 8 au 9.
MD -Est-ce qu’il y avait des représentants du gouvernement français qui étaient présents lorsque
vous, lorsqu’on vous amené de, lorsqu'on a formé le gouvernement ?
JK -Je n’en ai pas vus.
MD -Vous en n’avez pas vus. Plus tard est-ce que vous en avez rencontrés ?
TK -Pas personnellement.
PD -Vous parlez de, de, du ministre des affaires étrangères ici...
T2K7-13 -17 novembre 1997 (20h34) 26
JK -Jérôme Bicamumpaka.
PD -Est-ce qu'il, est-ce que vous vous êtes réunis comme gouvernement pour signer cette chose-
là ?
JK -Non.
PD -Est-ce que Monsieur Jérôme vous a expliqué la façon qu’il avait signé ça lui ? Parce que
Monsieur Jérôme est membre du même parti politique que vous ?
JK -Oui.
PD -Etest-ce qu’il vous a expliqué comment il a, qu'est-ce qui s’est passé, comment a-t-il été
appelé à signer ça ?
JK -Lui, il m'a expliqué que les français demandaient l’autorisation de faire venir des militaires
à Kigali pour évacuer les ressortissants, leurs ressortissants. De Kigali. Et que ils avaient besoin de
la signature du ministre des affaires étrangères.
PD -Oui maïs lui, là, si je comprends bien, le soir du 8...
JK -Il venait d’être nommé.
PD -Pardon ?
JK -I! venait d’être nommé.
PD -I ya, il y avait pas eu de conseil des ministres ?
JK -Non.
PD -Vous aviez pas de conseil des ministres ?
JK -Non, pas sur, pas sur le sujet en tout cas.
PD -C'est, qui a pu lui demander de signer ça ?
JK -Ça il ne m'a pas, il ne m'a pas précisé qui a pu lui demander de signer ça, mais les faits se
sont passés comme je viens de le dire.
PD -Vous avez pas demandé, vous, à Monsieur Jérôme, “qui vous a demandé, qui vous a ordonné
de signer ça, qui vous a autorisé au nom du gouvernement à signer ça, parce que là c’est une décision
qui vous engageait vous en tant que gouvernement, de laisser des soldats d’un autre pays atterrir en
votre sol, c'était une décision qui engageait votre gouvernement ça, c'était, c'était une décision qui
était gouvernementale non ?
T2K7-13 -17 novembre 1997 (20h34) 27
JK -Oui, mais, on venait à peine d’être nommés, on avait pas encore disons toute la situation en
main, je crois que, si, ça a dû être négocié non pas directement par le gouvernement puisque le
gouvernement n'était que dans ses débuts, ça a dû peut-être être négocié par soit le comité militaire
de crise ou alors les partis politiques et être entériné par le ministre qui vient d’être nommé.
PD -L’autorité suprême-là, à ce moment-là au pays, c'était qui ?
JK -C’était le comité militaire de crise.
PD -Le comité militaire de crise, donc comme les français ont besoin d’une caution politique
pour atterrir chez vous pour évacuer leurs expats, ils veulent avoir un interlocuteur politique, élu,
c’est à supposer qu’ils ont dû négocier avec quelqu'un qui n’avait pas été élu, qui avait pas, puis
qu’ils ont pas accepté l’autorisation que ces gens-là leur donnaient.
JK -Oui.
MD -Pourtant on avait, on avait bien spécifié qu’on voulait avoir un interlocuteur et qu’on
favorisait la nomination du gouvernement le plus rapidement possible pour avoir un interlocuteur
?
JK -Oui, oui, c’est l'information que j’ai reçue.
MD _-Et on n’est pas, et on n’est pas, et on l’a pas rencontré. Ça c’est fait quand-même en arrière,
c’est pas le gouvernement officiellement qui a été consulté. Ça a été fait.
JK -Peut-être que ce dont ils avaient besoin dans l’immédiat c'était ce ministre des affaires
étrangères, et 1ls l’ont eu.
PD -Quelqu’un qui avait le droit de signer en mettant en bas de son nom une fonction de
ministre.
JK -Oui.
PD -Parce que vous comme gouvernement vous avez été mis face à un fait établi.
JK -Le gouvernement ne s’est jamais réuni pour discuter de cette question de.
PD -Lorsque vous avez pris connaissance de ce fait-là, de cet accord-là il était décidé, 1l était
déjà consommé.
JK -Il était décidé, il était consommé, il... ce n’était pas, on ne nous demandait pas notre avis si
oui où non nous devons nous réunir pour discuter de la venue des français pour l’évacuation de leurs
ressortissants.
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r._._ 47991
PD -Lorsque vous avez vu des soldats étrangers comme ça, ils devaient avoir des soldats blancs
j'imagine ? On va voir plus tard quelle est l'importance des soldats blancs dans votre, dans vos
démarches, je comprend qu’il y a la MINUAR qui est existante, qui aussi doit comporter un lourd
contingent de soldats blancs, mais c’est pas quelque chose, l'uniforme des soldats français, les, est-ce
que c’est un uniforme distinct des soldats de la MINUAR ? Lorsque vous voyez des soldats français
vous savez c’est des soldats français ?
JK -Pas nécessairement. En temps de... en...
PD -Lorsque vous avez rencontré des soldats français, le 12...
JK -Je n’ai pas, je n’ai, je savais qu'eux ils étaient là puisqu'on m'avait averti mais je ne pouvais
pas dire en les voyant c'était un soldat français. Parce que pour moi les, en cas de conflit quand ils
sont tous en camouflé, français ou autre, ils se ressemblent.
PD -Ok. Mais on peut dire que l’armée française est pas mal blanche ?
JK -Oui. Des soldats blancs à Kigali on était habitué à les voir.
PD -Il yen avait beaucoup à cause de la MINUAR.
MD -Et des français. Des français qui sont là depuis. qui étaient là depuis 90 ?
JK -Donc ce n’était pas la première fois qu’on voyait un soldat blanc sur le sol de Kigali.
PD -Mais là le conflit était un petit peu plus haut, on s’entend pour dire...
JK -Mais il y a, ils sont tous impliqués, que ce soit les français ou ceux de la MINUAR, ils
circulent tous.
PD -Ok. Mais l’escorte qui vous est prévue là, malgré que vous êtes pas capable de les identifier,
pour sortir du...
JK -On m'a dit que ceux qui, ceux qui est dans le carrefour où je suis passé étaient des soldats
français. Mais je n’ai pas eu, je ne leur ai jamais parlé pour savoir s’ils parlaient français.
PD -Vous avez pas parlé, vous avez pas...
JK -J'ai pas discuté avec eux. C’est, ça pouvait être des autres, mais je rapporte ce qu'on m'a
dit.
MD -Mais vous avez vu plus qu’un carrefour, ils n’étaient pas seulement qu’à un carrefour ?
JK -Je n’ai pas dit que je les ai vus sur un seul carrefour, je les ai vus sur les carrefours.
MD -D'accord.
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ET
SO
ED
at = 4
PD -Comme gouvernement, vous comme premier ministre, responsable du gouvernement, est-ce
que vous avez eu à signer la directive ?
JK -Quelle directive ?
PD -Concernant l’autorisation.
JK -Je ne l’ai même jamais vue.
PD -Est-ce que. est-ce qu’elle est existante ?
JK -On m'a dit qu’elle existe mais moi je ne l’ai jamais vue. J’ai pas vu cette directive là.
PD -Alors, vous nous avez expliqué que chez vous, pour obtenir un, une directive du
gouvernement, l’autorisation du gouvernement, on doit arriver à un, un autre mot que unanimité là,
une...
JK -Un consensus.
PD -Une situation de consensus.
JK -Oui.
PD -Quelle était la valeur de l’autorisation donnée par Monsieur Jérôme ?
JK -Moi je considère que cette autorisation je ne reconnais pas. Je ne la connais pas.
PD -Est-ce que vous la cautionnez ?
JK -Cautionnez ou pas, elle a eu lieu, moi je ne la connais pas. Je ne peux pas m’engager sur
cette autorisation, je ne sais pas comment elle a été fabriquée, je ne sais pas qui et comment elle a
été donnée. J’ai été informé qu’elle a été donnée. Mais je ne peux pas dire je connais cette
autorisation, je l’ai vue, j’ai pas vu le papier sur lequel c’était écrit. J’ai pas eu à le discuter.
PD -Alors la première décision de votre gouvernement, en est une imposée par quelqu'un
d'autre, émise hors règles. |
JK -Oui, si on regarde comme ça, oui.
PD -C’est, vous avez été, il y a quelqu'un qui a fait signer à votre ministre, alors pour l'instant
est-ce que vous êtes capable de me dire, vous présumez qui aurait pu ordonner à votre ministre de
signer Ça ?
JK -Je ne peux pas vous dire c’est qui. Parce que lui même ne m'a jamais dit qui à, qui lui a
ordonné de signer. Il m’a tout simplement dit que ils ont accordé, que lui a signé un document qui
accorde l’autorisation aux militaires français à atterrir à Kigali.
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PD -Il aurait été intéressant que vous continuez avec les ils, c'était qui les ils. Le, le, il y a des
gens à ce moment-là, puis on sait que c’est supérieur à vous de la façon que vous établirez plus tard,
des gens qui sont supérieurs au gouvernement, que vous établissez selon votre ordre hiérarchique
à vous, il existe deux niveaux, qui sont les partis politiques et le comité militaire de crise.
JK -Oui.
PD -Donc on peut présumer que Monsieur Jérôme a eu une influence de ces gens-là ?
JK -C’est, ça ne peut venir que de là, si c’est pas le gouvernement qui l’a fait, je ne vois pas
d’autres structure qui aurait pu le lui demander à part le, les partis politiques qui venaient de nous
convoquer et le comité militaire de crise qui avait lui même convoqué les partis politiques.
PD -Ça doit donc originé [sic] d’eux ?
JK -Oui.
PD -Suite à une demande du gouvernement français, on doit faire ça.
MD -Mais, il y a pas, dans votre discussion vous avez pas, vous avez pas identifié les personnes
avec qui, qui lui en avaient parlé ?
TK -Non.
MD -Il vous a jamais menti... il vous a, il a jamais fait mention de... parce que, comme on disait,
n'ayant pas pris sur lui d’écrire cette directive ou d’émettre la directive. il y a, il y a, il y a pas...
vous lui avez pas posé la question “comment ce fait-il que tu émets une directive comme ça 277
JK -Non, j'ai, je ne lui ai pas posé la question, je ne lui ai pas demandé d’où est venu le papier
qu’il a signé, je n’ai pas posé cette question-là.
PD _C’est une situation de fait. Vous avez été mis devant le fait établi, consommé, que vous été
obligé de prendre. Ok, est-ce que t'as autre chose Marcel que t’aimerais aborder ?
MD -Il y avait, ça on se demandait si on était pour le parler un peu plus tard de, du rôle de
Bagosora dans la formation du comité de crise, on l’a touché au début, on disait que après des
consultations, vous de ce que vous avez vu à la réunion, est-ce que cet homme-là avait une influence
réelle sur le comité ?
JK -Ça ne pouvait être que ça, dans la mesure où, le premier qui a pris la parole était la personne
indiquée pour diriger la réunion. Le général Ndindiliyimana était le plus ancien dans le grade le plus
élevé. Pour l'instant, çe que je connais de la hiérarchie militaire, c’est comme ça que ça se fait, c’est
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le plus ancien dans le plus grade le plus élevé qui dirige toutes les réunions, sauf pour des dossiers
techniques il peut passer la parole aux techniciens qui maîtrisent mieux un tel ou tel autre dossier.
Je crois que c’est comme ça que ça c'est fait. Il a ouvert la réunion, en tant que le plus haut gradé,
puis il a passé la parole à la personne qui était censée mieux maîtriser la situation. Qui était
Bagosora.
MD -Est-ce que, est-ce que c’est commun d’avoir, parce que, Bagosora n’est plus un militaire,
il est à la retraite. Il est directeur du cabinet du ministère de la défense, comment peut-il devenir le
président d’un comité militaire si lui-même n’est plus un militaire ?
JK -Je crois que vous touchez un point justement, qui peut le rendre président d’un comité
militaire, s’il n’était pas ministre de la défense, s’il ne représentait pas le ministre de la défense oui,
mais s’il est directeur de cabinet au ministère de la défense, que le ministre n’est pas là, il peut...
MD -Iine peut que représenter le ministre de la défense ?
JK -Oui.
MD _-Alors comment peut-il devenir, comment peut-il jouer un rôle militaire tout en jouant un rôle
politique ?
JK -Je crois qu’il jouait les deux. Parce que les, s’il est ministre de la défense, il doit être
l'interlocuteur des militaires avec les politiciens. Par définition.
MD -Quel est son rôle dans le comité ?
JK -C'’est ça qu’il a fait, il est, il a réussi...
MD -Il a présidé ? |
JK II a réussi à mettre en commun les militaires et les politiciens.
MD -Mais lui-même, lui-même, il présidait le comité ?
JK -Oui. 11 présidait le comité militaire.
MD -Il présidait le comité militaire ?
JK -Oui. D’après ce qu’on m'a dit parce que je n’ai pas vu la réunion du comité militaire seul.
J'ai vu cette réunion où le comité militaire était avec les partis politiques.
MD -Est-ce qu’il n’aurait pas eu présidé un comité politique, étant au ministère de la défense ?
JK -Pardon ?
MD _-Etant ministre, étant représentant du ministre de la défense, est-ce qu’il aurait pas dû occuper
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un rôle plutôt politique que militaire ?
JK -Là vous me posez une question à laquelle je ne peux pas répondre, je ne sais pas si, Si il
aurait dû occuper un rôle plutôt militaire ou plutôt politique. Il est ministre de la défense, je crois que
il est délégué par les politiciens pour les représenter au sein de l’armée.
MD -Ouais. Mais il était clair que il avait les choses en main.
JK -Oui.
MD -Ilétait clair que c’est lui qui dirigeait.
PD -Comment avez-vous fait pour identifier que c’était Monsieur Bagosora qui était le président
du comité militaire de crise ?
JK -Je l'ai su, j'ai essayé de m’informer pour savoir, et puis Ndindiliyimana l’a dit. Quand il l’a
présenté.
PD -Bon, la sonnerie est revenue. Je peux pas m'expliquer, vous avez vu, le, de toute façon
j'aimerai vous spécifier que vous avez, on entend la sonnerie à 29 minutes, sur l’autre côté du ruban,
vous avez pas entendu la sonnerie vous non plus ?
TK -Non.
PD -Mais vous avez vu que j’ai changé de ruban de façon à, sans aucun délai, puis qu’on s’est
pas échangé de paroles pendant le, le changement du ruban. On va s’arrêter, le temps d’une petite
pause, et puis le temps de sceller mes choses.
JK -Oui.
PD -Il est, quelle heure il est, il est, il est... 10 heures 57.
Fin de la face B de la cassette 13.
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