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Un nouveau round débute à l’orée de 1980. Le 22 mars 1980, les factions Weddeye et Habré s’écharpent. Le GUNT vole en éclat. De mars à décembre 1980, plus de 7 000 Tchadiens sont tués dans les combats urbains à N’Djaména entre d’une part, les FAN de Habré et d’autre part, les FAP de Weddeye renforcés d’éléments des FAT. Le 4 mai, la France met un terme à l’opération Tacaud, laissant le champ libre aux Libyens. Ils ne se font pas prier pour répondre à Weddeye qui les sollicite, au nom d’un traité de défense qui est signé le 15 juin 1980 à Tripoli. Un pont aérien est tout d’abord organisé, avec une base que construisent les FAP à Am Sinéné. Ironie de l’Histoire, nous retrouverons cette base, quelques années plus tard…
Seconde bataille de N’Djaména et guérilla
Au mois d’octobre, aviation et artillerie libyenne pèsent de tout leur poids dans la seconde bataille de N’Djaména (la première ayant eu lieu en 1979) : 3 500 réguliers libyens, 1 500 combattants de la Légion islamique… Ainsi, au 08 décembre 1980, la Libye aligne environ 5 000 hommes dans la capitale tchadienne, avec 50 chars T-55, de nombreux blindés et une artillerie (dont des lance-roquettes multiples BM-21), auxquels s’ajoutent aussi 150 conseillers techniques est-allemands et quelques Cubains. Dans l’ensemble du Tchad sont déployés environ 10 000 Libyens. Les FAN ne peuvent rien.
Le 15 décembre, s’en est fini de la résistance d’Habré. Le vaincu s’enfuit au Cameroun. Il séjourne aussi au Soudan. Là-bas, début 1981, tandis qu’un accord « de principe » annonce la fusion entre le Tchad et la Libye, Habré rencontre le chef de station de la CIA à Khartoum. Nouvellement élu Président des Etats-Unis, Ronald Reagan veut la « peau » de Kadhafi (qui le lui rend bien). La Maison Blanche décide d’aider Hissène Habré pour qu’il reprenne la main au Tchad. Washington financera (10 millions de dollars entre 1981 et 1982, soit 26,2 millions de dollars 2014), fournira des équipements via le Soudan ou d’autres pays. Le SDECE (Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage) français (qui deviendra bientôt la DGSE), les services irakiens ainsi que – évidemment – les Soudanais, ne sont pas en reste. Dorénavant, Habré n’est plus seul face à Weddeye et à Kadhafi… En ce qui concerne les Irakiens, ils placent leurs « billes » car l’Iran, avec qui ils sont en guerre depuis 1980 a décidé de soutenir Kadhafi…
A cette date, les forces en présence s’établissent à environ 5 000 hommes pour les FAP, environ 3 000 du Conseil Démocratique Révolutionnaire (CDR ; dont nous reparlerons ultérieurement) au sein du GUNT pro-libyen, de 3 000 à 5 000 combattants pour les FAT désormais organisation armée régionale sudiste, quant à Hissène Habré, il dispose d’environ 4 000 partisans qui s’implantent à l’est du Tchad et au Soudan.
Le Tchad, zone de guerre internationale
La conjoncture régionale joue en la faveur d’Hissène Habré : 12 pays d’Afrique rejettent l’idée d’une union Libye-Tchad que Kadhafi tente de l’imposer à Weddeye le 06 janvier 1981. Ils affirment leur d’opposition en signant la résolution de Lomé, le 14 janvier 1981. Soulagé de s’affranchir à bon compte d’un encombrant allié, Weddeye souscrit à ce rejet. Il reçoit la bénédiction
de l’OUA le 28 juin de la même année. Kadhafi est mécontent, mais il n’a pas le choix, à moins d’apparaître comme un colonialiste
. Début novembre 1981, les forces libyennes quittent donc N’Djaména sans concertation avec le GUNT. Elles remontent vers le nord du Tchad. Toutefois, elles gardent la bande d’Aouzou. A la place des Libyens, l’OUA missionne une force d’interposition avec 2 000 Nigérians, 2 000 Zaïrois et 800 Sénégalais…
Hissène Habré, lui, se frotte les mains : les Libyens ont reculé, Weddeye est en position de faiblesse. D’autant que plusieurs pays de l’OUA qui devaient participer à la force d’interposition ne le font finalement pas. Ses troupes à lui s’entraînent au Darfour. Leurs instructeurs sont Egyptiens, mais aussi Français, recrutés via Bob Denard. La préparation paie lorsqu’il attaque enfin. D’entrée, en décembre 1981, son offensive est un succès. Faya Largeau est prise en janvier 1982. La surprise est totale aussi bien à N’Djaména qu’à Tripoli. L’aviation libyenne (dont certains de ses pilotes, durant les années 1980, sont… Syriens) intervient. Mais elle ne démontre que son inefficacité : ses bombes tombent au mieux sur des troupeaux ou au pire dans le désert. Quand ses appareils ne sont pas descendus par des FAN qui possèdent des SATCP SA-7 !
Le 05 juin, les troupes du GUNT sont mises en pièces par les éléments motorisés des FAN. A l’issue d’une épique chevauchée motorisée, en roulant à tout birzingue
, Habré et ses Goranes s’emparent de N’Djaména le 07 juin 1982. Weddeye se réfugie en Algérie où le Président Bendjedid l’encourage à renouer avec la Libye. Bendjedid ayant lui-même été incité à ces encouragements par Kadhafi. Au Tchad, Idriss Déby est nommé commandant en chef ; en 1985 il sera envoyé étudier à l’Ecole de Guerre à Paris.
A chacun son tour
C’est au tour du GUNT d’entrer en guérilla. Il se reconstitue militairement au Nigeria et dans le nord Cameroun, mais aussi au Bénin, recrutant environ 4 000 hommes qu’arme Kadhafi. Les combattants de la Légion islamique et les réguliers Libyens de Kadhafi (environ 3 000 hommes) constituent le rouleau compresseur. Avec la puissance de feu des blindés, de l’artillerie et de l’aviation, ils mettent en pièces les troupes gouvernementales tchadiennes. Les rebelles des GUNT, plus légèrement armés, manoeuvrent, effectuent les reconnaissances, nettoient le terrain. Tâches qui incombent pour l’essentiel aux combattants d’une coalition au sein du GUNT, l’Armée Nationale de Libération (ANL). L’ANL sert aussi de branche armée
au GUNT. Un sudiste
parmi les nordistes
, le général Djogo, la commande.
Devant la violence de la poussée, les Forces armées nationales tchadiennes (FANT, issues de l’amalgame des FAN et des FAT en septembre-octobre 1982) doivent se replier avec de lourdes pertes. L’ennemi capture Faya Largeau le 24 juin 1983. Dès lors, la localité n’est plus uniquement la capitale du BET, elle devient de facto celle du GUNT. C’est aussi un point stratégique : qui tient la localité peut prendre N’Djaména. Mais c’est également un point de convergence entre le massif du Tibesti, au nord ouest et le plateau de l’Ennedi, à l’est.
Mercenaires et Zaïrois
Toujours en juin, avec le concours de la DGSE, une trentaine d’hommes sont recrutés en France (en deux équipes, à quelques jours d’intervalle). Acheminée par C-130, la première équipe encadre les éléments des FANT chargés de reconquérir Largeau sous le commandement d’Hissène Habré. Parmi ces Français, il y a notamment des spécialistes Milan. Faute d’avoir suffisamment de temps pour former les Tchadiens à leur utilisation, ils les serviront eux-mêmes.
Il y a urgence : le 8 juillet, Arada est tombée. Le 9, c’est Abéché qui est perdue. Vite reprise, toutefois, le 12 ; Kadhafi n’est pas enthousiaste à l’idée d’un conflit ouvert, même limité, avec la France. Il réduit donc considérablement son soutien aux forces de l’ANL les plus avancées au sud, bien au-delà du 16e parallèle. Privées de carburant, les éléments de Djogo ne peuvent tenir la localité.
Début juillet, Habré reçoit le renfort de Zaïrois expédiés par Mobutu : 3 chasseurs-bombardiers Mirage 5, 3 avions d’attaque MB326 et 2 000 parachutistes de la Brigade Spéciale Présidentielle (BSP). Leur utilité est considérée comme négligeable par les officiers de renseignement américains et français. D’ailleurs, les avions sont rapidement signalés comme non-opérationnels.
Les batailles de Faya Largeau
A la fin du mois de juillet 1983, les FANT sont enfin prêtes. L’affaire s’annonce bien. Nerveuse et brutale, leur contre-attaque dans le secteur de Faya Largeau bouscule les GUNT et leurs appuis libyens. Les Milan pulvérisent les EE-9 Cascavel de la Légion islamique et de l’ANL. La capitale du GUNT
tombe sans combat le 30 juillet.
Au sujet des contractuels
français, les risques d’être pris la main dans le sac
sont trop grands et Mitterrand ne veut pas être mis en défaut par Kadhafi. Les conseillers militaires
sont donc exfiltrés. Décision d’autant plus judicieuses que les FANT se livrent à des exactions (notamment 200 exécutions sommaires) de membres du GUNT (ou suspectés d’appartenir au GUNT) restés dans le secteur. Pour ceux qui sont faits prisonniers, leur sort n’est pas plus enviable : d’effroyables conditions de détention les attendent…