Fiche du document numéro 20425

Num
20425
Date
Mardi 22 février 2011
Amj
Auteur
Fichier
Taille
86603
Pages
2
Urlorg
Titre
Les fiascos du renseignement français
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Ces trois dernières années ont vu une réforme très profonde intéressant les services spéciaux (Direction générale de la sécurité extérieure, DGSE) et ceux du renseignement, marquée notamment par la création d’un Conseil national du renseignement et d’un coordinateur national du renseignement. Et surtout par la fusion de la Direction de la surveillance du territoire (DST) et des RG sous l’appellation Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Dans les milieux politiques intéressés, on s’est largement félicité du surcroît d’efficacité et des gains de « productivité » que ces changements apportaient.

Quel bilan en tirer : une conduite de la France en aveugle en Tunisie et en Egypte, huit otages éparpillés quelque part entre le Moyen-Orient et l’Afrique, quatre otages morts en trois tentatives de récupération en Somalie, en Mauritanie et au Niger. Un bilan exécrable doit donc être dressé à la charge du couple services spéciaux et services de renseignement-pouvoir politique, et une question doit être posée : est-ce l’outil ou est-ce son usage qui est en cause ?

Il y a vingt ans bientôt, dans une note de janvier 1992, la DGSE écrivait : « Notre pays doit envisager avec lucidité l’arrivée du FIS aux commandes du pays. Et dès aujourd’hui, tout faire pour ne pas diaboliser le pouvoir islamique qui se mettra en place, envisager les signes qui conviennent pour montrer sa volonté de collaborer étroitement avec l’Algérie quel que soit le choix démocratique de son peuple. » Sans doute ce conseil ne fut pas suivi, mais au moins l’arbitrage politique qui fut rendu l’a-t-il été à l’époque avec une claire vision des choses permise par une prévision exacte des événements à venir.

En Tunisie, « on n’a rien vu venir », répète à l’envi le pouvoir politique. Le Parlement va probablement, comme cela lui revient, poser quelques questions sur cette cécité de l’exécutif. Préparons en certaines pour lui. Quelle a été, dans les six mois, qui ont précédé les événements, l’analyse de la situation tunisienne par la DGSE et par la DCRI ? Comment le coordinateur et le Conseil l’ont-ils portée, le cas échéant, à la connaissance du pouvoir politique et défendu auprès de lui ? Comment le Sahel, zone rouge permanente de la DGSE, a-t-il été laissé, semble-t-il, en déshérence par la DGSE ? Comment et par qui ont été prises les décisions de libération des otages et de son mode opératoire ? Pourquoi, tant en Somalie qu’en Mauritanie et au Niger, est-ce une unité de l’armée française, dénommée à tort « force spéciale », et non les forces spéciales de la DGSE qui ont été mises en œuvre ?

Jamais dans les dernières décennies, un bilan aussi négatif n’a pu être dressé pour ce qui a trait au domaine d’action des services spéciaux et de renseignement. Ici comme ailleurs, la réforme pour la réforme et nulle autre visée.

Claude Silberzahn Directeur général de la DGSE de 1989 à 1993
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