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Le pays entier bascule dans la démence, sous les yeux d'une communauté internationale tenant un discours dérisoire. Mercredi soir, des médiateurs ghanéens sont arrivés à Monrovia.
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LE continent africain est-il promis à la folie? Asphyxiés par les pillages et chantages financiers orchestrés depuis l'Occident et les dictatures qui y ont trouvé l'occasion de s'affirmer, nombre de pays sont en voie d'implosion et de basculer dans l'horreur absolue. Il y a eu, hier, la Somalie; aujourd'hui, le Burundi et, plus encore peut-être, le Liberia.
Sa capitale, Monrovia, est livrée au pillage et ne connaît plus de loi. Voilà une semaine, l'US Navy faisait savoir qu'elle arrivait à la rescousse. Sur le terrain, les différentes factions continuaient d'entrer dans la danse. Là encore, l'« ethnisme » est évoqué, non pour éclairer les perspectives, mais plutôt pour brouiller les cartes et dépeindre la situation aux couleurs d'une fatalité historique contre laquelle personne ne pourrait rien.
Le pays entier est voué au règne de l'incohérence et de l'atroce depuis décembre 1989, année où la dictature de Samuel K. Doe provoquait l'émergence de factions rebelles armées. Lesquelles s'affrontaient ensuite pour se disputer le pouvoir. Depuis, les initiatives diplomatiques se sont succédé, aussitôt réduites au rang de chiffons de papier: juillet 1993, « accords de paix » de Cotonou; élections générales annoncées pour septembre 1994 et reportées sine die; septembre 1994, à l'initiative du chef d'Etat ghanéen, Jerry Rawlings, réunion des chefs de guerre libériens à Akosombo...
Dans les jours suivants cette rencontre, les « Forces armées libériennes » (AFL, faction formée par l'ancienne garde présidentielle de Samuel Doe) tentaient de déloger le Conseil d'Etat de « Manston House ». Après ce putsch avorté, les combats reprenaient de plus belle, opposant les AFL, le NPFL (Front national patriotique du Liberia) de Charles Taylor, l'ULIMO (Mouvement uni de libération) d'Ahaji Krosman; ces deux dernières formations connurent ensuite des scissions et des conflits internes. Puis apparurent le LPC (Conseil libérien de paix) de George Boley et la LDF (Force de défense du comté de Lofa) de François Massaquoi. Qui combat qui? En fait, le minimum d'appareil d'Etat ayant disparu, des seigneurs de guerre s'affrontent pour le partage d'un pouvoir devenu illusoire. Entre eux, le tourbillon des réfugiés tentant d'échapper à la tourmente. Dehors, une communauté internationale prenant des airs navrés et faisant mine d'ignorer ses propres responsabilités.
Une délégation de médiateurs ghanéens, dépêchée par le président Jerry Rawlings, est arrivée mercredi soir à Monrovia dans l'espoir de négocier un cessez-le-feu entre les factions rivales du Liberia, a indiqué la force d'interposition ouest-africaine (ECOMOG). Quelques heures auparavant, les combats s'étaient (provisoirement?) apaisés dans la capitale libérienne après l'assaut vainement lancé la veille contre la caserne de Barclay, où sont retranchés les combattants krahns de la faction de Johnson Roosevelt. Si un accord de paix devait être signé, il serait le quatorzième en sept ans, depuis que les forces de Charles Taylor, venues de Côte d'Ivoire, ont envahi le pays. Déjà plus de 150.000 morts.
Autre information parvenue hier: le choléra a fait 56 morts depuis son apparition, il y a six jours, au camp militaire Barclay de la capitale libérienne... « Nous sommes privés d'eau, de nourriture et de médicaments et aucun de nos appels à la communauté internationale n'a été suivi d'effet », a ajouté le porte-parole de l'AFL...
JEAN CHATAIN.