Fiche du document numéro 18572

Num
18572
Date
Vendredi 14 février 2014
Amj
Auteur
Fichier
Taille
466852
Pages
19
Titre
La France, complice et commanditaire du génocide des Tutsi
Type
Conférence
Langue
FR
Citation
La France, complice et commanditaire du
génocide des Tutsi
Jacques Morel
Salon anticolonial, 14 février 2014, v1.0
Dans tout ce qui suit nous désignons par « la France » les responsables du
pouvoir exécutif et plus précisément le président de la République. Mais comme
la France se dit un pays démocratique, la France désigne tous les Français. 1

1

La Convention pour la prévention et la répression du génocide

L’assemblée générale des Nations Unies réunie au Palais de Chaillot à Paris
le 9 décembre 1948, approuvait à l’unanimité le texte de la « Convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide ». Le génocide y est défini
comme « l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire,
en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme
tel : a) Meurtre de membres du groupe, etc »
Ce n’est qu’en mars 1994 que la France a intégré le crime de génocide et les
crimes contre l’humanité dans son Code pénal comme le stipulait l’article V de
la Convention. On s’interroge sur ce qui s’est passé durant ces quarante quatre
années écoulées entre 1950 et 1994, pour que la France ne l’ait point fait plus
tôt.
Cette définition du crime de génocide et des crimes contre l’humanité dans
le droit international s’est faite suite à l’extermination des Juifs d’Europe. Ceci
conduit Aimé Césaire à écrire dans son Discours sur le colonialisme que « ce
n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de
l’homme en soi » qui était condamné par le « très distingué, très humaniste,
très chrétien bourgeois du XXe siècle » mais « c’est le crime contre l’homme
blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des
procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les
coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique. »
Mais les horreurs caractéristiques de la colonisation ne se sont pas terminées,
en 1962, notamment pour ce qui est de la responsabilité de la France...
1. Le lecteur trouvera la plupart des documents cités sur le site http://www.
francegenocidetutsi.org/.

1

2

EN 1994 LES RWANDAIS IDENTIFIÉS COMME TUTSI ONT ÉTÉ VICTIMES D’UN GÉNOCIDE2

2

En 1994 les Rwandais identifiés comme Tutsi
ont été victimes d’un génocide

Une heure après l’attentat contre l’avion du président rwandais Habyarimana le 6 avril 1994 à 20 h 30, les Rwandais désignés comme Tutsi par leur carte
d’identité furent systématiquement massacrés par des militaires, des miliciens,
des membres de l’auto-défense civile, des paysans, sur l’ordre d’une organisation
montée par le colonel Bagosora puis par le gouvernement intérimaire à partir du
9 avril. L’essentiel des massacres eut lieu en avril dans les églises, les stades, les
écoles, les hôpitaux. Le génocide dura jusqu’à ce que le gouvernement rwandais
et son armée furent défaits et contraints à la fuite par le Front patriotique rwandais, le 17 juillet 1994. Il continua encore quelques temps à basse intensité dans
la zone Turquoise où les tueurs purent se maintenir et ne furent pas désarmés.

2.1

Un génocide annoncé

Déjà le 11 août 1993, un an avant le génocide, M. Waly Bacre Ndiaye, rapporteur spécial de la Commission des Droits de l’homme des Nations Unies,
constatait que, dans les massacres commis au Rwanda depuis 1990, « des Tutsis
dans l’écrasante majorité des cas, ont été désignés comme cibles uniquement à
cause de leur appartenance ethnique, et pour aucune autre raison objective » 2
et il estimait que ces actes correspondaient à la définition du génocide.

2.2

Une reconnaissance du génocide retardée

La reconnaissance du génocide des Tutsi par l’ONU fut retardée par le processus suivant :
- 21 avril 1994 : Alors que les massacres font rage, le Conseil de sécurité réduit
les effectifs des Casques bleus de 2 500 à 270. Le représentant de la France, Hervé
Ladsous, vota en faveur de cette réduction. 3 C’est lui qui, actuellement, dirige
le département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies.
- 30 avril 1994 : La déclaration du Président du Conseil de sécurité ne parle
pas de génocide. « La France a dû s’opposer, écrit le général Quesnot, à une
condamnation partisane des seules exactions commises par les forces gouvernementales ». 4
2. Rapport présenté par M. Waly Bacre Ndiaye, rapporteur spécial, sur la mission qu’il a
effectué au Rwanda du 8 au 17 avril 1993, Conseil économique et social des Nations Unies,
E/CN.4/1994/7/Add.1, 11 août 1993 - Original : Français, section 79, page 23. http://www.
francegenocidetutsi.org/rapport-Bacre-Ndiaye-Rwanda-1993.pdf
3. ONU, S/RES/912, 21 avril 1994. http://www.francegenocidetutsi.org/94s912.
pdf 3368e séance du Conseil de sécurité, 21 avril 1994, S/PV.3368, p. 6. http://www.
francegenocidetutsi.org/spv3368-1994.pdf
4. Christian Quesnot, chef de l’état-major particulier, Note du 2 mai 1994 à l’intention
de Monsieur le Président de la République. Objet : Votre entretien avec M. Léotard, lundi 2
mai. Situation. Note manuscrite : « Vu. HV », p. 2. http://www.francegenocidetutsi.org/
Quesnot2mai1994.pdf

2

EN 1994 LES RWANDAIS IDENTIFIÉS COMME TUTSI ONT ÉTÉ VICTIMES D’UN GÉNOCIDE3

- 25 mai 1994 : La Commission des Droits de l’homme de l’ONU réunie
en session extraordinaire sur le Rwanda déclare que « des actes ressortissants
au génocide se sont vraisemblablement produits au Rwanda » et nomme un
rapporteur spécial, René Degni Ségui.
- 23 juin 1994 : La France obtient un mandat de l’ONU sous chapitre VII
pour envoyer 2.500 soldats au Rwanda afin de protéger les civils en danger au
Rwanda « de façon impartiale et neutre ». 5 Il n’est pas question de génocide,
encore moins d’y mettre fin et d’arrêter les présumés coupables.
- 28 juin 1994 : René Degni-Ségui explique dans son rapport que le massacre
des Tutsi au Rwanda est un génocide. 6
- 1er juillet 1994 : Le Conseil de sécurité, dans sa résolution 935 ne retient
pas qu’il y a un génocide, conclusion du rapporteur spécial René Degni-Ségui,
qui exigeait une action immédiate. Il demande au Secrétaire général de former
d’urgence une commission « impartiale » d’experts chargés d’enquêter, de réunir
des preuves sur « de possibles actes de génocide » et de fournir un rapport « dans
les quatre mois qui suivront sa mise en place ».
- 1er août 1994 : Boutros Boutros-Ghali nomme les membres de la commission
d’experts créée par la résolution 935.
- 21 août 1994 : L’opération Turquoise se retire sans avoir arrêté un seul
criminel présumé.
- 4 octobre 1994 : La commission d’experts, formée par la résolution 935 du
1er juillet 1994, conclut dans son rapport intérimaire du 4 octobre 1994 qu’il y
a eu génocide des Tutsi mais pas de génocide des Hutu. 7
- 8 novembre 1994 : Dans sa résolution 955, le Conseil de sécurité décide
de la création d’un Tribunal international pour le Rwanda (TPIR), « chargé
uniquement de juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide
ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le
territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels
actes ou violations commis sur le territoire d’États voisins, entre le 1er janvier
et le 31 décembre 1994, et d’adopter à cette fin le Statut du Tribunal criminel
international pour le Rwanda annexé à la présente résolution. » 8

2.3

La France devait arrêter les présumés coupables

Le moins que l’on puisse dire est que la France n’a pas respecté les termes de
l’article VI de la Convention de 1948 qui stipule que « les personnes accusées de
génocide seront traduites devant les tribunaux compétents ». Au contraire, elle
a favorisé leur fuite au Zaïre.
5. ONU, S/RES/929 (1994) http://www.francegenocidetutsi.org/94s929.pdf
6. René Degni-Ségui, 1er rapport du 28 juin 1994, ONU, A/49/508, S/1994/1157 ; Commission des Droits de l’homme de l’ONU, E/CN.4/1995/7. http://www.francegenocidetutsi.
org/94s1157.pdf#page=13
7. ONU, S/1994/1125, section 148, p. 31. http://www.francegenocidetutsi.org/
sg-1994-1125.pdf#page=31
8. ONU, S/RES/955 (1994), section 1, p. 2. http://www.francegenocidetutsi.org/
94s955.pdf#page=2

3

LA FRANCE EST-ELLE IMPLIQUÉE DANS LE GÉNOCIDE ?

4

Personne ne s’insurge en France contre cette violation de la Convention
contre le génocide, aucun parti, aucun juriste, aucun humanitaire, aucun défenseur des Droits de l’homme.

3

La France est-elle impliquée dans le génocide ?

A-t-elle été complice des auteurs de ce génocide ? Un grand silence règne en
France quant à son rôle.
En revanche, il est fait grand bruit sur le dictateur de Kigali qui, dans sa soif
de conquête du pouvoir, n’aurait pas hésité à provoquer le génocide des Tutsi,
se serait vengé en commettant un second génocide contre les Hutu et en aurait
fait un troisième au Congo pour y assouvir sa soif de coltan.

3.1

Quel but poursuivaient les dirigeants français au Rwanda ?

Depuis De Gaulle et Foccart, l’objectif était de prendre le contrôle des anciennes colonies belges, du riche et immense Congo en particulier, au prétexte
que les populations sont francophones. Souvenons-nous du soutien à la sécession
du Katanga, du fiasco des mercenaires Denard et Faulques. La France reprendra
pied au Zaïre avec l’expédition sur Kolwezi en 1978, où elle dame le pion aux
Belges.
Au Rwanda et au Burundi, qui sont des portes d’accès aux richesses minières
du Zaïre, le moyen privilégié a été d’installer une coopération militaire puis
d’utiliser les conflits ethniques pour prendre la place des Belges qui deviennent
plus soucieux du respect des Droits de l’homme. Les luttes inter-ethniques sont
donc en quelque sorte bienvenues pour les Français.

3.2

Les Tutsi adulés puis haïs par les Européens

Les premiers explorateurs Européens qui partirent à la recherche des sources
du Nil, reconnurent dans les royaumes bien organisés de la région des Grands
Lacs, dirigés par des hommes très grands au nez fin, ces Hamites de race « caucasienne » venus d’Egypte ou d’Ethiopie. Cette notion de Hamite fut inventée par
le marquis De Gobineau dans son « Essai sur l’inégalité des races humaines »,
qui inspira beaucoup d’idéologies racistes, dont celle des nazis. Les Hamites
sont des descendants de Cham qui s’étaient mélangés avec des Noirs. Ils étaient
exempts de la malédiction de Noë sur Cham qui vouait ses descendants à la
condition d’esclave. Au contraire « une goutte de sang blanc » les promouvait
au rang de race supérieure.
Les colonisateurs européens s’appuyèrent sur ces Hamites, les Tutsi, pour
dominer le reste de la population Hutu et Twa qualifié de bantou. Ce terme
bantou désignait au départ un groupe de langues. Mais Hutu et Tutsi au Rwanda
ont toujours parlé la même langue. Le terme bantou finit par désigner une race.
L’opposition Bantou-Hamite a la même origine que la distinction Aryen-Sémite,

3

LA FRANCE EST-ELLE IMPLIQUÉE DANS LE GÉNOCIDE ?

5

qui de linguistique, devint raciale. Ces distinctions raciales menèrent chacune à
un génocide.
L’idéologie du génocide est fondée sur ce mythe hamitique selon lequel les
Rwandais tutsi constituent une race supérieure venue d’Egypte qui a envahi le
Rwanda et réduit les Hutu en esclavage.
Cette théorie a été diffusée au Rwanda par les missionnaires, en particulier les
Pères blancs, un ordre très français fondé par Mgr Lavigerie. Les missionnaires
ont eu le monopole de l’enseignement jusqu’à très récemment. Ils ont inventé
l’écriture de la langue, le kinyarwada. Ils ont écrit l’histoire du Rwanda (Pagès
et de Lacger).
Mgr Classe poussa les colonisateurs belges à s’appuyer sur les Tutsi de la
Cour royale. La stratégie d’évangélisation des Pères blancs était d’obtenir la
conversion des dirigeants afin qu’elle entraîne celle du peuple. Le Mwami Musinga restant attaché à la religion traditionnelle, Mgr Classe le fit remplacer par
son fils Rudahigwa. Il s’ensuivit une vague de conversion, la Tornade du Saint
Esprit. Ainsi les catéchumènes abandonnèrent toute leur traditions et firent leur
la parole des bons Pères. Un décervelage en quelque sorte !

3.3

La Révolution sociale

À la fin des années 50, l’élite tutsi privilégiée par le colonisateur manifesta des
velléités de s’affranchir de la tutelle belge et du monopole de l’Église catholique
sur l’enseignement. L’archevêque Perraudin renversa alors l’alliance de l’Église
et soutint les revendications des Hutu. Un mouvement politique d’inspiration
raciste anti-tutsi naquit. Il dénonçait la colonisation des Hutu par les Tutsi
comme bien pire que celle des Belges.
Le soulèvement des Hutu contre les Tutsi fut orchestré par l’Église et les
Belges, lesquels étaient affrontés au risque de perdre le Congo. Tout commença
par la mort subite du Mwami à peine sorti d’une consultation auprès d’un
médecin belge.
La Belgique soutint l’accession du Rwanda à l’indépendance en 1962. Elle fut
appuyée par la France. Pour les dirigeants français il était naturel de soutenir
les « républicains hutu » contre les « féodaux tutsi ».
La prétendue « Révolution sociale » qui commença en 1959 fut une suite de
pogroms qui ont provoqué la mort ou l’exil de plusieurs centaines de milliers de
Tutsi et maintenu dans un statut d’infériorité ceux qui sont restés.
Ces pogroms ont été un véritable petit génocide comme l’expliquait un enseignant suisse, M. Vuillemin dans le journal Le Monde du 4 février 1964. Après
une incursion d’un petit groupe de tutsi armés en provenance du Burundi et
qui n’eut aucune suite, les autorités se vengèrent sur les Tutsi de l’intérieur :
« la répression exercée dans la préfecture de Gikongoro constitue, elle, un véritable génocide. Excitées par le préfet, les bourgmestres et les commissaires du
Parmehutu, des bandes de tueurs exterminèrent systématiquement, du 24 au 28
décembre, les Tutsis. Dans la plupart des cas, les femmes et les enfants ont été
également assommés à coups de massue ou percés de lances. Les victimes sont

4

LE TUTSI ENNEMI DE LA FRANCE

6

le plus souvent jetées dans la rivière après avoir été déshabillées. » 9
Dans un discours le 11 mars 1964, le président Grégoire Kayibanda s’adressa
aux Tutsi en ces termes : « Quand tous les hommes de bonne volonté auront
ouvert les yeux et reconnu la méchanceté de vos manœuvres, le terme tutsi ne
gardera que le sens de séide des forces anti-africaines ou signifiera ethnie nomade et terroriste... En supposant que vous réussissiez l’impossible en prenant
d’assaut la ville de Kigali, expliquez-moi un peu comment vous imaginez le chaos
qui résulterait de ce coup d’éclat et dont vous seriez les premières victimes ?... Ce
serait la fin totale et précipitée de la race tutsi. Que ces complices en subissent
les conséquences, il n’y a rien de plus normal. » 10
Donc dès 1964, le fondement génocidaire de la République hutu du Rwanda
était connu en France. Qu’on ne nous raconte pas que rien n’annonçait le génocide d’avril 1994 !

3.4

Le coup d’Etat de 1973

Après un nouveau pogrom contre les Tutsi, l’armée rwandaise, formée de
Hutu de la région du Nord, renversa le président Grégoire Kayibanda. Le général
Habyarimana prit le pouvoir. Il instaura un système d’apartheid avec des quotas
contre les Tutsi de l’intérieur. Il avait le soutien de la France qui signa en 1975 un
accord d’assistance militaire. Limité à la gendarmerie, ce n’était pas un accord
de défense.

4
4.1

Le Tutsi ennemi de la France
L’attaque du Front patriotique rwandais

L’attaque du Front patriotique rwandais (FPR) d’octobre 1990 ne peut être
considérée indépendemment du génocide commencé en 1959. Ce sont des exilés
chassés de leur pays qui veulent y retourner et se le sont vus interdire par
Habyarimana qui leur répondait que « le Rwanda est déjà surpeuplé ».
À la demande du président rwandais, la France intervint aussitôt en envoyant
des troupes « pour la protection de nos ressortissants ». C’est un prétexte bien
commode.

4.2

La France en guerre contre les forces tutsi

Cette attaque d’octobre 1990 apparaît aux dirigeants français comme une
nouvelle tentative des Tutsi pour revenir à la situation antérieure à cette « révolution » de 1959 qui les a chassés. Dès lors, l’ennemi de la France au Rwanda est
9. L’extermination des Tutsis,
Le
Monde,
4
février
1964.
http://www.
francegenocidetutsi.org/LM4-02-1964.jpg
http://www.francegenocidetutsi.org/
Vuillemin.pdf
10. Message du Président Grégoire Kayibanda aux réfugiés rwandais, 11 mars 1964.
Cf. Rwanda Carrefour d’Afrique, No 31, Mars 1964. http://www.francegenocidetutsi.org/
Kayibanda11mars1964.pdf

4

LE TUTSI ENNEMI DE LA FRANCE

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le Tutsi, comme le montrent les notes du chef d’état-major particulier, l’amiral
Lanxade, au Président de la République, lui parlant d’« agresseur ougandotutsi », de « forces tutsies », 11 de nouvelle « offensive ougando-tutsie » 12 au lieu
de dire FPR ou rebelles. Ecrivant que ces « envahisseurs tutsis, [...], méconnaissant les réalités rwandaises, rétabliraient probablement au Nord-Est le régime
honni du premier royaume tutsi qui s’y est jadis installé », le colonel Galinié,
attaché militaire, ne laisse planer aucun doute sur l’adhésion des autorités françaises à ce Credo qui constitue l’idéologie des auteurs du génocide. 13 Lors de
l’attaque sur Ruhengeri le 23 janvier 1991, François Mitterrand déclare : « Les
Tutsis ougandais se déplacent pour conquérir le Rwanda, c’est inquiétant [...] Il
n’est pas normal que la minorité tutsie veuille imposer sa loi à la majorité. » 14

4.3

Grâce aux massacres, la France supplante la Belgique

Devant les massacres des Tutsi de l’intérieur, organisés en octobre 1990 par le
régime d’Habyarimana (à Kibilira et dans le Mutara au nord-est), devant la rafle
de 10 000 Tutsi, les Belges sont scandalisés et retirent les soldats qu’ils avaient
envoyés. La France, dirigée par un gouvernement socialiste, juge plus utile de
fermer les yeux. Tout au plus, l’amiral Lanxade conseille à Mitterrand de retirer
une compagnie. « Ce retrait, ajoute-t-il, nous permettrait également de ne pas
paraître trop impliqué dans le soutien aux forces rwandaises si des exactions
graves envers la population étaient mises en évidence dans les opérations en
cours. » 15 En effet, des massacres sont en cours, et grâce à eux, la Belgique
part, la France reste et supplante l’ancienne puissance coloniale.

4.4

La France est informée de l’intention du génocide

À l’abri de la caution militaire et morale française, le régime rwandais renoue
avec la guerre raciale et les pratiques génocidaires des années 60. 16 Dès octobre
1990, les dirigeants français sont informés du projet d’élimination totale des
11. L’amiral [Lanxade], chef de l’état-major particulier, Note à l’attention de Monsieur le
Président de la République (sous couvert de Monsieur le Secrétaire général), 11 octobre 1990,
Objet : Rwanda - Situation. http://www.francegenocidetutsi.org/Lanxade19901011.pdf
12. L’amiral [Lanxade], chef de l’état-major particulier, Note à l’attention de Monsieur le
Président de la République (sous couvert de Monsieur le secrétaire général), 3 février 1991,
Objet : RWANDA. Nouvelle offensive ougando-tutsie. Note manuscrite : “Oui - FM”. http:
//www.francegenocidetutsi.org/Lanxade3fevrier1991.pdf
13. Extrait du message de l’attaché de Défense à Kigali, 24 octobre 1990, TERTIO :
APPRÉCIATION DE LA SITUATION POLITIQUE. Cf. Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [5, Tome II, Annexes, p. 134]. http://www.francegenocidetutsi.org/
Galinie24oct1990.pdf
14. Conseil restreint de défense. Partie consacrée au Rwanda, 23 janvier 1991. http://www.
francegenocidetutsi.org/ConseilRestreint23janv1991.pdf
15. L’amiral [Lanxade], chef de l’état-major particulier, Note à l’attention de Monsieur le
Président de la République (sous couvert de Monsieur le Secrétaire général), 11 octobre 1990,
Objet : Rwanda - Situation. http://www.francegenocidetutsi.org/Lanxade19901011.pdf
16. Voir L’Appel à la conscience des Bahutu, suivi des Dix Commandements,
Kangura
No 6,
Décembre
1990,
p.
8.
http://www.francegenocidetutsi.org/
AppelConscienceBahutu10CommandementsKangura6Decembre1990p6-8.pdf

4

LE TUTSI ENNEMI DE LA FRANCE

8

Tutsi. 17 L’ambassadeur Georges Martres rapporte que « le colonel Serubuga,
chef d’état-major adjoint de l’armée rwandaise, s’était réjoui de l’attaque du
FPR, qui servirait de justification aux massacres des Tutsis. » 18 Le général
Varret, chef de la Mission militaire de coopération, rapporte que le Colonel
Rwagafilita, chef d’état-major adjoint de la Gendarmerie, lui avait expliqué la
question tutsie ainsi : « Ils sont très peu nombreux, nous allons les liquider ». 19

4.5

La définition de l’ennemi

Le texte sur la définition de l’ennemi diffusé dans l’armée rwandaise en 1992
est en accord avec la définition que les Français donnaient de l’ennemi, deux ans
auparavant :
« L’ennemi principal est le Tutsi de l’intérieur ou de l’extérieur, extrémiste
et nostalgique du pouvoir, qui n’a jamais reconnu et ne reconnaît pas encore les
réalités de la Révolution Sociale de 1959 et qui veut reconquérir le pouvoir au
Rwanda par tous les moyens, y compris les armes. » 20 Comme tout Tutsi peut
être suspecté de ne pas reconnaître les « réalités de la Révolution Sociale de
1959 », tout Tutsi est un ennemi.
Cette preuve de la planification du génocide est écrite en français. Elle est
connu des autorités françaises puisqu’un officier français conseille le chef d’étatmajor.
La France ne fait pas supprimer les mentions « ethniques » sur les cartes
d’identité. Au contraire, les militaires français participent aux contrôles d’identité sur les barrières et arrêtent les Tutsi, preuve que pour eux tout Tutsi est
l’ennemi.

4.6

L’armée rwandaise ne fait pas de prisonniers

Les Français admettent que le traitement réservé à l’ennemi soit la mort. En
effet, les Forces armées rwandaises ne font en général pas de prisonnier. « À ma
connaissance, écrit le général Tauzin, il n’y a jamais eu un seul prisonnier dans
cette guerre, ni d’un côté ni de l’autre. » 21 Il s’agissait d’une « guerre totale et
17. Georges Martres, TD Kigali. Objet : Analyse de la situation par la population d’origine
tutsi. Cf. Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994, Tome II, Annexes, p. 133. http:
//www.francegenocidetutsi.org/Martres15oct1990EliminationTotaleDesTutsi.pdf
18. Audition de Georges Martres, 22 avril 1998, Enquête sur la tragédie rwandaise 19901994 [5, Tome III, Auditions, Vol. 1, p. 119].
19. Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [5, Rapport, p. 276].
20. République rwandaise, Ministère de la Défense nationale, Armée rwandaise, Étatmajor, G2, 21 septembre 1992, no 1437/G2.2.4. Objet : Diffusion d’information. Destinataires : Liste A, Comdt Sect OPS (Tous), Info : EM Gd N. Signé Déogratias Nsabimana, colonel BEM, Chef EM FAR, SECRET. TPIR, K1020494 à K1020507. http://
www.francegenocidetutsi.org/NsabimanaDefinitionEnnemi21septembre1992.pdf Déogratias Nsabimana, Définition et identification de l’ENI, 21 septembre 1992. http://www.
francegenocidetutsi.org/DefinitionEnnemi21septembre1992.pdf
21. Didier Tauzin [6, p. 167] ; René Galinié, cf. Enquête sur la tragédie rwandaise 19901994 [5, Tome III, Auditions, Vol. 1, p. 228] ; Michel Robardey, cf. P. Péan [4, p. 198] ; Étienne
Joubert, cf. B. Lugan [3, p. 130].

4

LE TUTSI ENNEMI DE LA FRANCE

9

très cruelle », dit le général Quesnot. 22
La France s’engage dans une guerre totale contre un ennemi défini ethniquement ou racialement. Le Tutsi étant l’ennemi et l’ennemi étant éliminé, c’est ce
que les Nations Unies appellent un génocide. -

4.7

Soutien de la France aux extrémistes

Les dirigeants français sont convaincus de l’idéologie du peuple majoritaire
qui veut que l’appartenance ethnique détermine le choix politique. Ainsi François
Mitterrand rappelle que : « le Rwanda, comme le Burundi, est essentiellement
peuplé de Hutus. La majorité des habitants a donc soutenu naturellement le
gouvernement du président Habyarimana. » 23
La France soutient les extrémistes anti-tutsi. La photo de Mitterrand orne
la dernière page de Kangura 24 qui publie les Dix commandements du Hutu. 25
La France soutient la Coalition pour la défense de la République (CDR), créée
en 1992, ouvertement raciste, qui réclame le maintien des troupes françaises et
des élections démocratiques. 26

4.8

Sans le soutien militaire français, il n’y aurait pas eu
de génocide

L’armée française sauve plusieurs fois, en 1990, 1992, 1993, le régime Habyarimana dont l’armée se débandait devant les offensives du FPR. 27 Si elle n’était
pas intervenue, la dictature raciste d’Habyarimana aurait été renversée. « Après
l’évacuation de nos ressortissants et le retrait de nos troupes, écrit le général
Quesnot à François Mitterrand le 23 février 1993, le président Habyarimana ne
devrait pas pouvoir rester à la tête de l’État. » 28 Il n’y aurait pas eu de génocide.
22. Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [5, Tome III, Auditions, Vol. 1, p. 341].
http://www.francegenocidetutsi.org/AuditionQuesnot19mai1998.pdf#page=4
23. Déclaration de François Mitterrand au Conseil des ministres, 22 juin 1994. http://www.
francegenocidetutsi.org/ConseilDesMinistres22juin1994.pdf
24. L’Appel à la conscience des Bahutu, suivi des Dix Commandements,
Kangura, no 6, décembre 1990, pp. 6-8. http://www.francegenocidetutsi.org/
AppelConscienceBahutu10CommandementsKangura6Decembre1990p6-8.pdf
25.
Kangura, Photo de François Mitterrand, un véritable ami du Rwanda.,
Kangura,
no 6,
décembre
1990,
p.
20.
http://www.francegenocidetutsi.org/
MitterrandKangura6Decembre1990p20.pdf
26. Le 1er septembre 1992, au nom de François Mitterrand, Bruno Delaye remercie JeanBosco Barayagwiza pour une lettre signée de 700 Rwandais remerciant la France. http://www.
francegenocidetutsi.org/DelayeBarayagwiza1erSeptembre1992.pdf M. Mérimée, représentant de la France au Conseil de sécurité, demande le 5 avril 1994 que la CDR fasse partie de
l’Assemblée nationale transitoire. http://www.francegenocidetutsi.org/spv3358-1994.pdf
27. Le colonel Tauzin qui commande l’opération Birunga déclenchée le 21 février 1993 se
targue d’avoir sauvé une armée en déroute. Cf. D. Tauzin [6, pp. 70, 78].
28. Dominique Pin, Général Quesnot, “Note à l’attention de Monsieur le Président de la
République (sous-couvert de Monsieur le Secrétaire général)”, 23 février 1993, A/s Conseil
restreint sur le Rwanda Mercredi 24 février 1993. http://www.francegenocidetutsi.org/
QuesnotPin23fevrier1993.pdf

4

LE TUTSI ENNEMI DE LA FRANCE

4.9

10

La France veut transformer ses soldats en Casques
bleus

Face à l’échec militaire de l’armée rwandaise de février 1993, François Mitterrand propose d’envoyer une force de l’ONU pour faire « interposition » entre
le FPR et les FAR. « Nos soldats peuvent se transformer en soldats des Nations
Unies », dit-il en mars 1993. 29 En octobre la Mission des Nations Unies pour
l’assistance au Rwanda (MINUAR) est créée.

4.10

Milices et autodéfense populaire

Les militaires français encouragent l’organisation de l’« autodéfense populaire » et la formation militaire des milices. Par exemple le 13 octobre 1990
le colonel Galinié décrit les massacres de Tutsi par des paysans hutu : « Les
paysans hutus organisés par le MRND ont intensifié la recherche des tutsis suspects dans les collines, des massacres sont signalés dans la région de Kibilira à
20 kilomètres Nord-Ouest de Gitarama. » Il poursuit : « Il reste que les forces
gouvernementales souffrent de leur nombre réduit et du manque de moyens de
même nature (en matériel et en techniciens) et ne peuvent pas exploiter plus à
fond la fidélité des paysans qui participent de plus en plus à l’action militaire
à travers de groupes [sic] d’auto-défense armés d’arcs et de machettes. Elles
aussi ne pourraient éventuellement inverser définitivement la situation en leur
faveur qu’avec une aide externe soutenue. D’où l’appel aux amis, à la France en
particulier. » 30
Galinié voit ces groupes d’auto-défense comme une sorte de force de dissuasion par la machette, un ultime recours en cas de déroute militaire. Son
successeur Bernard Cussac relate les distributions d’armes françaises aux civils en 1992. 31 Du côté des militaires rwandais cette auto-défense vise même à
ne laisser aucun Tutsi vivant en cas de défaite. Ainsi le colonel Nsengiyumva,
très proche des Français, rapporte en 1992 cette phrase prémonitoire : Certains
disent « qu’ils vont déjà préparer leur fuite avant l’arrivée des Inkotanyi, tout
en ajoutant qu’avant de fuir, ils vont massacrer les Tutsi. » 32 Dès 1992, le plan
du génocide est en marche.
29. Conseil restreint, mercredi 3 mars 1993. http://www.francegenocidetutsi.org/
ConseilRestreint3mars1993.pdf
30. TD KIGALI 542 Confidentiel défense. Objet : Situation générale le 13 octobre 1990 à 12
heures locales. Signé Col. Galinié 131300. Martres. http://www.francegenocidetutsi.org/
GalinieMartres13oct1990.pdf
31. Extrait du message de l’attaché de défense, Kigali, 22 janvier 1992. Cf. Enquête sur la
tragédie rwandaise 1990-1994 [5, Tome II, Annexes, p. 165]. AD désigne l’attaché de Défense et
CEM, chef d’état-major. http://www.francegenocidetutsi.org/Cussac22janvier1992.pdf
32. Anatole Nsengiyumva, Note au Chef EM AR, 27 juillet 1992, Objet : État d’esprit
des militaires et de la population civile. Source : The Linda Melvern Rwanda Genocide
archive, TPIR, Case ICTR-98-41-T Exh. P.21 (a). http://www.francegenocidetutsi.org/
Nsengiyumva27juillet1992EtatDesprit.pdf

4

LE TUTSI ENNEMI DE LA FRANCE

4.11

11

La France incite à la création du Hutu Power, alliance
politique qui va organiser le génocide

Marcel Debarge, ministre de la Coopération, est envoyé à Kigali en février
1993 pour appeler à un « front commun » des Hutu contre l’ennemi tutsi. 33
Ce front devient le Hutu Power qui réunit les partisans de Habyarimana et les
nostalgiques de son prédécesseur Kayibanda sur une base anti-tutsi. L’assassinat
le 21 octobre 1993 du président burundais Ndadaye précipite la cristallisation
de ce Hutu Power.

4.12

La France sabote les accords d’Arusha

Depuis mars 1991, la France ne respecte pas les accords de cessez-le-feu.
François Mitterrand lui-même s’oppose au retrait des troupes françaises. 34
Après la signature des Accords d’Arusha en août 1993, le FPR s’oppose à
la participation de soldats français à la force de l’ONU pour le maintien de la
paix (MINUAR). La Belgique fournit des Casques bleus. Les militaires français
sont obligés de partir. Donc, la France part, la Belgique revient. Ce départ est
insupportable pour les militaires français qui se voient perdre le Rwanda, comme
ils ont perdu l’Indochine et l’Algérie. 35
À ce moment-là, fin 1993, s’opère le basculement. Secrètement, certains à
Paris décident d’empêcher la mise en application des Accords de paix d’Arusha.
Ces accords permettaient à l’ennemi, le FPR, d’obtenir cinq portefeuilles au
gouvernement et une large place dans la nouvelle armée. « Si l’idée générale des
accords d’Arusha était bonne, écrit le général Quesnot, le 2 mai 1994, la phase
Arusha III a donné des avantages exorbitants au FPR, en particulier dans le
domaine militaire. Ces avantages étaient et sont inacceptables et injustes pour
la majorité hutu. » 36

4.13

La dissuasion par le génocide

Paul Kagame rapporte les propos surprenants que Paul Dijoud, directeur
des Affaires africaines et malgaches, lui a tenu lors de sa visite à Paris en janvier 1992 : « Si vous n’arrêtez pas le combat, si vous vous emparez du pays,
33. Dominique Pin, Note à l’attention de Monsieur le Président de la République. Objet : Rwanda. Mission de M. Debarge, 2 mars 1993. http://www.francegenocidetutsi.org/
Pin2mars1993.pdf
34. L’Amiral Chef de l’État-Major Particulier, Note à l’attention de Monsieur le Président
de la République (sous-couvert de Monsieur le Secrétaire général). Objet : Rwanda : Point
de situation, 22 avril 1991. http://www.francegenocidetutsi.org/Lanxade19910422.pdf ;
Le général chef de l’état-major particulier, Note à l’attention de Monsieur le Président de
la République (sous-couvert de Monsieur le Secrétaire général). Objet : Rwanda : Point de
situation, 20 juin 1991. Note manuscrite de François Mitterrand : « Non. Ne pas retirer nos
troupes. M’en parler. FM » http://www.francegenocidetutsi.org/Quesnot20juin1991.pdf
35. D. Tauzin [6, p. 84].
36. Note du général Quesnot à l’attention de Monsieur le Président de la République. Objet :
Votre entretien avec M. Léotard le lundi 2 mai. Situation. 2 mai 1994, p. 2. http://www.
francegenocidetutsi.org/Quesnot2mai1994.pdf C’est l’Accord Arusha IV et non III qui
fixe la composition de la nouvelle armée rwandaise.

5

L’ÉRADICATION DES TUTSI

12

vous ne retrouverez pas vos frères et vos familles, parce que tous auront été
massacrés. » 37
Le 27 septembre 1991, Paul Dijoud avait déjà rencontré Kagame pour « l’amener à faire une évaluation correcte des inconvénients de la lutte armée ». 38
Nous voyons là que Paul Dijoud instrumentalise la menace bien réelle de
génocide pour dissuader le chef du FPR de tenter de nouvelles attaques. Il
répète le chantage au génocide que faisait le président Kayibanda en 1964. Cette
stratégie de dissuasion est analogue à celle que la France exerce avec sa force de
frappe nucléaire, les machettes remplaçant la bombe atomique.

5
5.1

L’éradication des Tutsi
La France est impliquée dans l’attentat contre Habyarimana

Habyarimana est lâché par la France. L’ambassadeur Martres l’avait laissé
pressentir. En mars 1993, il le jugeait, « usé » et estimait qu’il « a finalement
tout raté ». 39 Peu avant, Pierre Joxe, ministre de la Défense, le voyait « largement responsable du fiasco actuel » 40 et Marcel Debarge le disait « à bout de
souffle ». 41
Le 6 avril 1994 à Dar es-Saalam, Habyarimana accepte enfin de mettre en
place les institutions prévues par les accords de paix, sans que le parti extrémiste
CDR obtienne le siège qu’il réclamait. À son retour à Kigali son avion, offert
par la France et piloté par trois Français, est abattu. Les missiles utilisés étaient
peut-être aussi français.
L’attentat du 6 avril 1994 a été organisé par des militaires rwandais opposés
à ces accords de paix. L’aveu en est fait le 13 juin. Au micro de la RTLM
Kantano Habimana déclare :
« Le MRND a donné son militant suprême comme Dieu a donné
en offrande son fils Jésus qui est mort sur la croix pour le salut de
tous les pêcheurs, de tous les hommes. Le général-major est mort le
6 avril à 20 h 30 du soir, et son sang a sauvé tous les Rwandais qui
étaient voués à la mort et qui devaient être tués par les inkotanyi
après cette opération de prise du pouvoir. Cet homme donc qui était
un éminent militant du MRND, le MRND a accepté de le sacrifier
37. Renaud Girard, Quand la France jetait Kagamé en prison..., Le Figaro, 23 novembre
1997.
38. TD Paris. Objet : Visite à Paris du major Kagame. Cf. Enquête sur la tragédie
rwandaise 1990-1994 [5, Tome II, Annexes, p. 206] http://www.francegenocidetutsi.org/
Dijoud27septembre1991.pdf
39. Georges Martres, TD Kigali, 11 mars 1993, Enquête sur la tragédie rwandaise
1990-1994 [5, Tome II, Annexes, pp. 217–218]. http://www.francegenocidetutsi.org/
Martres11mars1993CDRruptureHabyarimana.pdf
40. Le ministre de la Défense, Note pour le Président de la République, 006816, 26 février
1993. Objet : Rwanda. http://www.francegenocidetutsi.org/Joxe26fev1993.pdf
41. Conseil restreint, mercredi 3 mars 1993. http://www.francegenocidetutsi.org/
ConseilRestreint3mars1993.pdf

5

L’ÉRADICATION DES TUTSI

13

pour que son sang sauve un grand nombre de Rwandais qui devaient
périr avec la prise du pouvoir par les inkotanyi. » 42
En quelque sorte, la réconciliation entre Hutu du Nord et du Sud s’est faite
par le sacrifice d’Habyarimana, offert par le MRND, comme Dieu a sacrifié son
fils Jésus sur la croix !
Jean Birara désigne les auteurs du coup d’État. Ce sont des officiers mis à la
retraite par Habyarimana : les colonels Serubuga Laurent, Buregeya, Rwagafilita
et Bagosora. 43 L’imputation de l’attentat à des militaires rwandais se reporte
automatiquement sur la France, puisque l’armée rwandaise est en fait commandée par des conseillers militaires français et aucun militaire rwandais n’a été
formé pour tirer de tels missiles nous dit l’ancien ambassadeur Martres. 44
C’est l’architecte du génocide, le colonel Bagosora lui-même qui dit au juge
Bruguière combien il était proche du lieutenant-colonel Maurin : « Vous savez,
la France, nous avions une coopération à ce moment-là, il y avait à Kigali ce
qu’on appelait une mission d’aide militaire. Et là je vous parle d’un officier qui
fut conseiller – longtemps conseiller – à l’état-major de l’armée rwandaise, qui
s’appelait le lieutenant-colonel Morin, Morin, Morin. Je parle de Morin parce
que même dans la nuit du 6 au 7 il est passé là, à l’état-major de l’armée, et nous
avions la coopération très serrée au point que, eux, ils pouvaient entrer n’importe
où, n’importe quand, quand ils voulaient. Quand ils voulaient, ils pouvaient venir
s’informer ici, s’informer là-bas, nous étions des... disons des camarades – des
camarades. » 45
Paris ne pouvait qu’être informé de la préparation de ce coup d’État par
ses conseillers militaires et les contacts des diplomates avec les extrémistes.
De plus, les Français écoutaient toutes les communications, comme le général
Quesnot le rapporte en 1997 : « Nous avions intercepté une communication
téléphonique qui partait d’Arusha 46 et annonçant le décollage du Président. Ce
coup de téléphone n’est pas arrivé à la Présidence mais au bataillon de Kagamé
mis en place près de l’aéroport pour protéger les minorités tutsi, en application
des Accords d’Arusha. » 47
Des militaires français se précipitent sur le lieu du crash dans le quart d’heure
42. Kantano Habimana, RTLM, 13 juin 1994. Cf. J.-P. Chrétien (dir.), Les médias du génocide [1, p. 326]. Les inkotanyi désignent le FPR et par extension les Tutsi.
43. Guy Artiges, Audition de Jean Birara, 26 mai 1994. http://www.francegenocidetutsi.
org/Birara26mai1994.pdf
44. Audition de Georges Martres, 22 avril 1998, Enquête sur la tragédie rwandaise 19901994 [5, Tome III, Auditions, Vol. 1, pp. 128–129]. http://www.francegenocidetutsi.org/
AuditionMartres22avril1998.pdf#page=13
45. Commission
rogatoire
internationale
siégeant
au
TPIR,
Interrogatoire
de
M.
Théoneste
Bagosora
par
le
juge
Jean-Louis
Bruguière,
18
mai
2000,
pp.
116–117.
http://www.francegenocidetutsi.org/
CommissionRogatoireBruguiereArusha18mai2000BagosoraMaurin.pdf
46. Le général Quesnot se trompe. Le 6 avril au soir, l’avion du président décollait de Dar
es-Salaam et non d’Arusha.
47. S. Cohen (dir.), François Mitterrand et la sortie de la guerre froide, Actes du colloque organisé en 1997 par le CERI (Centre d’études et de recherches internationales),
Presses universitaires de France, 1998, pp. 288–291. http://www.francegenocidetutsi.org/
QuesnotSamyCohenMitterrandSortieGuerreFroideP288-291.pdf

5

L’ÉRADICATION DES TUTSI

14

qui suit. 48 Ils prélèveront la boîte noire de l’avion et les débris de missiles dont
on n’aura plus aucune nouvelle. Les Casques bleus se voient interdire l’accès au
lieu du crash.
À 21 h 30, le commandant du bataillon paras-commando ordonne à ses
hommes, en présence de militaires français, de venger la mort du président en
massacrant les Tutsi. 49 Le génocide des Tutsi commence.
En novembre 2006, le juge Bruguière, chargé de l’enquête sur la mort des
trois pilotes français de l’avion d’Habyarimana, accuse Paul Kagame d’avoir
commandité cet attentat et donc d’être responsable du génocide.
En juin 2010, Abdul Ruzibiza, le témoin clé du juge Bruguière, se rétracte.
Devant les juges Poux et Trévidic qui succèdent à Bruguière, il avoue qu’il
n’était pas à Kigali au moment de l’attentat. Les juges se rendent au Rwanda en
septembre 2010 avec des experts. Leur rapport, connu en 2011, situe le départ
des missiles, des SAM 16, dans le camp militaire de Kanombe ou dans son
voisinage immédiat à l’est. L’avion n’a donc pas pu être abattu par le FPR.
Les experts ne donnent pas de preuve que le missile était un SAM 16. C’est
une affirmation des militaires français qui écrivent dans une fiche : « Les auteurs
de l’attentat ont utilisé des SA 16 de fabrication soviétique (d’après les débris de
missiles retrouvés sur les lieux de l’attentat). Cette arme est en dotation dans
l’armée ougandaise et au FPR ». 50 Mais où sont donc ces débris de missiles que
les militaires français ont pu examiner ?
Les experts ont écarté le missile Mistral parce que « c’est en 1996 qu’arrive la première commande à l’export ». Cette affirmation est fausse car un
scandale a éclaté en 1989 avec l’affaire de la livraison de missiles Mistral au
Congo-Brazzaville. Une note de la mission des USA à l’ONU affirme que l’armée rwandaise disposait de 15 missiles Mistral le 6 avril 1994. 51
La disparition des télégrammes échangés entre Paris et Kigali du 6 au 15 avril
ne fait qu’augmenter la suspicion quant au rôle de la France dans l’attentat qui
a permis de massacrer les Tutsi accusés d’avoir tué Habyarimana, le Premier
des Hutu.
48. État-major des armées, Fiche No 543/DEF/EMA/ESG, 7 juillet 1998. Objet : Réponses
aux demandes de la Mission d’information parlementaire. Cf. Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [5, Tome II, Annexes, pp. 268–269]. http://www.francegenocidetutsi.org/
FicheMinDef7juillet1998.pdf
49. Rapport Mutsinzi d’enquête sur l’attentat du 6 avril 1994 [2, p. 73].
50. Fiche en possession du Ministère de la Défense tendant à montrer que le FPR
avec la complicité de l’Ouganda est responsable de l’attentat. Objet : Éléments tendant
à montrer que le FPR avec la complicité du président ougandais MUSEWENI est responsable de l’attentat contre l’avion des présidents rwandais HABYARIMANA et burundais NTARYAMIRA le 6 avril 1994 à KIGALI. Cf. Enquête sur la tragédie rwandaise
1990-1994, Tome II, Annexes, p. 281. http://www.francerwandagenocide.org/documents/
FicheMinDefFPRresponsableAttentat.pdf
51. Ex-FAR Equipment Summary as of 6 April 1994. Cf. DPKO Situation Centre, Daily
"Information" Digest, Srl No 363. Subject : Special Report Rwanda, p. 8. http://www.
francegenocidetutsi.org/LMRGA-DPKO1erSeptembre1994.pdf

5

L’ÉRADICATION DES TUTSI

5.2

15

La France participe le 8 avril à la mise en place du
gouvernement qui organise le génocide

Cet attentat n’est que la première phase d’un coup d’Etat dans lequel la
France joue une part active. L’ambassadeur Marlaud ne protège pas le Premier
ministre rwandais, Agathe Uwilingiyimana qui est assassinée à moins de 300 m
de l’ambassade de France.
Les militaires français présents à Kigali n’empêchent pas les militaires rwandais de tirer sur les Casques bleus avec des automitrailleuses fournies par la
France. 10 Casques-bleus belges sont lynchés à mort. Le plan prévoyait de tuer
des Belges pour les forcer à quitter le Rwanda.
L’ambassadeur Marlaud rencontre le colonel Bagosora, le 7 dans l’aprèsmidi. Il lui fait abandonner son projet de junte militaire que Bagosora n’avait
pas réussi à imposer. Ils s’entendent sur la formation d’un gouvernement civil
avec le MRND, l’ancien parti unique, et les branches Hutu Power des autres
partis. 52 Celui-ci est formé en un temps éclair, le 8 avril, pour camoufler le
coup d’Etat. Sa constitution est en violation flagrante des accords de paix que la
France prétendait soutenir. Le FPR devait y détenir 5 portefeuilles ministériels.
Le but de l’attentat et des assassinats était donc bien d’empêcher l’application
de ces accords de paix. Nul ne proteste, hormis le FPR.
À Paris, l’état-major rédige le 8 avril l’ordre d’opération Amaryllis qui reconnaît que la garde présidentielle s’est lancée dans l’élimination systématique
des Tutsi de Kigali. 53 Que signifie l’élimination systématique des Tutsi, sinon le
génocide des Tutsi ? Les dirigeants français savent donc le 8 avril que le génocide
est commencé.
Ce jour-là se situe le nœud de la responsabilité française : les dirigeants
français savent que le génocide vient de commencer et ils aident à la formation
du gouvernement qui va organiser les massacres.
Les militaires français débarqués le 9 avril ne font rien pour faire cesser
les massacres de Tutsi. Après avoir évacué les Européens et des extrémistes
rwandais, les Français rembarquent le 13 avril.

5.3

Soutien discret aux génocidaires

Lors du Conseil restreint de ce 13 avril, à François Mitterrand qui demande
« les massacres vont s’étendre ? », l’amiral Lanxade, chef d’état major des armées, répond « ils sont déjà considérables. Mais maintenant ce sont les Tutsis
qui massacreront les Hutus dans Kigali. » 54
En faisant croire que ce sont les Tutsi qui massacrent les Hutu, la France
encourage le massacre des Tutsi. Elle paralyse l’action de l’ONU, avec la conni52. Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [5, Tome III, Auditions, Vol. 1, p. 296].
http://www.francegenocidetutsi.org/AuditionMarlaud13mai1998.pdf#page=10
53. Ordre d’opération Amaryllis, 8 avril 1994, déclassifié, Enquête sur la tragédie rwandaise
1990-1994 [5, Annexes, p. 344]. http://www.francegenocidetutsi.org/OrdreOpAmaryllis.
pdf
54. Conseil restreint du 13 avril 1994. Secrétariat : Colonel Bentégeat. http://www.
francegenocidetutsi.org/ConseilRestreint13avril1994.pdf

6

LA FRANCE AU SECOURS DES ASSASSINS

16

vence du secrétaire général Boutros-Ghali et de son représentant spécial au
Rwanda, le camerounais Booh-Booh. Celui-ci fait croire que le chaos règne alors
que les massacres sont organisés par le gouvernement intérimaire.
Le ministre des Affaires étrangères du Gouvernement intérimaire rwandais
et le principal idéologue de la CDR, Jean-Bosco Barayagwiza sont reçus à Paris le 27 avril, de même que deux colonels, Ephrem Rwabalinda et Cyprien
Kayumba, pour organiser l’approvisionnement en armes et munitions, ainsi que
des opérations de secours au profit de l’armée rwandaise.
Le général Quesnot écrit le 3 mai à Mitterrand : « Tous ces efforts [pour
un cessez-le-feu] resteront vains si le F.P.R. remporte une victoire militaire sur
le terrain et veut imposer la loi minoritaire du clan tutsi, ce qui aurait, par
ailleurs, des répercussions sérieuses au Burundi. Or les forces gouvernementales
rwandaises sont à court de munitions et d’équipements militaires. » 55 Le 6 mai,
il lui écrit : « Sur le terrain le FPR refuse tout cessez-le-feu et aura incessamment
atteint ses buts de guerre : le contrôle de toute la partie est du Rwanda y compris
la capitale afin d’assurer une continuité territoriale entre l’Ouganda, le Rwanda
et le Burundi. Le Président Museveni et ses alliés auront ainsi constitué un
“Tutsiland” avec l’aide anglo-saxonne [...]
L’instabilité de la région (Rwanda, Burundi, Zaïre et Tanzanie) est assurée
pour des années : les Hutus majoritaires (85 %) au Rwanda et au Burundi
n’accepteront pas le contrôle tutsi.
Est-ce vraiment ce que nous voulons ? [...]
A défaut d’une stratégie directe dans la région qui peut apparaître politiquement difficile à mettre en œuvre, nous disposons des moyens et des relais d’une
stratégie indirecte qui pourraient rétablir un certain équilibre. » 56
Secrètement, Paris envoie des armes, des militaires et des mercenaires au
Rwanda. Une livraison d’armes les 17 et 19 juin en provenance des Seychelles
est financée par la BNP.
Le 10 mai, pendant que les Tutsi se font massacrer, Mitterrand déclare :
« Nous ne sommes pas destinés à faire la guerre partout, même lorsque c’est
l’horreur qui nous prend au visage. Nous n’avons pas le moyen de le faire et
nos soldats ne peuvent pas être les arbitres internationaux des passions qui,
aujourd’hui, bouleversent, déchirent tant et tant de pays. » 57

6

La France au secours des assassins

Le 22 mai après la chute du camp de Kanombe et de l’aéroport de Kigali,
le président intérimaire Sindikubwabo, celui qui a déclenché les massacres de
55. Note du général Quesnot à l’attention de Monsieur le Président de la République. Objet :
Votre entretien avec le Premier ministre le mercredi 4 mai 1994, 3 mai 1994. http://www.
francegenocidetutsi.org/Quesnot3mai1994.pdf
56. Note du général Quesnot à l’attention de Monsieur le Président de la République.
Objet : Entretien avec le chef de l’État intérimaire du Rwanda, 6 mai 1994. http://www.
francegenocidetutsi.org/Quesnot6mai1994StrategieIndirecte.pdf
57. « J’ai fait ce que j’ai cru devoir faire », déclare François Mitterrand, Le Monde, 12 mai
1994, pp. 8–9.

6

LA FRANCE AU SECOURS DES ASSASSINS

17

la région de Butare, remercie dans une lettre François Mitterrand de son aide
« jusqu’à ce jour » et lui lance un appel au secours. 58
Le 15 juin, après presque trois mois de massacres, la France éprouve soudain
le besoin d’intervenir militairement. Le 22 juin, elle réussit à obtenir pour une
mission « strictement humanitaire » un mandat de l’ONU sous chapitre VII,
c’est-à-dire avec le droit d’utiliser la force. 59 Il s’agit en fait de répondre aux
appels à l’aide des auteurs du génocide qui sont mis en déroute par le FPR.
La France revient donc au Rwanda, alors que les Belges se sont retirés.
Le projet initial est d’empêcher la prise de Kigali. 60 Mais la France en sera
empêchée. L’objectif devient alors de conserver un réduit hutu et de forcer le
FPR à négocier avec le chef d’état-major des FAR jugé plus présentable que le
gouvernement intérimaire !
Décidés à arrêter l’offensive du FPR, les Français encouragent la lutte contre
les infiltrés. Pendant quatre jours ils assistent à l’élimination des derniers survivants tutsi de Bisesero. C’est l’intervention de journalistes qui les oblige à les
« secourir » le 30 juin.
Suite à la prise de Kigali et de Butare le 4 juillet, et peut-être bien aux
conditions de libération de militaires français faits prisonniers par le FPR, la
France est contrainte de limiter la zone qu’elle contrôle au Sud-Ouest. Elle y crée
une « Zone humanitaire sûre » sans avoir de mandat du Conseil de sécurité. Cette
zone permet aux troupes françaises de protéger le repli des forces génocidaires
et du gouvernement intérimaire.

6.1

Le génocide se poursuit dans la zone Turquoise

Le 4 juillet, les Français de l’opération Turquoise font cause commune avec
les assassins pour faire barrage au FPR à Gikongoro. Ils affichent leur cynisme
en installant leur camp dans l’école de Murambi, à côté des fosses communes,
d’où suinte le sang des Tutsi victimes du massacre du 21 avril.

6.2

Pas de désarmement des assassins

Dans la zone Turquoise, le génocide se poursuit. Sur instruction de Paris du
4 juillet, il n’y aura pas de désarmement des forces gouvernementales, et des
58. Dr Théodore Sindikubwabo, Président de la République à Son Excellence Monsieur François Mitterrand, Kigali le 22 mai 1994. Lettre transmise par le général
Quesnot à l’attention de Monsieur le Président de la République. Objet : Correspondance du docteur Théodore Sindikubwabo, Président par intérim du Rwanda, 24
mai 1994. Note manuscrite : « Signalé/HV ». http://www.francegenocidetutsi.org/
SindikubwaboMitterrand22mai1994.pdf Le fac-simile d’une lettre datée de juin 1992 du Président du Conseil National de développement signée Sindikubwabo permet d’authentifier sa
signature. http://www.francegenocidetutsi.org/Sindikubwabo20Juin1992.pdf
59. ONU, S/RES/929 (1994) http://www.francegenocidetutsi.org/94s929.pdf
60. Au conseil restreint du 15 juin, François Mitterrand évoque 2 ou 3 sites, hôpitaux ou écoles à Kigali qui seraient à protéger. http://www.francegenocidetutsi.org/
ConseilRestreint15juin1994.pdf

7

ÉLIMINER LES TUTSI POUR DÉFENDRE LA DÉMOCRATIE

18

milices. 61

6.3

Pas d’arrestation de présumés coupables

De même, il n’y aura pas d’arrestations de présumés coupables, car cela « ne
relève pas du mandat qui nous a été donné », dit le Quai d’Orsay le 7 juillet. 62

6.4

Exfiltration du gouvernement des tueurs

Alors que le génocide est reconnu le 28 juin par la commission des Droits
de l’homme de l’ONU, un ordre est donné de ne pas arrêter les membres du
gouvernement intérimaire. 63 Le colonel Hogard organise l’exfiltration au Zaïre
le 18 juillet des membres de ce gouvernement, alors que leur responsabilité dans
les massacres est devenue publique.
Les rares criminels qui sont arrêtés sont libérés au départ de Turquoise.
Aucun ne sera remis aux Casques bleus de l’ONU.

7

Éliminer les Tutsi pour défendre la démocratie

Le but de la France n’était pas spécifiquement d’exterminer les Tutsi. Il était
de conserver le Rwanda dans sa zone d’influence, et ceci, à n’importe quel prix.
Dans l’attaque du Front patriotique rwandais, elle a vu une invasion des Tutsi
qui cherchaient à reprendre le pouvoir perdu en 1959. Dès lors, les Tutsi sont
devenus ses ennemis. Elle a tenté de les contrer :
- en formant et soutenant l’armée rwandaise : Celle-ci n’échappa à la déroute
que par l’intervention militaire française trois fois de suite.
- par la négociation : les Accords d’Arusha faisaient rentrer le FPR au gouvernement et dans l’armée. Ils stipulaient le départ de l’armée française. C’était
inacceptable.
- recourir à l’interposition de l’ONU et transformer nos soldats en Casques
bleus. Le FPR refusa.
- il restait le plan B, le sabotage des Accords de paix par l’assassinat d’Habyarimana qu’on attribuera aux Tutsi, l’assassinat de soldats belges pour les
faire partir, la reprise de la guerre contre le FPR et l’éradication des Tutsi par
les Hutu, persuadés que les Tutsi allaient les tuer comme ils ont tué le président.
François Mitterrand a-t-il délibérément choisi ce plan B qui fut le plan du
génocide ? C’est lui, grand connaisseur de l’Afrique, qui expliquait à son fils
61. Note du général Quesnot et de Bruno Delaye à l’attention de Monsieur le Président de la
République, 4 juillet 1994. Objet : Rwanda : Comité restreint du 4 juillet 1994. C’est nous qui
mettons en gras. http://www.francegenocidetutsi.org/QuesnotDelaye4juillet1994.pdf
62. Note du Quai d’Orsay en date du 7 juillet 1994, Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [5, Tome II, Annexes, p. 447]. http://www.francegenocidetutsi.org/
MinAffEtDAM7juillet1994.pdf#page=2
63. Dépêche Reuters du 15 juillet 1994 surchargée par Hubert Védrine. http://www.
francegenocidetutsi.org/Reuter15juillet1994.pdf

RÉFÉRENCES

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Jean-Christophe, je cite : « Dans cette région des Grands Lacs les massacres
sont devenus la norme. Dans ce type de conflit ne cherche pas les bons et les
méchants, il n’existe que des tueurs potentiels. » 64
À la veille de l’opération Turquoise, François Mitterrand affirmait que les
Tutsi sont les ennemis de la démocratie : « Si ce pays devait passer, disait-il, sous
la domination tutsie, ethnie très minoritaire, qui trouve sa base en Ouganda où
certains sont favorables à la création d’un “Tutsiland”, englobant non seulement
ce dernier pays mais aussi le Rwanda et le Burundi, il est certain que le processus
de démocratisation serait interrompu. » 65 À l’entendre, l’élimination des Tutsi
a donc été nécessaire pour défendre la démocratie.
La question d’un feu vert de l’Élysée pour l’attentat du 6 avril reste posée.
Pour la résoudre, les citoyens français pourraient demander au Président de la
République que les pièces de l’avion Falcon et les débris de missiles prélevés par
les militaires français sur les lieux du crash et les rapports établis par eux soient
remis au juge en charge de l’enquête sur cet attentat.
Rappelons qu’ils ont délégué au président de la République, sans aucun
contrôle, le droit d’engager des guerres et de tuer des millions de gens par un
simple clic sur le bouton de la force nucléaire stratégique.

Références
[1] Jean-Pierre Chrétien, Jean-François Dupaquier, Marcel Kabanda et Joseph Ngarambe : Rwanda : Les médias du génocide. Karthala, 1995.
[2] Comité indépendant d’experts chargé de l’enquête sur le crash
du 06/04/1994 de l’avion Falcon 50 immatriculé No 9XR-NN : Rapport d’enquête sur les causes, les circonstances et les responsabilités de l’attentat du 06/04/1994 contre l’avion présidentiel rwandais Falcon 50 No 9XRNN. République du Rwanda, 20 avril 2009. http://mutsinzireport.com/.
[3] Bernard Lugan : François Mitterrand, l’armée française et le Rwanda.
Éditions du Rocher, mars 2005.
[4] Pierre Péan : Noires fureurs, blancs menteurs. Rwanda 1990-1994. Enquête.
Mille et une nuits, novembre 2005.
[5] Paul Quilès : Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994. Assemblée nationale, rapport no 1271, http://www.assemblee-nationale.fr/
dossiers/rwanda.asp, 15 décembre 1998. Mission d’information de la commission de la Défense nationale et des Forces armées et de la commission
des Affaires étrangères, sur les opérations militaires menées par la France,
d’autres pays et l’ONU au Rwanda entre 1990 et 1994.
[6] Didier Tauzin : Rwanda : je demande justice pour la France et ses soldats !
le chef de l’opération Chimère témoigne. Ed. Jacob-Duvernet, 4 avril 2011.
64. Jean-Christophe Mitterrand, Mémoire meurtrie, Plon, 2001, p. 154.
65. Déclaration de François Mitterrand au Conseil des ministres, 22 juin 1994. http://www.
francegenocidetutsi.org/ConseilDesMinistres22juin1994.pdf#page=4

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