Warning: this document expresses the ideology of the perpetrators of the genocide against the Tutsi or show tolerance towards it.
Citation
CENTRE DE LUTTE CONTRE L’IMPUNITE ET L’INJUSTICE AU RWANDA
BP 2 - Molenbeek 4
1080 BRUXELLES
Tél/Fax: 32.10/81.58.17
Bruxelles, le 24 juin 1998
COMMUNIQUE n° 37/98
Tentatives d’enlèvement à NAIROBI du Secrétaire Particulier de feu Seth SENDASHONGA
Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda dénonce et condamne les
différentes tentatives d’enlèvement de Monsieur Vincent NDIKUMANA, Secrétaire de l’ancien
Ministre Seth SENDASHONGA, assassiné à Naïrobi le 16 mai 1998.
La dernière tentative d’enlèvement de Vincent Ndikumana a eu lieu le 5 juin 1998 et s’est
déroulée comme suit : Des personnes non identifiées ont tenté de l’enlever vendredi 5 juin 1998
vers 19h dans le quartier de Kilimani à NAIROBI (Kenya) alors qu’il venait de quitter le
domicile de la famille Seth SENDASHONGA pour rentrer chez lui.
A peine, Mr NDIKUMANA venait de franchir une centaine de mètres sur Wood Avenue,
quand une voiture rouge de marque Mazda, le suivit à une vitesse réduite. Il l’avait vue garée
au croisement de Wood Avenue et Chania Avenue quelques instants plus tôt, sans y prêter
attention.
Arrivé au croisement de Wood Avenue et Kindarama Road, il tourna à droite pour s’engager
dans Kindaruma Road quand la mazda rouge le dépassa rapidement, pour aller se garer
quelques mètres devant Mr Vincent NDIKUMANA et éteignit ses lampes.
Deux hommes élancés et assez costauds, en vestes de cuir noires, sortirent de la Mazda
en courant vers sa direction. C’est à ce moment-là que Vincent Ndikumana réalisa qu’il était en
danger de mort. Il se mit à courir sans savoir où il allait se réfugier d’abord. Puis il fonça dans un
enclos ouvert tout près de lui à sa gauche. Ses agresseurs l’y suivirent, mais lorsqu’ils réalisèrent
que leur victime s’était engagée résolument dans un escalier conduisant aux maisons habitations ,
ils prirent la fuite à bord de leur véhicule qui démarra en trompe.
ANTECEDENTS: Mr Vincent NDIKUMANA avait déjà échappé à deux autres tentatives
d’enlèvement au mois de Janvier 1998, bien avant l’assassinat de Mr Seth Sendashonga.
1. Le 11 janvier 1998, il avait reçu un message anonyme par téléphone l’invitant à une rencontre, à
AFYA Center, avec « une personne qui prétendait lui apporter un message venant du Rwanda ».
Le message à première vue n’avait rien de suspect. Toutefois, il se fit accompagner par un ami
par mesure de prudence. Lorsqu’ils arrivèrent à AFYA Center, ils rencontrèrent trois personnes
qui parlaient le Kinyarwanda et qui lui demandèrent de monter dans leur véhicule. Ces individus
refusèrent de décliner leur identité et ils insistèrent pour qu’il les accompagne, sous prétexte que
le message à lui remettre se trouvait à un autre endroit. Sentant un piège, il exigea de se faire
accompagner par son ami. L’homme qui se trouvait au volant du véhicule insista pour le prendre
seul à bord. Mr Vincent NDIKUMANA décida alors de partir vite et s’éloigna de ce véhicule
suspect. Les trois individus, furieux, le mirent en garde dans ces termes: « quoi que tu fasses, tu
ne nous échapperas pas».
2. Le 18 janvier 1998, Mr Vincent NDIKUMANA marchait sur Naivasha Road avec un ancien
collègue rwandais journaliste comme lui, lorsqu’un véhicule s’arrêta juste à côté de lui. Le
chauffeur exigea qu’ils montent dans son véhicule. Ils refusèrent et une dispute éclata entre eux
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et le conducteur du véhicule. Lorsque des policiers kenyans, stationnés au Riruta Chief ’s Bureau
tout près de cet endroit, accoururent pour voir l’objet de cette dispute, le véhicule prit la fuite.
Mr Vincent NDIKUMANA est né le 19 décembre 1967 à Gikongoro au sud-ouest du
Rwanda. Il est marié et père de deux petits enfants (un garçon de 3 ans et une fillette de 2 ans).
Diplômé des humanités psycho-pédagogiques en 1989, il entra dans la Congrégation des Pères
Missionnaires des Sacrés Coeurs de Jésus et de Marie qu’il quitta en juillet 1993. Depuis octobre
1993, il travailla comme journaliste à l’Agence Kigali Presse et fut Secrétaire de Rédaction de
l’Hebdomadaire « ISIBO », journal rwandais qui paraissait avant avril 1994.
Pendant le génocide de 1994, il s’était réfugié dans la zone turquoise et dans sa préfecture
d’origine de Gikongoro. A la victoire du Front Patriotique Rwandais (FPR), il est revenu à Kigali
où il a tenté de relancer le journal ISIBO. Deux numéros de son journal furent saisis par la
DMI (Directorate Military Intelligence) et les menaces commencèrent depuis. Interrogé par le
DMI qui l’accusait d’espionnage pour un pays étranger (dont il ne citait pas le nom), il dut quitter le
Rwanda vers la fin de l’année 1994 pour éviter la mort ou la prison. Arrivé à Naïrobi, il fut menacé
par le chargé d’affaires de l’Ambassade rwandaise à Naïrobi, le Major Jacques NZIZA (en réalité
Jackson Nkurunziza), suite à ses témoignages sur les crimes des extrémistes tutsi.
.Agressions répétées à NAIROBI contre Mr André SINGAYE :
Monsieur André SINGAYE, né le 12 septembre 1935, commerçant originaire de la
commune Rubavu (Gisenyi), grand ami de Mr Seth SENDASHONGA, est devenu aussi la cible
des commandos de la mort dépêchés par Kigali à l’étranger.
Depuis une semaine, il est sans cesse harcelé par des hommes rwandais venus de Kigali.
Ainsi, le 24 juin 1998 à 15 heures (heure locale), alors qu’il sortait du Bureau de Jesuite
Refugees Service et après qu’il ait déposé des amis devant le bureau Haut Commissariat des
Nations Unies aux Réfugiés (HCR) de NAIROBI et s’apprêtait à monter dans son véhicule, deux
individus s’exprimant en kinyarwanda l’ont accosté et bousculé en lui disant: « Pourquoi tu
n’es pas rentré ? Tu crois que nous ne viendrons pas te trouver ici ? C’est toi qui t’occupe
désormais du parti de Sendashonga ? ». Les deux individus étaient très menaçants, Mr
SINGAYE a eu l’impression qu’ils étaient armés et a démarré en trompe. Une semaine avant
cet incident, Mr SINGAYE avait été verbalement agressé par des rwandais au « parc industriel »
de Nairobi.
Les deux individus qui ont menacé André SINGAYE le 24 juin seraient arrivés directement
du Rwanda en date du 23 juin 1998.
Mr André SINGAYE est un commerçant hutu qui était prospère. Il était propriétaire de
nombreux biens immobiliers, dont l’hôtel PALM BEACH situé à Gisenyi, et actuellement
« squatté » par Monsieur Valens KAJEGUHAKWA, député et homme d’affaires tutsi. Ce dernier
ainsi que son beau-frère appelé CYETU, sont les chefs des milices tutsi qui ont exterminé, avec
l’aide de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) la population civile de Gisenyi, en particulier des
communes de RUBAVU, RWERERE, MUTURA... Il avait tenté de se réinstaller au Rwanda après
la prise du pouvoir par le Front Patriotique Rwandais (FPR), mais avait été menacé par des
éléments de l’armée, obéissant probablement aux ordres de ceux qui souhaitaient lui spolier ses
biens. Il a alors repris le chemin de l’exil.
Le Centre rappelle quelques assassinats qui ont déjà eu lieu à NAIROBI :
1) Mr Seth SENDASHONGA, ancien Ministre de l’Intérieur et membre fondateur des Forces de
Résistance pour la Démocratie (FRD), a été assassiné le 16 mai 1998 à NAIROBI.
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2) Le Colonel Théoneste LIZINDE, ancien officier hutu de l’Armée Patriotique Rwandaise et
Député du FPR, a été enlevé à NAIROBI le 6 octobre 1996. Il fut retrouvé mort, tué d’une balle
dans la bouche, à une trentaine de kilomètres de NAIROBI le 8 octobre 1998.
3) Mr Augustin BUGILIMFURA, homme d’affaires hutu prospère et propriétaire de l’Imprimerie
Printer Set « squatté par les proches du Général Paul KAGAME » avait été enlevé en compagnie
du Colonel Théoneste LIZINDE. Il fut retrouvé grièvement blessé à quelques pas du cadavre de son
ami Théoneste Lizinde le 8 octobre 1998. Il mourut quelques minutes après avoir été transporté
dans un hôpital à NAIROBI.
4) L’assassinat de HABIMANA alias KINGI et fils du commerçant Gérard KALIMUNDA, lui
aussi enlevé par le Lt Adamo et porté disparu à Kigali en juillet 1994. Mr HABIMANA Kingi a été
tué par balles à Kawangwale (banlieue de Naïrobi) en décembre 1996.
CONCLUSIONS :
Le Centre estime que Mr Vincent NDIKUMANA est une victime toute désignée et qu’il
risque d’être enlevé par ceux qui ont commandité l’assassinat de Seth SENDASHONGA.
Le Centre a été informé que d’autres rwandais réfugiés au KENYA ne sont plus en sécurité.
Plusieurs personnes pourraient être la cible privilégiée des commandos de la mort, à la solde du
régime de Kigali. Il s’agit de Mr Sixbert MUSANGAMFURA, ancien Directeur du Service de
renseignements du Premier Ministre Faustin Twagiramungu, réfugié au Kenya depuis juin 1995, de
Mr Casimir BIZIMUNGU, ancien Ministre des affaires étrangères.
Le Centre estime qu’il est inacceptable que l’External Security Office (ESO), une branche
de la Directorate Military Intelligence (DMI), organise en toute impunité l’assassinat ou
l’enlèvement de réfugiés rwandais dans les pays qui les ont accueillis. Le Centre conseille à tous les
exilés rwandais, où qu’ils se trouvent, à prendre des précautions nécessaires afin de limiter les
risques de se faire tuer ou enlever.
RECOMMANDATIONS: Le Centre recommande instamment:
Au gouvernement rwandais :
- de combattre le terrorisme international des chefs militaires extrémistes qui ont noyauté toutes les
ambassades rwandaises dans le but d’assassiner les opposants et les propriétaires.
- de lever l’immunité du personnel de ses ambassades lorsqu’ils sont impliqués dans des activités
criminelles afin qu’ils puissent être jugés et punis par la justice des pays d’accueil.
A la communauté internationale et en particulier au Gouvernement Kenyan de:
- assurer la protection des réfugiés rwandais contre le terrorisme d’Etat dans les pays d’accueil;
- encourager les pays européens à accorder l’asile aux intellectuels et opposants hutu qui sont
menacés dans les pays africains et surtout au Kenya où plusieurs rwandais ont été assassinés et où
d’autres sont sans cesse emprisonnés injustement depuis 1996.
Pour le Centre, MATATA Joseph, Coordinateur.
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