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Les juges du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ont
accepté le rapport du juge antiterroriste français Jean-Louis
Bruguière comme pièce à conviction dans le procès de quatre anciens
officiers supérieurs des Forces armées rwandaises (FAR) accusés de
génocide. Les magistrats ont estimé, lundi 4 décembre, que le document
pourrait être « utile » pour comprendre le « contexte ».
Le 23 novembre, le juge Bruguière a émis neuf mandats d'arrêt à
l'encontre d'officiers supérieurs de l'Armée patriotique rwandaise
(APR). Il a recommandé des poursuites contre le président rwandais,
Paul Kagamé, dont les forces, engagées dans une guerre contre Kigali
depuis 1990, s'étaient emparées de la capitale en juillet 1994,
mettant fin au génocide survenu suite à l'attentat du 6 avril 1994
contre l'avion du président Juvénal Habyarimana.
A Arusha, le rapport du juge a entraîné une passe d'armes par
témoignages interposés entre les deux anciens responsables de la
Mission des Nations unies au Rwanda (Minuar). Lundi, le colonel belge
Luc Marchal appuyait les conclusions du juge Bruguière. Mercredi, au
cours d'un autre procès, le général canadien Roméo Dallaire se
distanciait du colonel Marchal, son adjoint à l'époque.
Il a aussi été question du rapport Bruguière lors du témoignage du
colonel français Grégoire de Saint-Quentin. L'officier, détaché auprès
du bataillon parachutiste commando des FAR entre avril 1992 et le 7
avril 1994, a témoigné à huis clos le 1er décembre, par
vidéoconférence depuis La Haye, et en présence de trois représentants
de l'Etat français. Mais, selon les conditions posées par Paris pour
des raisons de « sécurité nationale », le champ des questions était
limité.
MESSAGE INTERCEPTÉ
Grégoire de Saint-Quentin témoignait en faveur de l'ancien chef des
paras commando, le major Aloys Ntabakuze. Accusé de génocide, ce
dernier comparaît au côté de Théoneste Bagosora, ancien chef de
cabinet du ministère de la défense, considéré comme le « cerveau du
génocide », du colonel Anatole Nsengiyumva et de Gratien Kabiligi,
ex-chef des opérations militaires.
L'officier français s'était rendu sur le site de l'attentat à
plusieurs reprises entre le 6 et le 9 avril, pour y retrouver les
corps des trois pilotes français. Confirmant sa déposition devant le
juge français, il est revenu sur le message que lui aurait montré le
major Ntabakuze, dans lequel le haut commandement du Front patriotique
rwandais (FPR), de Paul Kagamé, annonçait le succès du renforcement de
l'escadron, au lendemain de la mort du président rwandais. « Nous nous
sommes entretenus sur les raisons de l'attentat et il m'a dit qu'il
était certain que c'était un attentat du FPR. A l'appui de ces
paroles, il m'a montré ce cahier » sur lequel « le message avait été
retranscrit de façon manuscrite par l'opérateur qui avait intercepté
le message », a expliqué le témoin.
« Vous est-il jamais venu à l'esprit qu'il y avait peut-être une raison
pour qu'il vous dise, vous qui étiez un officier français, que c'était
le FPR qui avait abattu l'avion présidentiel et qu'il vous montre un
message (...) pour appuyer cette idée ? » a demandé le
procureur. « Toutes les options sont possibles », a simplement répondu
le témoin.
Trois autres officiers français, responsables du dispositif de
l'opération « Turquoise », pourraient témoigner dans ce même procès,
cette fois en faveur de Gratien Kabiligi.