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Qu'est-il arrivé à la boîte noire retrouvée le 10 mars à l'ONU, dix
ans après le génocide au Rwanda ? Le mystère entourant la découverte
de cet engin dans un placard de l'Organisation à New York n'a pas été
levé par l'analyse des conversations du cockpit. La boîte noire n'a
rien livré. Aucun signe n'a pu permettre de faire le lien avec le
crash de l'avion du président rwandais abattu d'un tir de missiles le
soir du 6 avril 1994.
Les enquêteurs sont doublement perplexes. Certes, ils ne s'attendaient
pas à ce que l'enregistreur des voix livre les noms du commando qui a
tiré les missiles, donnant le signal du début des massacres. Mais ils
espéraient trouver des indices, le Falcon 50 ayant été abattu à 10 m
du sol, alors qu'il atterrissait à Kigali. Ils n'en ont pas trouvé.
Il y a bien trois voix dans l'enregistrement, qui peuvent être celles
des trois Français de l'équipage de "coopérants" qui servait
l'appareil du président rwandais entretenu par Dassault-Aviation.
Mais il n'y a aucune prise de contact avec la tour de contrôle de
Kigali, comme le supposerait l'arrivée à proximité de l'aéroport, ni
aucun signe de l'interruption brutale du vol. Bref, rien ne permet de
faire le lien avec la boîte noire correspondant à ce vol du 6 avril,
indique une note de l'Organisation de l'aviation civile (OACI) datée
du 17 mars.
Selon ce résumé, rédigé après l'ouverture de la boîte, le 16 mars,
dans les locaux du National Transportation Safety Board (NTSB) à
Washington, il n'est même pas sûr que l'avion ait été en vol pendant
l'enregistrement de la bande. Les sons observés au début de la bande
"pourraient correspondre à un événement postérieur à un atterrissage",
indique la note.
BANALITÉS
Ensuite, il est question "de la source principale d'électricité en
train d'être éteinte et allumée". Dans les dernières minutes, il
semble aussi s'agir de"conversations pendant des opérations au sol
telles qu'entretien ou révision". A ce stade, précise-t-on de source
bien informée, l'équipage échange des banalités.
"Et la rentrée, c'est quand ?" Les trois voix correspondent
vraisemblablement aux trois membres de l'équipage, le pilote Jacquy
Heraud, son copilote Jean-Pierre Minaberry et le mécanicien
Jean-Michel Perrine. Après dix-neuf minutes quarante secondes,
indique-t-on de même source, on entend une exclamation : "Appelle
Jean-Pierre !"Onze secondes plus tard, même demande : "Appelle
Jean-Pierre !"
Selon certaines sources, des anomalies figureraient sur la bande. Le
même morceau de conversation revient à deux reprises, comme s'il avait
été copié. Il s'agit de la vérification de pré-mission. La bande
a-t-elle été modifiée ?
La boîte n'était pas scellée et un écrou était lâche, rapporte
l'OACI. Mais, selon les spécialistes, cela n'a rien d'inhabituel. Les
boîtes noires peuvent être ouvertes pour être "réparées ou
entretenues", explique le porte-parole de l'OACI, Denis Chagnon.
L'autre motif de perplexité des enquêteurs est le silence des
compagnies concernées. L'ONU a largement diffusé la référence de la
boîte : Fairchild A10,0 numéro de série 6 285. Or personne ne l'a
revendiquée. Dassault-Aviation, dont les enquêteurs espèrent obtenir
les archives des opérations d'entretien, ne s'est pas manifesté.
Il y a dix ans, la compagnie avait indiqué ne pas pouvoir confirmer
l'existence d'une boîte noire sur le Falcon offert par la France au
président rwandais. Et, en tout état de cause, ne pas en avoir vu à
bord lors du dernier contrôle de maintenance en octobre 1993. Mais il
était facile, disait le fabricant, d'en faire monter une.
Air France apparaît également, sous la forme d'un autocollant apposé
sur la boîte au nom de son "département de la maintenance". La
compagnie était chargée de l'entretien avec Dassault. Quant au
fabricant, la compagnie américaine Fairchild, elle a été rachetée
plusieurs fois et il n'est pas sûr que les archives aient survécu.
Le juge Bruguière a déjà été mis au courant par l'ONU des premières
conclusions de l'analyse de la boîte noire. A New York, on compte sur
lui pour démêler les fils de l'"affaire de la boîte noire" qui se
profile derrière l'affaire de l'attentat du 6 avril.