Fiche du document numéro 1786

Num
1786
Date
Jeudi 17 décembre 1998
Amj
Auteur
Fichier
Taille
1764874
Pages
1
Titre
Les ambiguïtés de la mission secrète « Panda »
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
LE RAPPORT parlementaire émet plus que « des doutes » sur « la fonction confidentielle » attribuée par la France à son détachement d'assistance militaire et d'instruction (DAMI), baptisé « Panda », au Rwanda entre 1991 et 1994. Il va jusqu'à évoquer « les ambiguïtés » de cette opération spéciale qui aura eu lieu en marge de l'intervention officielle « Noroît » et à propos de laquelle la France avait requis expressément la discrétion du président rwandais, Juvénal Habyarimana.

Dans le dispositif militaire français, la place et le rôle du DAMI « Panda » n'ont jamais été clairement explicités ( Le Monde du 21 mai). Au point que certains des experts, au ministère de la défense, ont pu, à l'époque, parler d' « électrons libres » aux activités mal définies. Le rapport parlementaire ne va pas jusqu'à cette conclusion. Il n'écarte pas l'éventualité que, par le biais de son DAMI, la France soit intervenue sur le terrain « de façon extrêmement proche » des armées rwandaises.

Apparemment, les officiers et les sous-officiers qui le composaient, au nombre de quelque quatre-vingts au plus fort des événements, ont eu leur propre « filière » de commandement, à laquelle ils rapportaient, et ils ont pu jouer - et parfois s'en affranchir - entre les consignes données, selon les circonstances, par l'état-major des armées, la représentation diplomatique française à Kigali et la Mission militaire de coopération (MMC) sur place ou à Paris. De même, la fonction du DAMI, ou, du moins, celle qu'il a pu être amené à se donner au fil des mois, a probablement conduit l'opération « Panda » à placer les Français en situation d'être directement engagés auprès des forces armées rwandaises (FAR) dans le nord du pays, à proximité de la frontière avec l'Ouganda, un pays accusé à l'époque d'avoir soutenu, dès le début, la rébellion anti-Habyarimana.

A l'origine, constate le rapport parlementaire, le DAMI était chargé de former et de recycler des bataillons des FAR, en apprenant à ses élèves rwandais, répartis dans trois camps de Mukamira, Bigogwe et de Ruhengeri, à manier des auto mitrailleuses, des mortiers, des mines et différents explosifs fournis par la France.

AVEC LA GARDE PRÉSIDENTIELLE

C'est-à-dire des moyens d'appui-feu face aux troupes du Front patriotique rwandais (FPR). La plupart de ces assistants français étaient alors issus du 1er régiment parachutiste d'infanterie de marine (RPIMa), une unité basée à Bayonne et mobilisée pour les missions spéciales et la protection des personnalités. Puis sont venus s'agréger des éléments de deux autres régiments (le 1er régiment de hussards parachutistes et le 35e régiment d'artillerie parachutiste, stationnés à Tarbes) avec pour tâche de former les FAR sur blindés légers et sur canons de 105 français. Des gendarmes français ont été envoyés à Kigali pour prendre en mains, au sein du DAMI « Panda », l'instruction et l'entraînement de la garde présidentielle rwandaise, souvent impliquée dans des débordements pour le maintien de l'ordre.

Au total, il s'est agi de mettre sur pied des bataillons des FAR qui puissent constituer une force globale, et régulière, de 20 000 hommes.

Le rapport parlementaire évoque « la confusion des rôles ». Certes, le DAMI n'a pas fait la guerre à la place des FAR. Mais des « doutes pèsent sur les modalités d'exécution de la mission », estime le rapport, qui note que « cette ambiguïté apparaît consubstantielle à la notion d'assistance opérationnelle en temps de crise ou de guerre ». Le DAMI « Panda » a fait ce que les spécialistes appellent « l'acquisition du renseignement » au profit de Paris et de Kigali , il a opéré à proximité immédiate des contacts entre les FAR et le FPR, il s'est impliqué sur le terrain face à l'Ouganda, des pilotes-instructeurs français ont servi les hélicoptères Gazelle livrés au Rwanda et des artilleurs français ont tiré au mortier.

JACQUES ISNARD
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