Fiche du document numéro 1784

Num
1784
Date
Jeudi 21 mai 1998
Amj
Auteur
Fichier
Taille
2401908
Pages
1
Sur titre
La Mission parlementaire ne parvient pas à faire la lumière sur la participation aux combats
Titre
La France a mené une opération secrète, avant 1994, auprès des Forces armées rwandaises
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Devant les députés de la Mission d'information sur le Rwanda, l'ancien
chef de l'état-major particulier de François Mitterrand à l'Elysée, le
général Christian Quesnot, a reconnu, mardi 19 mai, que la France, avant
l'opération « Turquoise » en 1994, avait formé l'armée régulière
rwandaise forte de 5 200 hommes au début des années 90 à l'emploi
combiné de blindés, de canons et d'hélicoptères. Au plus fort de
l'opération « Noroît », qui a mobilisé deux compagnies au Rwanda entre
octobre 1990 et novembre 1993 pour sécuriser les étrangers au pays, la
France a, en effet, détaché des équipes de renseignement et d'action
auprès des Forces armées rwandaises (FAR) pour les aider à se battre
contre le Front patriotique rwandais (FPR) soutenu par l'Ouganda.
Avant l'arrivée des renforts du dispositif « Noroît », soit jusqu'à 400
parachutistes avec un état-major issu du 2e régiment étranger de
parachutistes (REP), à Calvi, et du 3e régiment parachutiste
d'infanterie de marine (RPIMa), à Carcassonne, la Mission militaire de
coopération (MMC) entretenait au Rwanda une trentaine d'experts. Ces
officiers et ses sous-officiers, susceptibles de rester sur place deux
années d'affilée avec leurs familles, avaient reçu une double mission :
d'abord, instruire les personnels des FAR et, ensuite, maintenir en état
leurs matériels d'origine française, y compris les avions
Rallye-Guerrier aménagés pour l'antiguérilla et des hélicoptères
Alouette et Gazelle.
Ce dispositif est progressivement monté en puissance, en marge et
indépendamment de l'opération « Noroît », avec l'adjonction de nouveaux
éléments, autrement appelés des Détachements d'assistance militaire et
d'instruction (DAMI). Cette mission fut baptisée « Panda ». Fin 1992,
aux 30 premiers cadres relevant de la MMC, se sont ajoutés 30 autres,
puis 40 autres encore début 1993. Ces détachements provenaient en
majorité de trois régiments constitutifs de la Force d'action rapide :
1e régiment parachutiste d'infanterie de marine (stationné en temps
normal à Bayonne), 1e régiment de hussards parachutistes et le 35 e
régiment d'artillerie parachutiste (tous deux en garnison à Tarbes). A
la différence des assistants de la MMC, les 70 cadres français de la
mission « Panda » étaient renouvelées grosso modo tous les quatre mois
au Rwanda.
La tâche de ces nouveaux arrivants, dont le contrôle opérationnel a peu
à peu échappé à la MMC et à l'attaché de défense en poste à Kigali, a
carrément été d'appuyer les combattants des FAR à partir de deux camps
d'entraînement installés dans des parcs proches de la frontière avec
l'Ouganda, dans le nord du pays, au plus près de la ligne de front. Aux
hommes du régiment de hussards est revenu le soin de former les FAR sur
leurs blindés, essentiellement des automitrailleuses légères françaises
engagées contre le FPR. Aux hommes du régiment d'artillerie est dévolue
la charge d'apprendre aux FAR à se servir des canons de 105 français.
Equipés de matériels pour le combat de nuit et de puissants moyens de
transmissions à longue distance, les hommes du 1e RPIMa, qui sont
entraînés à monter des opérations clandestines dans la profondeur d'un
territoire et à s'y camoufler le temps de recueillir le renseignement,
ont pour mission d'établir des contacts permanents avec les plus hautes
autorités politiques et militaires à Paris qui gèrent les crises en
Afrique. Quitte, au besoin, à s'affranchir de la chaîne des commandements.
AU-DELÀ DES CONSIGNES
Ce fut le cas au Rwanda, grâce à un fil crypté direct entre le régiment
et l'Elysée, via l'état-major des armées et l'état-major particulier de
l'Elysée, où une « cellule » de crise, comprenant le général Quesnot et
son adjoint, le colonel Jean-Pierre Huchon, lui-même ancien « patron »
du 1e RPIMa, gérait l'ensemble de la manoeuvre (Le Monde du 21 avril).
L'ensemble de ce dispositif a été partiellement démonté juste avant
l'opération « Amaryllis », en avril 1994, quand la France a dû
dépêcher de toute urgence une force de 500 parachutistes pour évacuer
près de 1 500 ressortissants français et étrangers dont l'existence
était menacée par l'avancée des troupes du FPR en direction de la
capitale rwandaise.
Au Rwanda, la mission « Panda » a montré quelques dysfonctionnements.
Des détachements qui y ont participé ont été soupçonnés d'être allés,
sur le terrain, au-delà des consignes initiales en ayant franchi la
frontière avec l'Ouganda, comme certains commandos s'en sont vantés
après coup, pour rassembler des preuves de l'engagement militaire de
Kampala aux côtés du FPR. D'autres ont préféré cultiver à l'excès la
notion de secret sur leurs activités au profit des FAR, au point que des
témoins ont rapporté, depuis, qu'ils avaient été aperçus donnant
l'exemple, en train de tirer au canon en lieu et place des soldats du
président Habyarimana.
La mission « Panda » a aussi été l'occasion pour les Français de
coopérer avec les services rwandais, qui les ont abreuvés de
photographies et de documents sur les exactions des milices du FPR
contre la population et sur la présence de combattants de l'armée
régulière ougandaise au Rwanda. Sur certains de ces documents de mars
1993, par exemple, on trouve trace des cartes d'identité, « prises au
hasard » est-il précisé, de cinq officiers et de cinq soldats ougandais
tués dans les combats au Rwanda dans un véhicule portant les marques des
Forces armées ougandaises.
A leur façon, les DAMI Panda ont servi de laboratoire à la mise sur
pied, à partir de 1993, d'une nouvelle chaîne hiérarchique propre au
renseignement et à l'action, avec la création, sous la tutelle directe
du chef d'état-major des armées, d'un commandement des opérations
spéciales (COS) intégrant notamment le 1e RPIMa aux côtés d'autres
unités.
(Extraits :)
[Avant 1990], la Mission militaire de coopération (MMC) entretenait au
Rwanda une trentaine d'experts [...] [avec] une double mission : [...]
instruire les personnels [...] et [...] maintenir en état les
matériels d'origine française. [...] Ce dispositif est progressivement
monté en puissance [...] avec l'adjonction de nouveaux éléments,
autrement appelés des Détachements d'assistance militaire et
d'instruction (DAMI). Cette mission fut baptisée "Panda". Fin 1992,
aux 30 premiers cadres dépendant de la MMC se sont ajoutés 30 autres,
puis 40 autres encore début 1993. Ces détachements provenaient en
majorité de trois régiments constitutifs de la Force d'action rapide
[dont] le 1er régiment parachutiste d'infanterie de marine [RPIMa]
[...] La tâche de ces nouveaux arrivants, dont le contrôle
opérationnel a peu à peu échappé à la MMC [...], a carrément été
d'appuyer les combattants des FAR à partir de deux camps
d'entraînement installés dans des parc proches de la frontière avec
l'Ouganda. [...] Les hommes du 1er RPIMa, qui sont entraînés à monter
des opérations clandestines dans la profondeur d'un territoire et à
s'y camoufler le temps de recueillir le renseignement, ont pour
mission d'établir des contacts permanents avec les plus hautes
autorités politiques et militaires à Paris qui gèrent les crises en
Afrique. Quitte, au besoin, à s'affranchir de la chaîne des
commandements. Ce fut le cas au Rwanda, grâce à un fil crypté direct
entre le régiment et l'Elysée, via l'état-major des armées et
l'état-major particulier de l'Elysée [...]. A leur façon, les DAMI
Panda ont servi de laboratoire à la mise sur pied, à partir de 1993,
d'une nouvelle chaîne hiérarchique propre au renseignement et à
l'action, avec la création, sous la tutelle directe du chef
d'état-major des armées, d'un commandement des opérations spéciales
(COS), intégrant notamment le 1er RPIMa aux côtés d'autres unités
". [Ainsi, l'intervention française dans un cadre pré-génocidaire a
servi de " laboratoire " pour un fonctionnement autorisant encore
davantage des guerres secrètes élyséennes, comme il en fut mené au
Zaïre en 1996-97, comme il en est mené aujourd'hui au
Congo-Brazzaville...]
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