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Les autorités rwandaises, qui affirmaient jusqu'alors souhaiter l'établissement d'un tribunal international, ont proposé au Conseil de sécurité des Nations unies la création d'un tribunal national, qui siégerait à Kigali et dont les compétences seraient limitées au génocide, les crimes de guerre étant exclus.
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NEW-YORK (Nations unies)
de notre correspondante
Alors que le Conseil de sécurité se réunissait pour adopter le projet de
résolution établissant le tribunal international, la délégation
rwandaise a présenté, vendredi 28 octobre, une série d'amendements jugés
« inacceptables ». Ces amendements au texte de la résolution, ainsi
qu'au statut du tribunal, équivaudraient, en cas d'adoption, à la
création d'un tribunal national légitimé par le Conseil de sécurité.
Proposé par les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande, le tribunal
international aurait pour mission de juger les responsables du génocide,
qui a fait plus de 500 000 morts, mais aussi les crimes de guerre « commis sur le territoire du Rwanda et par des citoyens rwandais sur le
territoire d'Etats voisins » entre le 1 janvier 1994 et le 1 décembre
1994. La France, selon des diplomates, aurait initialement résisté à
l'idée d'une poursuite de criminels présumés dans les pays voisins.
Le Rwanda a proposé au Conseil que le tribunal international soit
remplacé par un tribunal national « avec l'assistance internationale et
l'instauration de la peine de mort, et non pas la prison à vie comme
prévu par la communauté internationale ». Arguant que la guerre a été
déclenchée pour mettre fin au génocide, Kigali demande que le tribunal
soit chargé uniquement du génocide et non pas des violations des lois de
la guerre.
Décision imminente
Pour la même raison, les autorités rwandaises proposent que la
compétence du tribunal soit limitée à la date de prise du pouvoir du
FPR, en juillet, excluant donc les crimes de guerre perpétrés par le
gouvernement après son accession au pouvoir. Enfin, selon Kigali, qui
insiste pour que le tribunal siège dans la capitale rwandaise, la date
d'ouverture des investigations doit remonter au 1er octobre 1990 et non
pas au 1er janvier 1994.
« Extrêmement déçu » par l'attitude « à courte vue » de Kigali, le
président de l'organisation humanitaire Human Rights Watch, Kenneth
Roth, estime que le gouvernement rwandais, en demandant que le tribunal
ne soit pas chargé des crimes de guerre, « ne se rend pas compte que
cela représenterait une justice partielle qui l'empêchera, en tant que
gouvernement minoritaire, de rester au pouvoir ». M. Roth souligne qu'un
tribunal national « n'aura aucune chance » de mettre la main sur « les
vrais criminels, les architectes du génocide qui se trouvent en dehors
du pays », car, selon lui, ne faisant pas confiance au système
judiciaire rwandais, les pays voisins refuseront de coopérer avec Kigali
pour l'extradition des criminels.
Le statut du tribunal international, tel qu'il est conçu par le Conseil
de sécurité, envisage la poursuite des personnes ayant commis le
génocide ou incité au génocide. Les crimes contre l'humanité et les
crimes de guerre figurent également parmi les compétences du tribunal.
Le procureur général du tribunal pour l'ex-Yougoslavie, le juge
sud-africain Richard Goldstone, exercerait également les fonctions de
procureur pour le Rwanda. Lassé par plus d'un mois de consultations sur
le contenu du texte, le Conseil devrait décider prochainement d'adopter
ou non la résolution, avec ou sans l'assentiment de Kigali, les
Etats-Unis et la Russie étant partisans d'une mise aux voix dans le
courant de la semaine.