Fiche du document numéro 16476

Num
16476
Date
Mercredi 28 septembre 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
15435
Pages
5
Urlorg
Sur titre
Lettre datée du 28 Septembre 1994 Adressée au Président du Conseil de Sécurité par le Représentant Permanent du Rwanda auprès de l'Organisation des Nations Unies
Titre
Déclaration du 28 septembre 1994 sur la question des réfugiés et de la sécurité au Rwanda
Cote
S/1994/1115
Source
ONU
Type
Lettre
Langue
FR
Citation
NATIONS
UNIES

S
Conseil de sécurité
Distr.
GÉNÉRALE
S/1994/1115
29 septembre 1994
ORIGINAL : FRANÇAIS

LETTRE DATÉE DU 28 SEPTEMBRE 1994 ADRESSÉE AU PRÉSIDENT DU
CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DU RWANDA
AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES

J’ai l’honneur de vous faire parvenir en annexe le texte de la déclaration
sur la question des réfugiés et la sécurité au Rwanda.
Je vous serais obligé de bien vouloir faire distribuer ladite lettre ainsi
que son annexe comme document du Conseil de sécurité.

L’Ambassadeur,
Représentant permanent du
Rwanda auprès de l’Organisation
des Nations Unies
(Signé) Manzi BAKURAMUTSA

94-37993

(F)

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ANNEXE
Déclaration du 28 septembre 1994 sur la question des réfugiés
et de la sécurité au Rwanda
À la suite du génocide d’avril 1994 et de la reprise des hostilités le même
mois, plus d’un million de Rwandais ont fui vers les pays voisins. Comme autant
de Rwandais vivaient déjà en exil depuis 35 ans, le problème des réfugiés a pris
des dimensions sans précédent.
Pour bien faire comprendre la nature du problème actuel des réfugiés dans
notre pays, nous tenons à faire savoir à la communauté internationale que la
dernière vague de réfugiés, qui a commencé en avril 1994, a été déclenchée par
plusieurs facteurs et que les réfugiés eux-mêmes peuvent être classés en
plusieurs catégories :
a)
La première catégorie comprend les criminels coupables du génocide qui
craignaient d’être traduits en justice par le nouveau gouvernement;
b)
La deuxième comprend des innocents induits en erreur par la propagande
de la clique criminelle, et qui ont été terrorisés et contraints à s’exiler;
c)
La troisième comprend ceux qui ont authentiquement fui le pays parce
que la situation y était très instable.
Quand le génocide a commencé en avril 1994, le Front patriotique rwandais
(FPR) a pris les armes pour chasser du pouvoir les criminels responsables de
l’holocauste.
En juillet, c’était chose faite, et le Gouvernement d’unité nationale à
base élargie a pris le pouvoir. Depuis lors, la paix et la sécurité sont
revenues dans le pays.
Le Gouvernement tient à faire tout ce qui est en son pouvoir pour que tous
les réfugiés rwandais rentrent au pays. Il a pris à cet effet plusieurs
mesures, notamment :
a)
Des comités ont été constitués pour faciliter le retour des réfugiés
notamment le Comité de crise de Gisenyi et le Comité intergouvernemental zaïrorwandais;
b)
Des représentants des administrations locales rwandaises et zaïroises
se sont réunis de part et d’autre de la frontière. Des rencontres analogues ont
eu lieu à la frontière tanzanienne;
c)
De hauts fonctionnaires ont parcouru le pays, pour s’entretenir avec
les gens et les inciter à reprendre leur vie habituelle et à inviter leurs
parents et amis encore en exil à rentrer chez eux;
d)
De hauts fonctionnaires se sont rendus dans les pays limitrophes et
d’autres pays pour leur demander de faciliter le rapatriement des réfugiés;

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e)
La radio nationale diffuse périodiquement des messages invitant tous
les réfugiés rwandais à rentrer au pays.
Malheureusement, ces efforts ont été contrecarrés par plusieurs facteurs :
a)
Des éléments criminels de l’ancien régime, vivant dans les camps de
réfugiés des pays voisins, terrorisent les réfugiés rwandais et les empêchent
par la force de rentrer chez eux. Ces criminels utilisent tous les moyens, et
vont jusqu’à tuer les récalcitrants. En outre, ils font une propagande
mensongère, prétendant que l’insécurité règne dans le pays et que les réfugiés
rapatriés seront tués;
b)
Certains membres de la communauté internationale entravent les efforts
du Gouvernement par de la propagande, de fausses informations et des allégations
sans fondement;
c)
La communauté internationale répugne manifestement à établir un
tribunal international pour juger et punir les criminels encore en liberté.
Cela revient à gommer le problème du génocide qui a été commis au Rwanda;
d)
La presse se conduit de façon irresponsable et attise la haine entre
groupes soi-disant "ethniques" rwandais.
Nous nions catégoriquement les allégations infondées formulées par des
fonctionnaires du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR),
selon lesquelles :
a)
Il y aurait dans le pays des massacres systématiques organisés par le
Gouvernement, et il n’y aurait donc pas de sécurité;
b)

Il y aurait un exode massif de Rwandais vers la Tanzanie;

c)
Les réfugiés refuseraient de rentrer au pays à cause de la prétendue
insécurité qui y régnerait.
Les réalités sur le terrain
Tous les réfugiés qui se trouvent encore à l’étranger souhaitent rentrer
chez eux, sauf la clique criminelle qui a conçu et dirigé le génocide. Beaucoup
de rapatriés en témoignent et ils racontent aussi que les miliciens et d’anciens
membres des forces gouvernementales harcèlent les réfugiés et leur rendent le
retour presque impossible. En fait, c’est le harcèlement dont ils sont victimes
dans les pays d’asile qui empêche les réfugiés de rentrer au pays.
Il n’y a pas d’exode vers la Tanzanie. Ce qui est vrai, c’est que certains
réfugiés rwandais au Burundi, craignant l’insécurité dans ce pays, passent en
Tanzanie, parfois parce qu’on le leur a conseillé. De plus, des réfugiés au
Zaïre se rendent délibérément en Tanzanie dans l’intention hostile de
déstabiliser le Gouvernement rwandais. On cite, aussi des cas de miliciens qui
s’infiltrent au Rwanda pour venir chercher leur famille ou obliger d’autres à
repartir avec eux à l’étranger. Il leur arrive même de tuer pour faire régner
un sentiment d’insécurité.
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Le Gouvernement rwandais est transparent; les organisations d’aide et les
journalistes étrangers se déplacent librement dans tout le pays. Nous avons
ouvert nos portes aux observateurs internationaux de la situation des droits de
l’homme et les forces de la MINUAR sont déployées dans tout le pays. Il est
évident qu’aucun incident grave ne peut avoir lieu sans être observé et publié.
Ceux qui prétendent donner des informations devraient toujours faire preuve
d’objectivité.
Nous demandons à la communauté internationale d’appuyer les efforts du
Gouvernement :
a)
Il faut veiller à ce que toute l’aide destinée au Rwanda pénètre
effectivement dans le pays. L’amélioration des conditions de vie qui en
résultera incitera les réfugiés à revenir et aidera ceux qui sont rentrés à
reprendre une vie normale. La majorité des Rwandais sont actuellement dans le
pays et ont besoin de cette assistance;
b)
Des fonds doivent être alloués au Gouvernement pour lui permettre
d’améliorer son efficacité et sa capacité d’exécuter des programmes, par exemple
dans le domaine de la sécurité et surtout de la police. Il serait essentiel de
lui fournir une assistance dans divers domaines, notamment pour la formation et
les procédures d’enquête;
c)
Il faut créer au plus tôt un tribunal international chargé de juger
les criminels;
d)
Rwanda;

Il faut diffuser des informations factuelles et objectives sur le

e)
Tous actes visant à entraver les efforts du nouveau Gouvernement
d’union nationale doivent cesser;
f)
Nous sommes en particulier très déçus de la façon dont le HCR s’est
comporté face au problème de notre pays;
g)
Pendant que le génocide faisait rage, en avril-mai de cette année, des
fonctionnaires du HCR ont osé prétendre mensongèrement que des forces du FPR
étaient responsables du génocide, alors que le monde entier pouvait voir les
miliciens du Mouvement révolutionnaire national pour le développement/Coalition
pour la défense de la République (MRND/CDR) et les ex-membres des forces
gouvernementales massacrer des innocents en plein jour;
h)
Le HCR a écouté et très largement diffusé des accusations mensongères
lancées par les miliciens MRND/CDR dans le camp de réfugiés de Ngara (Tanzanie),
qui ont prétendu que des forces du FPR avaient tué des fidèles dans une église
de Kibungo. Les vérifications effectuées par une commission américaine d’aide
aux réfugiés et par des journalistes indépendants ont prouvé que ces allégations
étaient fausses. Les cadavres qui auraient été le résultat des massacres
perpétrés par le FPR étaient en fait ceux de personnes décédées longtemps avant
que le FPR ait pénétré dans la zone;

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i)
Dans la zone de sécurité française, dans le sud-ouest, des
fonctionnaires du HCR ont incité les gens à fuir au Zaïre en leur disant qu’ils
seraient tués par des forces du FPR dès que les forces françaises auraient
quitté le pays. Rien de tel ne s’étant produit à l’arrivée du FPR, les
fonctionnaires du HCR n’ont pas caché leur déception;
j)
Le HCR a signalé la présence de cadavres flottant dans l’Akagera au
début de septembre, affirmant qu’ils étaient le résultat d’atrocités commises
par le Gouvernement. À la suite de cela, le Président a fait une tournée
d’inspection d’une semaine le long de la rivière et n’y a observé aucun cadavre;
k)
Il est très surprenant que dans les camps de réfugiés des pays
voisins, les structures administratives soient encore entre les mains de
personnes dont on sait qu’elles appartenaient à la milice, ce qui n’empêche pas
le HCR de les payer grassement. Cela dissuade les réfugiés de rentrer au pays.
Toutes ces observations font craindre que le HCR n’ait des motifs cachés
qui nous sont inconnus. Comment expliquer autrement qu’il ne cesse de proférer
des allégations sans fondement?
Le Gouvernement rwandais réaffirme sa volonté d’assurer la paix et la
sécurité et invite les réfugiés à rentrer au pays comme c’est leur droit le plus
strict.
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