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Le ton monte dangereusement entre le Rwanda et le Burundi : dans un série de messages sur son compte Twitter, le président Paul Kagame a répondu sans ambages aux accusations portées jusqu’aux Nations Unies par le Burundi, qui a dénoncé le soutien que Kigali apporterait aux rebelles armés. Pour Kagame, il s‘agît d’une « stratégie de diversion » visant à reporter sur quelqu’un d’autre un problème interne. Il a aussi accusé son voisin burundais de ne pas commanditer des massacres de masse, mais des assassinats ciblés au fur et à mesure, ajoutant : « il s’agit, si on peut dire, d’une solution finale… ».
Cette réponse traduit l’exaspération des autorités et même de l’opinion rwandaise qui estime que le pays n’a fait que son devoir en accueillant dans des conditions décentes près de 70.000 réfugiés vivant soit dans des camps soit, pour les plus aisés, auprès de leurs proches ou dans des maisons louées à Kigali. Elle fait suite à des accusations de plus en plus précises, formulées non seulement par le Burundi qui fait pression sur le Conseil de sécurité de l’ONU pour qu’il rappelle Kigali à l’ordre, mais aussi dans un rapport publié par des experts de l’Onu et corroboré pare les Etats Unis, selon lequel des militaires rwandais forment et arment des réfugiés burundais afin de les renvoyer dans leur pays les armes à la main. Ces informations ont été confirmées par les services de sécurité congolais qui assurent avoir intercepté au Sud Kivu plusieurs dizaines de ressortissants burundais dotés de fausses cartes d’électeurs congolais (tenant lieu de documents d’identité). Ces cartes auraient été imprimées au Rwanda grâce à du matériel électoral volé en 2013 par les rebelles tutsis du M23. Ces opposants burundais dotés de documents congolais leur permettant de circuler librement auraient eu l’intention de s’infiltrer au Burundi via le Sud Kivu. La violence du ton utilisé par le président rwandais ne vise pas seulement à désamorcer les critiques. Elle est aussi animée par le risque de voir la crise burundaise dégénérer en conflit régional, et par la peur, jamais totalement conjurée au Rwada, d’être à nouveau la cible d’attaques menées par les Interhahamwe, ces rebelles hutus réfugiés au Congo et qui n’ont pas été complètement désarmés.
A Kigali en effet, l’on constate que la crise politique ouverte au Burundi avec l’accession du président Nkurunziza à un troisième mandat a tendance à s’ « ethniciser » , à faire renaître un clivage Hutu Tutsi qui, au cours des dix dernières années s’était cependant sérieusement estompé. A l’heure actuelle en effet, ce sont les « quartiers tutsis « de Bujumbura qui, après des semaines de manifestations, sont ciblés chaque jour par des assassinats, des pillages, des disparitions. Pour tenter de mobiliser les masses rurales (Hutues dans leur grande majorité) le pouvoir joue sur la fibre ethnique. Il rappelle volontiers les massacres de 1972, parfois qualifiés de « génocide sélectif » au cours desquels 300.000 Hutus avaient été massacrés par les soldats tutsis tandis que des centaines de milliers de réfugiés accueillis en Tanzanie (parents et compagnons de route du président actuel Pierre Nkurunziza) vivaient dans l’espoir de revenir au pays et d’y prendre enfin le pouvoir. Rappelons que cette « ethnisation » de la politique burundaise passe par l’abandon des accords d’ Arusha, qui, non seulement limitaient le mandat présidentiel à deux exercices, mais avaient imposé une clé de répartition numériquement injuste mais rassurante pour la minorité tutsi, qui s’était vue garantir 50% des places dans l’armée et 40 % des postes dans les ministères.
Dramatisant volontiers la situation, Kigali assure que les Interhahamwe, auteurs du génocide de 1994, sont aujourd’hui présents aux côtés des « Imbonerakure » les miliciens proches du régime, des jeunes gens issus des groupes sportifs mais qui sont aujourd’hui dotés d’arme et multiplient intimidations et violences.
Le Rwanda n’est pas le seul à s’inquiéter de la dérive du Burundi : le Congo, qui redoute l’hégémonie de Kagame et de son voisin ougandais Museveni dans la région, soutient discrètement Nkurunziza et avec lui l’Angola, le Congo Brazzaville et surtout la Tanzanie, en première ligne sur le front humanitaire… L’internationalisation du conflit se profile à l’horizon…