Fiche du document numéro 14281

Num
14281
Date
Jeudi 14 juillet 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
103047
Pages
2
Urlorg
Titre
Le Rwanda : un pays à reconstruire
Nom cité
Cote
no 15525
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
De notre envoyé spécial à Kigali.

JACQUES BIHOZAGARA, membre du bureau politique du Front patriotique rwandais, fait partie, en qualité de ministre, du « gouvernement de transition à base élargi », prévu par les accords d'Arusha en août 1993. Mercredi, à Kigali, il a répondu aux questions de « l'Humanité ».

Le premier ministre désigné par les accords d'Arusha, Faustin Twagiramungu, doit arriver ce jeudi à Kigali. Comment voyez-vous la formation du gouvernement ?

Les partis d'opposition, le Mouvement démocratique rwandais, le Parti chrétien-démocrate, le Parti libéral et le Parti social-démocrate ont été décapités. Mais il reste parmi leurs cadres des survivants de valeur qui peuvent participer au prochain gouvernement. J'ajouterai que nous ne savons pas encore combien d'entre eux ont pu trouver refuge dans les camps de personnes déplacées existant à l'étranger. Peut-être nous faudra-t-il attendre un peu pour l'affectation de certains postes. Cela étant, le gouvernement en tant que tel, soit 22 ministères à pourvoir, pourra être rapidement constitué.

Le gouvernement de transition inscrit dans Arusha est resté lettre morte, du fait des manoeuvres de retardement et de sabotage organisées par la dictature. Nous sommes face à une situation nouvelle. Il peut y avoir des réadaptations, des réaménagements, mais ceux-ci respecteront la démarche des accords d'Arusha et se feront dans leur prolongement. Faustin Twagiramungu, qui appartient au Mouvement démocratique rwandais (MDR) sera premier ministre, c'est une chose entendue. Pour ce qui me concerne, rien n'est décidé. En dehors de l'accord sur le poste de chef de gouvernement, tout est à discuter entre nous. Mais cette discussion sera rapide : c'est une affaire d'heures ou de jours.

Les accords d'Arusha prévoyaient un partage du pouvoir englobant l'ex-parti unique d'Habyarimana. Qu'en est-il aujourd'hui ?

C'est l'exemple type de ce que j'appelle les réaménagements nécessaires. Le MRND est exclu des futures institutions. Ce sont les crimes qu'il a perpétrés qui l'en excluent.

Vous avez condamné l'opération « Turquoise » dès le début. Votre point de vue a-t-il changé ?

Une opération qui protège à la fois les victimes et les bourreaux ensemble, ne peut être qu'une arme à double tranchant. Dans la zone dite de sécurité imposée par les Français, les extrémistes se réfugient et leur nombre s'accroît chaque jour. Et pour les survivants des familles massacrées qui se trouvent dans cette zone, l'avenir apparaît pour le moins incertain et lourd de menaces.

Vous-mêmes et le FPR dans son ensemble, vous réclamez le jugement des auteurs du génocide. Comment voyez-vous un tel tribunal ?

Nous nous prononçons pour la création d'un tribunal international pour juger les criminels. Le récent rapport de la Commission des droits de l'homme auprès des Nations unies va dans le même sens. Son contenu, ses conclusions appuient cette exigence. Nous espérons que le Conseil de sécurité va instaurer promptement ce tribunal. Que ce soit comme une extension de celui déjà constitué à propos de la Bosnie ou dans la logique des procès de Nuremberg après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Et puis nous nous devons, sans plus attendre, de mettre sur pied un système judiciaire rwandais cohérent. Nous avons le plus grand besoin de juridictions nationales dignes de ce nom. Dans ce domaine comme dans celui de l'administration publique, dans tous les domaines de notre vie sociale en fait, il nous faut bâtir les structures aptes à permettre l'union nationale et le fonctionnement démocratique du pays.

Pour le gouvernement, je le redis, il nous faut aller très vite. Dans les autres domaines, il nous sera possible d'opérer de façon plus progressive. Bref, notre tâche sera de reconstruire notre pays.



Propos recueillis par Jean Chatain
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024