Citation
NYAMATA (RWANDA), 19 juin, Reuter - Des centaines de corps disloqués
sont éparpillés aux abords de l'église de Nyamata. Leur position donne
à penser que les victimes tentaient de fuir lorsqu'elles ont été
fauchées par les balles et les machettes.
Pas un seul Hutu n'est mort ici, tous étaient des Tutsis
, assure
Evariste Buregeya, un soldat du Front patriotique du Rwanda.
Les rebelles du FPR, qui se sont emparés de Nyamata le 6 mai, ont
laissé les choses en l'état, s'abstenant d'ensevelir les cadavres, pour
montrer à la communauté internationale l'étendue des massacres dans
leur pays.
Les organisations humanitaires estiment que 500.000 Tutsis et
sympathisants hutus de l'opposition ont été tués par des milices hutues
et par des soldats gouvernementaux depuis le 6 avril, date de
l'assassinat du président Juvénal Habyarimana.
Un enquêteur de la Commission des droits de l'homme des Nations unies,
René Degni-Segui, a été dépêché au Rwanda pour enquêter sur le terrain.
Il doit remettre un rapport préliminaire d'ici le 25 juin.
Le FPR affirme que 800 personnes ont été tuées à l'église de Nuamata
mais il est difficile de dénombrer les cadavres amoncelés à l'intérieur
de l'église et de cinq de ses dépendances.
---
Cartes d'identité
---
Des cartes d'identité jonchent le sol autour de l'église où le visiteur
doit prendre garde d'éviter les ossements disséminés par les chiens
errants qui se repaissent des cadavres.
Chaque carte d'identité comporte un nom, une photo et l'appartenance
ethnique, une innovation introduite par le président Habyarimana, un
Hutu.
A Nyamata, toutes les cartes semblent appartenir à des Tutsis.
Buregeya raconte que les milices créées par le MRND, parti de
Habyarimana, sont arrivées de Kigali à Nyamata en convoi le 7 avril,
quelques heures seulement après l'annonce de la destruction de l'avion
transportant le chef de l'Etat.
Les miliciens ont installé leur campement en bordure de Nyamata, à une
quarantaine de km au sud de Kigali, et, avec l'aide de soldats
gouvernementaux du camp voisin de Gako, ils ont commencé à exterminer
systématiquement tous les Tutsis qu'ils trouvaient.
Les maisons du village ont été complètement rasées, incendiées ou
encore minées.
Les hommes du FPR assurent qu'ils n'ont perpétré aucun massacre de
représailles mais ils reconnaissent avoir éliminé les soldats
gouvernementaux et les miliciens appréhendés.
Bien sûr que nous les avons tués lorsque nous les avons capturés. Il
n'y avait rien d'autre à faire
, dit Buregeya.
En contrebas de l'église, il désigne un bâtiment détruit à la grenade
où, explique-t-il, toute sa famille - à l'exception d'un frère plus
jeune combattant au FPR - a été exterminée. /NCD
(c) Reuters Limited 1994
