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NATIONS UNIES, 17 juin, Reuter - Paris a demandé vendredi aux membres
du Conseil de sécurité de l'Onu leur appui pour une intervention
rapide, conduite par la France, afin de mettre fin aux massacres au
Rwanda dans l'attente du déploiement des renforts de l'Onu.
Un projet de résolution en ce sens a été distribué vendredi soir aux
membres du Conseil de sécurité. Il devrait être soumis la semaine
prochaine à l'approbation du Conseil.
Le texte, dont Reuter a pu obtenir une copie, invoque le Chapitre 7 de
la Charte de l'Onu qui autorise le recours à la force. Il précise que
la mission serait limitée à la période transitoire pendant laquelle la
Mission des Nations unies d'assistance au Rwanda ne pourra mener à bien
son mandat
.
L'ambassadeur de France aux Nations unies Jean-Bernard Mérimée a
déclaré que la réaction des membres du Conseil de sécurité était
généralement positive.
La résolution de la France demanderait l'autorisation de lancer une
opération semblable à celle organisée pour la Somalie par les
Etats-Unis fin 1992. Dans le cas du Rwanda, il s'agirait d'une
opération française, avalisée par l'Onu mais hors de son contrôle.
Certains membres du Conseil de sécurité se sont inquiétés d'une
éventuelle répétition de ce qui s'est passé en Somalie où les forces de
l'Onu se sont retrouvées seules face aux milices armées après le
retrait des Américains.
La France est par ailleurs en butte à une vive opposition des rebelles
du Front patriotique du Rwanda à dominante tutsie qui accusent Paris de
parti pris en faveur des activistes hutus.
Nous tentons de les convaincre que nous n'avons pas de dessein
militaire ou politique caché
, a déclaré un diplomate français à
Reuter.
Ce que nous allons faire c'est sauver des vies tutsies (...) Mais je
pense qu'ils commencent à recevoir le message
.
Soutien de Boutros-Ghali
Le vice-président du FPR a fait parvenir vendredi au secrétaire général
de l'Onu, Boutros Boutros-Ghali, une lettre de mise en garde contre une
intervention française.
Les auteurs du génocide au Rwanda se féliciteraient d'une intervention
de la France et de leurs autres amis dont l'attitude passée a conduit
notre pays là où il en est
, écrit le vice-président du FPR, Patrick
Mazimhaka.
Le Front patriotique rwandais a de bonnes raisons de considérer avec
une méfiance extrême la déclaration française. La France a pris parti
et continue de le faire dans le conflit rwandais. Ses menaces visent
clairement à intimider le FPR et à permettre aux auteurs du génocide de
s'en tirer
, poursuit-il.
La France pourrait envoyer immédiatement un millier de soldats et
porter si nécessaire ces effectifs à 2.000 hommes, a déclaré un
diplomate français à Reuter. Elle espère par ailleurs que des pays
africains, notammement le Sénégal fourniront des troupes pour
l'opération.
Lors d'une réunion des ambassadeurs de l'Union de l'Europe occidentale
(UEO) à Bruxelles, France n'est pas parvenue vendredi à obtenir de ses
alliés un engagement ferme pour l'envoi de troupes au Rwanda afin d'y
faire cesser les massacres.
L'Italie a fait savoir qu'elle n'excluait
pas l'envoi de troupes
mais n'a fait aucune promesse précise, a déclaré à Reuter un diplomate
italien.
La Grande-Bretagne a proposé une cinquantaine de camions, la Belgique
un éventuel soutien logistique ou financier et les Pays-Bas un hôpital
de campagne et des avions de transports.
En visite à Abidjan, le ministre français des Affaires étrangères
Alain Juppé a déclaré que l'initiative française avait le soutien de
l'Onu et des Etats-Unis.
M. Boutros-Ghali m'a dit il y a quelques heures au téléphone que nous
avions son appui total. Nous sommes en train de voir en ce moment
comment ce soutien de principe (...) peut se traduire concrètement sur
le terrain
, a-t-il dit lors d'une conférence de presse. /NCD
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