Citation
Il ne sert sans doute à rien de dénoncer à satiété l'immobilisme de la
communauté internationale face au drame du Ruanda, de regretter qu'il
ait fallu deux mois pour qu'un début de mobilisation, encore verbale il
est vrai, se manifeste. Autant regarder vers l'avenir car il faudra
bien que la paix revienne un jour dans ce pays, et parler de ce qu'il
est encore possible de faire pour arrêter les massacres. A condition,
toutefois, de ne pas se payer de mots mais d'avancer un projet concret,
cohérent, et d'agir enfin dans l'extrême urgence que requiert la
situation.
Ce n'est malheureusement pas l'impression que donne notre pays, qui
parlait mercredi de « monter avec ses principaux partenaires européens
et africains une intervention sur le terrain pour protéger les groupes
menacés d'extermination » et qui excluait hier « une mission
d'interposition ou de vérification d'un cessez-le-feu », se bornant à
décrire une « opération pour aller au secours des populations menacées,
dans un but humanitaire ». Premiers concernés, les Belges ont réservé
un accueil poli à cette proposition. Quant aux Anglais, ils se sont
empressés d'affirmer qu'aucune action n'était envisageable en dehors du
cadre des Nations unies. On en reviendrait donc à l'hypothèse initiale
d'une force à majorité africaine que le secrétaire général de l'ONU,
Boutros Boutros-Ghali, a toutes les peines du monde à mettre sur pied
et qui bénéficierait d'un soutien logistique et financier de la part
des grandes puissances. Le président américain, Bill Clinton, s'était
engagé dans ce sens à Paris, mais visiblement l'intendance ne suit pas.
Alors, on s'en remet avec soulagement à un hypothétique cessez-le-feu
négocié sous l'égide de l'Organisation de l'unité africaine et, pour
faire bonne mesure, on se dote d'un langage musclé, propre à satisfaire
une opinion publique qui, on le sait bien, ne tardera pas à recouvrir
le Ruanda de son oubli.
