Fiche du document numéro 1379

Num
1379
Date
Jeudi 14 avril 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
110674
Pages
3
Sur titre
Rwanda
Titre
Forces gouvernementales et rebelles se disputent le contrôle de la capitale
Sous titre
Des troupes du Front patriotique rwandais (FPR) ont commencé, mardi 12 avril, de pénétrer dans Kigali où, mercredi dans la matinée, de violents combats à l'arme lourde les opposaient aux forces gouvernementales.
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Les tirs à l'arme lourde semblaient toujours provenir, mercredi, à
Kigali, du secteur de l'ancien Parlement, où sont retranchés les
combattants du Front patriotique rwandais (FPR). « La situation
militaire reste sous le contrôle des forces armées rwandaises (FAR) dans
tout le pays, y compris à Kigali
 », a assuré la radio nationale.
Pourtant, les Nations unies ont confirmé l'entrée, mardi, de troupes
rebelles dans la capitale où ils cherchent à gagner du terrain.
Le gouvernement, qui a proposé une trêve, a accusé la Mission des
Nations unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR) et les soldats belges
« d'apporter une aide technique aux rebelles ». De son côté, la radio du
FPR a annoncé que la MINUAR et le FPR avaient signé un accord destiné à
permettre l'évacuation des étrangers pendant une période de
quarante-huit heures. Le représentant des rebelles à New York s'est fait
plus menaçant, promettant que ceux-ci « engageraient le combat » avec
les troupes occidentales si ce délai n'était pas respecté.
Mardi, dans la matinée, une violente canonnade, un peu plus proche que
d'habitude, avait semé la panique dans toute la ville et jusque dans les
rangs des troupes occidentales chargées d'évacuer les derniers candidats
au départ. Vers 9 heures, les soldats français avaient abandonné
l'ambassade de France, escortant, dans deux camions soigneusement
bâchés, la cinquantaine de Rwandais (toutes ethnies confondues) qui y
avaient trouvé refuge. Parce qu'il était « visé » par les troupes
rwandaises, l'ambassadeur de Belgique, le dernier ambassadeur occidental
présent sur place, décidait, quelques heures plus tard, de suivre
l'exemple de son homologue français.

Retrait français



Les commandos des opérations spéciales (COS) de l'armée française
décrochaient du Centre culturel français, aussitôt remplacés par les
soldats belges qui s'en retiraient une demi-heure plus tard, après avoir
embarqué les quatorze Rwandais qui y étaient terrés depuis six jours.
Une jeune femme était jetée au fond d'un camion avec ses deux bambins
tandis qu'un père de famille abandonnait ses trois enfants cachés
quelque part dans la capitale et qu'il n'avait pas réussi à rejoindre
depuis le début des massacres, le 7 avril. Vers 15 heures, un convoi
belge escorté par un blindé s'immobilisait devant l'hôtel des Milles
Collines. En hurlant, le commandant donnait aux seuls expatriés
occidentaux quinze minutes pour faire leur valise. Refoulé sans
ménagement, un pharmacien rwandais voyait ainsi partir vers l'aéroport
son épouse d'origine russe et ses trois enfants.

La panique avait surtout saisi les civils qui, en longues colonnes, par
dizaines de milliers, ont fui à pied vers le sud. Ailleurs, en ville,
les miliciens armés de machettes, de couteaux et de grenades n'avaient
pas bougé des barrages dressés sur les grands axes routiers. A l'hôtel
des Mille-Collines, ne restaient que deux prêtres québécois décidés à ne
pas quitter le pays, deux officiers de la MINUAR, une douzaine de
journalistes occidentaux et quelques Rwandais terrorisés ou résignés.
Les Tutsis craignaient encore des exactions de la garde présidentielle,
essentiellement composée de Hutus. Et les Hutus redoutaient déjà la
vengeance des combattants tutsis du FPR, de plus en plus infiltrés en
ville. Tandis que le gouvernement qui avait quitté Kigali le matin même,
probablement vers Gitarama, à cinquante kilomètres plus au sud,
demeurait injoignable, un porte-parole des rebelles affirmait que le FPR
occupait désormais quatre nouvelles positions autour de la capitale.
Déchiré de temps à autre par quelques rafales assez éloignées, un calme
étrange régnait au centre-ville. Dans le quartier des ministères, les
soldats occupaient les carrefours ou patrouillaient dans les rues. Des
véhicules civils chargés de militaires circulaient à vive allure.
Difficile de savoir s'ils quittaient Kigali ou montaient au front.
A l'aéroport, stationnaient encore, mardi dans la soirée, environ 1 150
soldats étrangers (huit cents Belges et trois cent cinquante Français).
Paris décidait alors de retirer le tiers de ses effectifs tandis que
Rome annonçait l'envoi de quatre-vingts hommes chargés d'assurer la
sécurité des pistes. De son côté, le général Roméo Dallaire, commandant
des forces de la MINUAR, maintenait le contact entre les belligérants.
Il se serait rendu, à plusieurs reprises, au ministère de la défense,
siège de l'état-major de l'armée rwandaise.

Le délégué du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) avait, dans
la journée, fait édifier des murets avec des sacs de sable pour protéger
la cour de sa résidence, précisant que son personnel, parmi lesquels
vingt-cinq expatriés, était résolu à tenir aussi longtemps que possible.
Il annonçait l'arrivée, prévue pour jeudi matin, d'une équipe
chirurgicale et de matériel à bord d'un convoi venant par la route de
Bujumbura.

JEAN HÉLÈNE

Rectificatif



L'armée rwandaise et la garde présidentielle sont essentiellement
composées de Hutus et non pas de Tutsis comme nous l'avons écrit par
erreur dans l'article sur la fermeture de l'ambassade de France à Kigali
dans le Monde du 13 avril.
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