Fiche du document numéro 12959

Num
12959
Date
Vendredi 8 avril 1994
Amj
Fichier
Taille
151914
Pages
2
Urlorg
Titre
Deux pays ravagés
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
LA mort brutale des présidents rwandais et burundais risque fort de provoquer une nouvelle tragédie frappant simultanément leurs deux pays.

Comment se fait-il que, depuis plus de trente ans, les Hutus, majoritaires dans les deux pays, et les Tutsis, minoritaires, qui ont tout en commun, langue, culture et même histoire, depuis des siècles, s'entre-déchirent? Les puissances coloniales allemande puis belge, et celle tutélaire plus récente, française, ont toujours favorisé les Tutsis. « L'épisode colonial (1896-1962) voit triompher un mélange de raciologie à la Gobineau et de fantasmagorie biblique (illustrée en 1950 par le film ``les Mines du roi Salomon''), que l'on retrouve encore aujourd'hui dans les médias. Hutus et Tutsis sont décrits comme deux races différentes, des ``nègres bantous'' et des ``envahisseurs hamites''. Ces derniers sont traités en conséquence comme une caste ayant vocation à gouverner », écrivait Jean-Pierre Chrétien, historien au CNRS, dans « l'Humanité » du 28 octobre 1993.

Au Rwanda, Juvénal Habyarimana, un Hutu, a pris le pouvoir en juillet 1973 à la faveur d'une révolution de palais qui renversa le président KayibamdaKayibanda, au pouvoir depuis l'indépendance en 1962. En 1959 déjà, une sanglante révolte des Hutus avait mis fin à la domination des Tutsis sur la vie du pays. Jusqu'à la rébellion, en 1990, de Rwandais essentiellement tutsis réfugiés en Ouganda (organisés au sein du Front patriotique rwandais, FPR), Habyarimana a mené le pays d'une main de fer à la tête de son Mouvement révolutionnaire pour le développement national (MRDN)MRND : Mouvement révolutionnaire national pour le
développement
. Mis à mal par la rébellion, il se maintint au pouvoir grâce à l'intervention d'un corps expéditionnaire français. Ce dernier conflit a déplacé près d'un million de personnes, démunies de tout. En échange du soutien parisien, Habyarimana fut contraint, lors des accords d'Arusha (Tanzanie) en août 1993, de donner un habillage plus convenable à son régime et promis la constitution d'un gouvernement pluraliste pour décembre dernier. Cette promesse ne fut pas tenue. En janvier dernier, il avait annoncé une période transitoire de vingt-deux mois, s'engageant, cette fois-ci, à organiser des élections pluralistes.

Au Burundi, Cyprien Ntaryamira avait été désigné comme chef de l'Etat par le Parlement le 13 janvier dernier. Il avait succédé au président Melchior Ndadayé, le premier président élu régulièrement en juin 1993 et assassiné lors du coup d'Etat militaire manqué du 21 octobre 1993. Près d'un million de Burundais, en majorité des Hutus, se sont réfugiés dans les pays voisins et des dizaines de milliers d'autres ont été tués après cette tentative de putsch.

De 1965 à 1993, l'histoire du pays est jalonnée par une série de crises sanglantes dont l'enjeu a, chaque fois, été le pouvoir. En 1965, à la suite de l'assassinat du premier ministre hutu, Pierre Ngendandumwe, éclatent des massacres de paysans tutsis dans le centre-ouest du pays. En 1972, l'inverse se produit avec une élimination systématique par le régime des élites hutues. En août 1988, à la suite d'une tentative de soulèvement hutu (lancée depuis le Rwanda) dans le nord du pays, une répression militaire aveugle succède aux massacres. Pourtant, c'est à ce moment-là que Buyoya se lança dans une politique de démocratisation du régime débouchant sur une Constitution pluraliste en 1992.
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