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Alors que l'armée régulière est accusée d'avoir massacré des milliers de civils dans le nord-est du pays, une deuxième zone de combats se dessine dans le Nord-Ouest, où une forte concentration de rebelles est observée depuis le jeudi 11 octobre dans la région de Ruhengeri.
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« Il nous faut démasquer au plus vite les assaillants infiltrés dans la population », déclare le président pour expliquer la campagne de délation nationale à laquelle les Rwandais sont aujourd'hui conviés. Une occasion rêvée pour les autorités et pour les particuliers de se débarrasser d'un voisin, d'un collègue de travail ou d'un opposant. Un simple coup de téléphone suffit, les militaires arrivent quelques minutes après, embarquent le suspect en remettant le contrôle d'identité à plus tard. Il a fallu ouvrir un stade pendant quelques jours pour y mettre le trop-plein des interpellés.
Dans la cour d'un commissariat où les journalistes ont été autorisés à travailler, l'ambiance est pourtant bon enfant. Des « suspects » font de grands signes à leurs parents à travers la clôture. Beaucoup d'hommes en guenilles, sans papiers. On attend la « commission de triage ». Une jeune femme, arrêtée à son bureau, a pu prévenir son mari grâce au téléphone du brigadier.
A quelques mètres de là, devant la prison, des gens stationnent, les yeux rivés sur la cour de l'établissement. Une mère de famille est là depuis trois jours, sans aucune nouvelle de son mari. Elle parle d'une voix blanche, elle est folle d'angoisse, elle sait qu'il y a eu des morts pendant les rafles, son mari n'avait sans doute pas ses papiers sur lui ce jour-là...
Le parti a bien fait les choses. Dans chaque quartier, il invite les habitants à dénoncer les étrangers : un système « qui a prouvé son efficacité dans la lutte contre le banditisme », dit un responsable du MRND. Des équipes civiles ont été mises sur pied pour fouiller les maisons, à la recherche de caches d'armes.
En ces jours de délation, il existe aussi le « délit d'identité » : celui qui porte la mention « tutsi » sur sa carte d'identité (au lieu de « hutu », « twa » ou « naturalisé ») est plus suspect qu'un autre au Rwanda, où chacun hérite de la race de son père. Celui qui est né d'un père hutu et d'une mère tutsie a plus de chances d'échapper aux soupçons, à moins que son faciès ne décide le militaire à l'arrêter. « Le temps de la suspicion est revenu, déclare un curé à Kigali. Nous faisons un pas en arrière. »