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Des milliers de civils ont été massacrés au Rwanda depuis le début de la semaine par l'armée gouvernementale. Ces chiffres terribles sont confirmés par les réfugiés qui fuient le nord du pays vers l'Ouganda qui ont révélé que les troupes du président Juvenal Habyarimana ont rassemblé la population d'une dizaine de villages pour les massacrer, la plupart du temps à coups de machettes.
Recevant jeudi le corps diplomatique présent à Kigali, le ministre des Affaires étrangères, Casimir Bizimungo, a reconnu ces massacres prétendant qu'il s'agissait de « 300 à 500 rebelles qui avaient abandonné leur uniforme pour revêtir des tenues civiles. » Le ministre démentait ainsi les propos du chef de l'Etat qui, la veille, avait affirmé qu'il n'y avait pas eu de massacre.
Cette argumentation avait déjà été utilisée lorsque la semaine dernière les forces du Front patriotique rwandais (FPR) avait pénétré dans la capitale pour tenter notamment de prendre le contrôle de l'aéroport. L'arrivée, au même moment, du deuxième contingent du corps expéditionnaire français (300 légionnaires au total) avait permis aux troupes gouvernementales de reprendre le dessus.
Trois mille personnes accusées d'avoir été impliquées dans les troubles qui ont éclaté à Kigali dans la nuit du 4 au 5 octobre ont été arrêtées, a déclaré, vendredi, le chargé d'affaires de l'ambassade du Rwanda à Paris, Raphael Mutombo. « Un grand nombre » de ces trois mille « suspects » - chiffre nettement supérieur à ce qui avait été indiqué jusqu'à présent - auraient été « relaxés », a-t-il assuré pour, selon ses propres termes, corriger « la propagande des rebelles » à propos de violations des droits de l'homme et de massacres au Rwanda.
Selon les déclaration des autorités françaises, les légionnaires ont été envoyés au Rwanda pour protéger et permettre l'évacuation des ressortissants français. L'AFP constate dans une dépêche datée de vendredi : « La mission humanitaire
des légionnaires - c'était en tout cas le motif officiel de leur envoi au Rwanda - n'a plus lieu d'être. Sur les sept cents nationaux recensés par l'ambassade de Paris à Kigali, beaucoup ont été rapatriés. »
L'intervention française au Rwanda n'a donc aujourd'hui plus aucune justification. A moins qu'il ne s'agisse, en accord avec l'ancienne puissance coloniale belge et le dictateur zaïrois, Mobutu, de maintenir au pouvoir un régime docile aux intérêts néo-colonialistes. Une fois de plus le « nouvel ordre mondial » prôné par Paris et d'autres capitales de grandes puissances n'est que le nouvel habillage d'un ordre ancien, celui de la domination par les puissances capitalistes, celui dans lequel la France et ses mercenaires africains jouent le rôle de gendarme dans un continent dont les peuples veulent secouer le joug de régimes autoritaires et corrompus.
Michel Muller