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ALORS que l'aéroport de Kigali, la capitale du Rwanda, est toujours tenu par le corps expéditionnaire français, le gouvernement belge, qui a également envoyé des troupes, a rejeté jeudi une demande du gouvernement rwandais portant sur l'envoi d'un nouveau contingent. Depuis plus d'une semaine les combats font rage dans ce petit pays situé au centre de l'Afrique, frontalier du Zaïre, de l'Ouganda, de la Tanzanie et du Burundi. Jeudi dernier, une organisation rebelle, le Front patriotique national, forte de plusieurs milliers d'hommes armés a déclenché un soulèvement contre le régime de Juvénal Habyarimana, accusé de corruption et de s'opposer au retour des réfugiés. Ceux-ci, plus d'un million, sont les enfants des Rwandais qui avaient fui le pays au début des années soixante.
Les forces gouvernementales aidées par des militaires zaïrois, membre de la garde présidentielle de Mobutu - celle-ci est connue pour sa férocité, notamment depuis le massacre de 150 étudiants zaïrois commis au printemps dernier - ont été contraintes jeudi par les rebelles d'abandonner la ville stratégique de Gabiro, située dans le nord du pays. Des réfugiés fuyant la zone des combats ont fait état de nombreuses atrocités et massacres - un millier de civils ont été tués dans le nord du pays - commis par les troupes du régime. Venant de Kigali, une ressortissante belge d'origine rwandaise, a dénoncé, jeudi à Bruxelles, les mauvais traitements infligés aux 3.000 détenus de la prison de la capitale, où elle-même avait été internée pendant deux jours avant l'intervention du gouvernement belge. « On était environ 70 femmes et les hommes beaucoup plus, a-t-elle raconté. On dormait par terre. On se roulait dans nos urines. Il y avait une femme enceinte qui était là depuis une semaine. Les hommes, on les avait battus toute la nuit. On marchait sur leur tête. On les obligeait à se coucher face contre terre dans leurs urines. On leur faisait boire de l'urine, de la peinture, des liquides innommables ».