Samedi après-midi, à l'aéroport international de Johannesburg, un passager en provenance du Zimbabwe a été arrêté par la police sud-africaine. L'homme s'appelle Richard Rouget, il a 44 ans. Il est français, naturalisé sud-africain depuis 1999. Sur le papier, il organise des safaris, mais la justice l'accuse d'être un recruteur de mercenaires pour la Côte d'Ivoire. Du reste, d'allure sportive, le cheveu roux, le teint hâlé, ce chasseur-homme d'affaires n'est pas un inconnu dans l'univers des "soldats de fortune".
Du GUD aux Comores
Tout commence dès les années 70, lorsque Richard Rouget est un jeune étudiant de l'université d'Assas, à Paris. Responsable dans divers groupes d'extrême-droite comme le GUD, Occident ou l'éphémère Parti des Forces nouvelles, ce jeune lyonnais entre dans l'armée sans terminer ses études. Après avoir quitté son uniforme de sous-lieutenant en 1984, le jeune homme est vite aspiré sous le nom de "Sanders" par la bande de Bob Denard aux Comores, où le chef mercenaire s'est vu donner la charge de la Garde présidentielle.
A l'époque, les services secrets du régime d'apartheid voient la
bande à Denard
d'un bon œil. En échange de quelques largesses et d'un soutien logistique, ils installent aux Comores une station d'écoutes permettant de surveiller les activités de l'ANC en Zambie et en Tanzanie. Mais après que le trône de Bob Denard eut commencé de vaciller, Rouget part s'installer en 1987 en Afrique du sud. Officiellement, il représente deux sociétés françaises, Société Essor International Ingénierie et Europe-Afrique Export, fondées par deux anciens des Comores, Jean-Claude
Barjac
Cabanac et Christophe Chabassol.
Basses œuvres à Bruxelles
Le gouvernement raciste en place à Pretoria bénéficie encore de la bienveillance de l'Occident. Secrètement, il fait tout son possible pour liquider l'ANC. Ainsi, une nuit de février 1988, un homme tente d'assassiner Godfrey Motsepe, représentant du parti de Nelson Mandela à Bruxelles. Un mois plus tard, Dulcie September,
l'ambassadrice
de l'ANC à Paris, est abattue en plein jour.
L'enquête des autorités belges et françaises s'intéresse bientôt à un réseau d'anciens mercenaires dirigé par un certain Tran-Thuy Tuong, alias "Victor" ou encore
Paul Tramond
. La police suspecte ce réceptionniste de l'Hôtel Sheraton de Bruxelles d'exécuter les basses œuvres des services secrets sud-africains en Europe. Une fiche d'hôtel l'oriente également sur un couple : celui que formait Antonia Soton, ancienne d'Occident et de Jeune Europe… et Richard Rouget. Au bout de quelques mois pourtant, le manque de preuves oblige le juge Claudine Forkel à prononcer un non-lieu en 1992.
Depuis, Richard Rouget s'était établi dans son domaine de Hout Bay, près du Cap. La justice sud-africaine pense qu'il n'était pas seulement l'honnête tour-opérateur pour riches chasseurs d'impalas. Elle estime qu'il dirigeait un cabinet secret de recrutement de mercenaires, qui, pour 10.000 euros par mois, allaient envenimer les conflits du monde.
5 ans de prison
Un Sud-Africain d'origine française a plaidé coupable vendredi d'activités de recrutement de mercenaires en Côte d'Ivoire et a été condamné à 5 ans de prison ou 100.000 rands d'amende (12.084 euros). La Loi sur l'Assistance militaire à l'étranger, dont c'est la première application depuis son introduction en 1998, interdit et punit toute activité mercenaire ou para-mercenaire d'assistance à un conflit étranger (entraînement, recrutement, financement) par des Sud-Africains ou sur le sol sud-africain. Rouget s'est aussi vu infliger une peine de 5 années de prison avec sursis qui deviendra effective s'il est reconnu coupable de nouvelles activités de même nature pendant cette période. Il a plaidé coupable à l'accusation de participation à des activités mercenaires en Côte d'Ivoire entre novembre 2002 and janvier 2003, et d'avoir recruté 12 ressortissants sud-africains, dont des pilotes et des hommes d'infanterie, pour combattre en tant que mercenaires en Côte d'Ivoire.