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CHAQUE jour apporte son lot de révélations sur les actions des escadrons de la mort pilotés par le régime d'apartheid. Avant-hier, on apprenait que la « piste sud-africain » était le plus vraisemblable pour expliquer l'assassinat du premier ministre suédois Olof Palme.
Hier, Dirk Coetzee, l'ancien chef de la Vlakplaas (unité secrète chargée des «mauvais coups» pendant l'apartheid), a affirmé à l'AFP que la police secrète sud-africaine était responsable de l'assassinat, en mars 1988 à Paris, de Dulcie September, représentante de l'ANC en France. « Je sais que la section A des services sud-africains était impliquée, mais je n'ai pas de détail sur cette opération spécifique », a déclaré le commandant Coetzee dans un entretien téléphonique avec l'AFP.
Dulcie September, une métisse de quarante-deux ans exilée en France en 1984 après avoir été bannie de son pays natal, a été tuée par balles sur le palier de son bureau parisien le 29 mars 1988. A l'époque, les autorités sud-africaines avaient formellement démenti toute responsabilité dans son assassinat qui est resté non élucidé à ce jour. Selon le commandant Coetzee, l'opération contre Dulcie September a été préparée par l'unité A que dirigeait le « super-espion » Craig Williamson depuis une ferme des environs de Pretoria aujourd'hui détruite.
« Cette unité spéciale de la police était chargée de la lutte contre les militants antiapartheid et ce plus particulièrement à l'étranger », a dit Dirk Coetzee qui a, par le passé, révélé les activités d'une autre unité de la police secrète, la très redoutée cellule du Vlakplaas qu'il a dirigée jusqu'en 1985.
Un haut diplomate sud-africain exilé en Belgique dans les années quatre-vingt à cause de ses activités antiapartheid avait affirmé en août devant la commission Vérité et Réconciliation avoir été lui-même victime de deux tentatives d'assassinat menée par un escadron de la mort dépêché par les autorités sud-africaines de l'époque. Selon Godfrey Motsepe, devenu aujourd'hui haut fonctionnaire des Affaires étrangères, l'assassinat de September fut sans doute « l'oeuvre de ce même escadron de la mort qui parcourait l'Europe dans le but d'éliminer les membres de l'ANC ».
Le commandant Coetzee, qui a demandé une amnistie pour ses activités, doit à son tour témoigner début novembre devant la commission Vérité et Réconciliation chargée de faire la lumière sur les agissements du régime d'apartheid. Ses révélations ont contribué à l'arrestation, en mai 1994, du colonel Eugène De Kock, qui lui a succédé à la tête du Vlakplaas jusqu'à sa dissolution en 1993. Le colonel De Kock, qui se qualifie lui-même d'« assassin d'Etat », en procès depuis dix-huit mois et reconnu coupable par la cour suprême de Pretoria de 89 crimes, a mis en cause, au cours d'une confession-fleuve, tout le gotha de l'apartheid pour les atrocités commises sous le régime raciste. Il a aussi nommément accusé le commandant Williamson d'être impliqué dans l'assassinat toujours non élucidé du premier ministre suédois Olof Palme, en février 1986.
Célèbre « exécuteur » des basses oeuvres de l'apartheid, le commandant Williamson avait officiellement pris sa retraite de la direction opérationnelle des renseignements de la police sud-africaine en décembre 1985 pour créer une société de conseil baptisée « Longreach ». Selon Dirk Coetzee, cette société était « à 100% une société-écran de la sécurité sud-africaine ». Parmi ses collaborateurs figurait selon lui un certain James Anthony White, mercenaire qu'il a cité comme l'auteur de l'assassinat de Palme lors d'une mission baptisée « Opération Longreach ».