Field | Value |
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Num | 28556 |
Date | Mardi Septembre 1998 |
Ymd | 19980901 |
Hms | 00:00:00 |
Author | Robert, Anne-Cécile |
File | JusquAuCoeurDuPouvoirLeDiplo091998.pdf |
Fsize | 532841 |
Urlorg | |
Uptitle | Une avancée de la démocratie parlementaire |
Title | En Belgique, jusqu'au cœur du pouvoir |
Subtitle | |
Tres | |
Page | |
Quoted person | Dehaene, Jean-Luc |
Quoted person | Claes, Willy |
Quoted person | Brouhns, Alexis |
Quoted place | Belgique |
Keyword | Commission d'enquête belge |
Keyword | Implication de la France |
Keyword | Mission d'information française |
Keyword | Assassinat 10 Casques bleus |
Keyword | Passivité de la communauté internationale |
Cote | |
Abstract | |
Newspaper/Source | Le Monde Diplomatique |
Public records | |
Citation | Impliquées au premier chef par leurs liens économiques, militaires et personnels avec le Rwanda, la Belgique et la France ont adopté des attitudes très différentes quant à la recherche de la vérité. Tandis que la seconde se drapait dans un silence forcené, la première mettait en place une commission d'enquête parlementaire, dotée de puissants moyens, afin d'éclaircir les conditions de perpétuation du génocide ainsi que l'implication des autorités gouvernementales et militaires belges. Une commission ad hoc du Sénat de Belgique a ainsi étudié de nombreux documents et rapports, et tenu de multiples auditions, pour un total de 730 heures de travail tout au long de l'année 1997, sans compter les déplacements (1). En Belgique, les deux chambres qui composent le Parlement ont le droit d'enquête (article 56 de la Constitution) ; elles peuvent transmettre les pétitions des citoyens aux ministres et obliger ces derniers à fournir les réponses demandées. Alors que des informations et des accusations concernant le rôle de Paris au Rwanda circulent un peu partout en Europe, les responsables politiques français se gardent d'ouvrir toute investigation (2). C'est finalement au début de l'année 1998 que l'Assemblée nationale met en place une mission d'information, composée de représentants de la majorité et de l'opposition et présidée par M. Paul Quilès. A la différence de ce qui se passe lors d'une commission d'enquête, les témoignages prononcés devant une mission d'information ne peuvent donner lieu à des poursuites pénales ; il n'est en effet pas prévu de prestation de serment. De plus, la mission ne dispose pas des moyens financiers et juridiques d'effectuer de véritables vérifications sur place et sur pièces. Les moyens de contrôle des organes législatifs sur les gouvernements sont en général assez réduits dans les démocraties occidentales. La nécessité d'assurer la stabilité ministérielle, auparavant fragilisée par des coalitions politiques changeantes, a suscité un encadrement de plus en plus strict des prérogatives parlementaires, un « parlementarisme rationalisé », selon l'euphémisme consacré par les manuels de droit (3). De plus, la discipline des partis et le mode de scrutin majoritaire assurant les ministres d'une majorité souvent confortable, les assemblées sont peu enclines à mettre en cause leur action. Sans compter que nombre de députés se considèrent comme des ministres potentiels. Ces tendances sont aggravées par le prestige du pouvoir politique, important dans les pays latins, et qui lui confère souvent une large impunité. Si la commission d'enquête du Sénat belge s'est heurtée au mauvais vouloir des services de renseignement français et des instances des Nations unies (4), elle a pu mener avec une très grande latitude des investigations au cœur même du pouvoir civil et militaire bruxellois. La responsabilité des ministres et de l'état-major est disséquée tant au regard de la complicité avec le régime du président Juvénal Habyarimana que concernant la période précédant le génocide et le massacre des dix « casques bleus » belges, le 6 avril 1994, dans le camp militaire de Kigali. Le rapport souligne ainsi l'impréparation des troupes belges, entraînées en trois semaines seulement aux opérations de maintien de la paix. « L'information concernant les événements politiques s'arrêtait à l'année 1990 » ; celle concernant « la région où il fallait opérer était trop générale, voire erronée » - ainsi « les Belges sur place ne savaient pas communiquer avec la population locale dans leur langue ». Le chef du secteur de Kigali avoue : « Je ne possédais pas de résumé des textes de la Minuar [Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda] ni de directives plus spécifiques quant à ma mission de commandant du détachement belge. » Les hommes ne disposaient que d'un « condensé des règles d'engagement » omettant « la partie relative au génocide et aux crimes (5) ». La diplomatie, traditionnellement couverte du secret d'Etat, est disséquée au grand jour par les sénateurs. Le rapport éclaire ainsi largement les responsabilités de la communauté internationale. Le Conseil de sécurité a « réduit progressivement et systématiquement l'effectif : de 8 000 hommes dans le cadre de l'option idéale, celui-ci est passé à 4 500 hommes dans l'option nécessaire pour atteindre 2 548 hommes dans l'option réalisable. Quant au rôle de la Minuar tel qu'il est défini par la résolution 872, il est lui aussi plus limité que ce qui était prévu dans les accords d'Arusha, et particulièrement dans le protocole relatif à l'installation de la force internationale neutre. (…) » Alors qu'il est question dans le protocole d'accord de « contribuer à la recherche de caches d'armes et à la neutralisation des bandes armées » et de « contribuer à assurer la sécurité de la population civile », la résolution de l'ONU définit de façon nettement plus limitée et moins précise le rôle de la Minuar comme consistant à « contribuer à la sécurité à l'intérieur de la zone désarmée de la ville de Kigali » et « à exercer un contrôle sur la sécurité générale ». Cette définition sera plus tard déterminante en ce qui concerne les possibilités dont disposera la Minuar sur le terrain. (…) « Si le mandat ne fait aucune allusion au désarmement des civils, ce n'est ni un accident ni une omission, mais le fruit d'une volonté expresse. En effet, les Etats-Unis ont, pour cette raison, supprimé du mandat, par voie d'amendement, la référence au rapport du secrétaire général du 24 septembre, parce qu'il y est bien question du désarmement des civils. (…) Les Etats-Unis ont également limité la possibilité d'assurer la sécurité des réfugiés et des personnes déplacées revenant au pays. » La délégation diplomatique belge auprès des Nations unies était « consciente de cet affaiblissement » et en a informé le premier ministre Jean-Luc Dehaene. Le ministre des affaires étrangères de l'époque, M. Willy Claes, a confirmé l'attentisme de Bruxelles : « On ne m'a de toute façon pas demandé d'obtenir une amélioration du mandat, car personne n'en ressentait le besoin. Nous ne sommes donc pas intervenus ; mais, si nous l'avions fait, nous aurions, sans aucun doute, essuyé un refus catégorique des membres permanents. » Les parlementaires constatent ainsi que la Belgique n'a « pas fait usage de sa position-clé en tant que fournisseur de troupes potentiel le plus important, pour prendre des initiatives diplomatiques permettant de modifier la résolution des Nations unies ». M. Alexis Brouhns, représentant belge à l'ONU, justifie cette attitude : « Les pays fournisseurs de troupes ne disposaient d'aucune influence sur le processus de décision. » Et d'ajouter : « Il n'y a pas eu de refus de la Belgique d'agir sans un mandat plus fort. Cela n'aurait d'ailleurs pas changé la décision, mais l'aurait simplement retardée… (6). » ANNE-CÉCILE ROBERT (1) Commission d'enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda, rapport fait au nom de la commission par MM. Philippe Mahoux et Guy Verhofstadt, Sénat de Belgique, session 1997-1998, 6 décembre 1997. (2) Lire François-Xavier Verschave, « Connivences françaises au Rwanda », Le Monde diplomatique, mars 1995. (3) Lire « L'idéal démocratique dévoyé », Le Monde diplomatique, mai 1997. (4) Sénat de Belgique, session 1997-1998, op. cit. pp. 62 à 67. (5) Op. cit., pp. 227 à 229. (6) Op. cit., pp. 159 à 161. |
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Type | Article de journal |
Language | FR |
fgtquery v.1.3, April 17, 2022